Task Masking : quand les employés simulent la productivité au bureau

Task masking

Depuis le retour, parfois forcé, au bureau, un nouveau phénomène intrigue les managers : le task masking. Cette tendance, popularisée par la génération Z notamment sur TikTok, consiste à donner l’illusion d’être occupé sans réellement travailler.

La pandémie a profondément bouleversé les habitudes professionnelles, et ses soubresauts se font encore sentir aujourd’hui. De nombreux salariés, habitués à la flexibilité du télétravail, peinent à comprendre la nécessité d’un retour systématique au bureau. Un retour de plus en plus souvent imposé, auquel certains tentent de trouver une parade. Et l’une des techniques qui gagnent en popularité est ce que le monde anglo-saxon appelle le task masking, soit la simulation de tâches.

@bryguyferreira @Marley ♬ original sound – BryGuyFerreira
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Cela se traduit généralement par une exagération ostensible de sa charge de travail ou par l’enchaînement de tâches purement théâtrales, dans le seul but de donner l’illusion d’une productivité intense. Une tendance particulièrement en vogue auprès de la génération Z, tant elle est encouragée sur les réseaux sociaux. Ainsi, les conseils pour “task masker” au bureau pullulent sur TikTok, certaines vidéos atteignant jusqu’à 1,1 million de vues.

Comment bien task masker au travail ?
– Taper bruyamment et rapidement sur son clavier ou se déplacer rapidement avec son ordinateur portable dans les couloirs de l’entreprise.
– Pousser des soupirs frustrés, comme si le travail était accablant, est toujours un plus, tout comme passer un appel privé avec un air concentré.
– Fixer intensément un écran, peu importe le contenu affiché, peut déjà faire l’affaire.
– Le must : multiplier les réunions et les e-mails, créant ainsi une charge de travail artificielle.

Dans certaines entreprises, les espaces de pause deviennent des lieux stratégiques de task masking, où les discussions “professionnelles” masquent en réalité de longues pauses informelles.

Pourquoi le task masking est-il devenu un phénomène de masse ?

Mais pourquoi ces souvent jeunes employés passent-ils autant de temps à feindre l’occupation au lieu de simplement travailler ? D’autant plus que simuler l’activité est parfois aussi mentalement épuisant que de produire réellement.

Il a déjà été largement expliqué que la génération Z ne considère pas la pression et la souffrance au travail comme une fatalité. Si certains y voient une attitude d’enfant gâté, cette tendance du task masking révèle surtout une réalité plus profonde : de nombreuses entreprises valorisent encore trop souvent le présentéisme plutôt que les résultats. Il ne suffit pas de travailler, il faut surtout avoir l’air de travailler.

@thelendingtree Look busy do nothing😂 . . . #lookbusydonothing❗️ #busy #actbusy #donothing ♬ original sound – The Lending Tree | Dubai 🇦🇪
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En ce sens, le task masking est un symptôme de problèmes structurels liés au recrutement, à la gestion des talents et à la planification des effectifs. D’ailleurs, le task masking n’est pas réservé aux employés les moins performants. Ceux qui terminent rapidement leur travail peuvent s’y adonner par manque de tâches. Un phénomène encore amplifié par le fait que de plus en plus de travailleurs délèguent leurs tâches répétitives à l’intelligence artificielle, libérant ainsi du temps… pour se perdre dans du task masking.

Un symptôme des limites du travail de bureau traditionnel

Si le task masking se généralise, c’est avant tout parce que les employés, et surtout les plus jeunes d’entre eux, remettent en question l’obligation de présence physique. De nombreuses tâches, autrefois réalisables uniquement en entreprise, peuvent aujourd’hui être accomplies à distance avec une efficacité accrue. Pourtant, certaines organisations restent attachées vaille que vaille au présentiel à tout prix.

Encadré 2 Un sondage Workhuman de 2024 révèle que 36 % des employés admettent avoir déjà simulé leur productivité, un phénomène surnommé “fauxductivité”. Parmi eux, 70 % estiment que cela n’a aucun impact sur leurs résultats.

Un comportement professionnel de type passif-agressif

En ce sens, le phénomène du task masking s’inscrit dans une série de comportements professionnels passifs-agressifs, comme le “quiet quitting“, les “quiet vacations” ou encore la “micro-retraite”. Autant de formes de résistance passive face aux contraintes et au contrôle exercés par les entreprises. Dans cette optique, le task masking n’est pas une simple tricherie ou une forme de paresse, mais une réponse à un système jugé oppressif. Un mécanisme de survie, en somme.

Toutefois, cette contestation silencieuse a un effet pervers : elle alimente la tendance au contrôle. Une étude de 2021 révélait que 80 % des entreprises aux États-Unis surveillent déjà leurs travailleurs hybrides à l’aide de logiciels enregistrant les frappes au clavier, la géolocalisation ou l’activité en ligne. Désormais, cette surveillance s’étendrait même aux bureaux physiques, où des capteurs de mouvement, détecteurs d’intensité lumineuse et de température permettent de savoir qui occupe quelle pièce et pour combien de temps.

@thewadeempire I can’t be the only person who has done this before?!? It’s the key to looking busy at work! #workworkwork #funniestvideosever #officehumor #officelifebelike ♬ original sound – TheWadeEmpire
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Un problème de management ?

Cette escalade dans la surveillance pose la question de l’équilibre entre contrôle et autonomie. Certes, il y aura toujours quelqu’un pour dire que “la confiance n’exclut pas le contrôle”, mais les entreprises ne gagneraient-elles pas en productivité en misant sur la confiance plutôt que sur la contrainte ? Le problème ne vient souvent pas du lieu où une personne travaille, mais de la manière dont elle est encadrée. Ces stratégies d’évitement sont donc principalement dues à une mauvaise gestion et à une communication défaillante dans les entreprises.

Un changement de paradigme

Pour faire revenir les employés en présentiel, cela doit avoir un vrai but, au-delà du simple fait d’être visibles. La clé réside dans la revalorisation du travail réellement effectué, mais aussi dans un management axé sur la valeur ajoutée plutôt que sur la surveillance.

Le task masking n’est donc pas une tendance anecdotique. Il met en lumière une mutation profonde du rapport au travail. L’essor de l’intelligence artificielle et des outils collaboratifs suggère une autre approche, où le travail serait évalué sur ses résultats plutôt que sur le nombre d’heures passées devant un écran. Le vrai défi des entreprises n’est pas de trouver comment espionner davantage leurs employés, mais de repenser l’organisation du travail afin de réconcilier performance et bien-être. Autrement, le task masking continuera de prospérer, révélant non pas un manque d’engagement des salariés, mais bien les failles d’un modèle en bout de course.

Quand le travail devient un jeu de rôle : “LARPing Your Job”, une variante du task masking
Le concept de “LARPing Your Job” (Live Action Role-Playing) s’inspire du jeu de rôle grandeur nature (LARP), où les participants incarnent des personnages fictifs dans des univers fantastiques.
Les employés qui pratiquent le “job LARPing” adoptent les codes et comportements typiques d’un employé modèle, mais sans véritablement produire de résultats concrets.
Exemples :
– Utiliser un jargon technique excessif pour paraître compétent.
– Organiser des réunions inutiles pour occuper du temps.
– Multiplier les e-mails et messages Slack sans réelle valeur ajoutée.
– Se plonger dans des “projets stratégiques” à long terme qui n’aboutissent jamais.
– Si le task masking est une illusion de productivité, le “LARPing Your Job” va encore plus loin : il s’agit d’incarner un rôle de travailleur acharné sans produire d’impact réel.

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