Salaires 2026: vers la fin de la hausse salariale ?

Caroline Lallemand

Les dernières années ont été marquées par une envolée des rémunérations, portée par l’inflation et les indexations. Le Guide des salaires 2026 de Robert Half annonce une phase de stabilisation. Mais derrière cette accalmie, certaines fonctions continuent de tirer leur épingle du jeu, tandis que la flexibilité, la culture d’entreprise et les perspectives de carrière deviennent décisives pour attirer et retenir les talents. Entretien avec Joël Poilvache, Regional Managing Director chez Robert Half Belgique.

Trends-Tendances: Quelles sont les grandes tendances du guide des salaires 2026 ?

Joël Poilvache : Ce que nous observons, c’est une stabilisation du marché. Après plusieurs années marquées par de fortes hausses salariales, liées notamment à l’inflation et aux indexations successives, les augmentations se sont calmées. En 2025 déjà, elles étaient plus en ligne avec l’indexation. En 2026, cette tendance se confirme : on reste sur des ajustements mesurés, sauf pour certains profils rares où les entreprises continuent à consentir des efforts supplémentaires.

Quelles fonctions échappent à cette stabilisation ?

Certaines professions restent structurellement en pénurie. C’est le cas des comptables et chefs comptables expérimentés, surtout lorsqu’ils combinent expertise technique, maîtrise d’ERP (nldr : Enterprise Resource Planning, ou progiciel de gestion intégré (PGI)), comme SAP et des compétences en automatisation. En finance, les contrôleurs de gestion confirmés sont toujours très recherchés. Du côté IT, la cybersécurité, la gestion des données et l’intelligence artificielle créent une forte demande. Pour ces profils, la pression à la hausse sur les salaires reste bien présente.

Dans ce contexte, l’intelligence artificielle menace-t-elle ou valorise-t-elle certains métiers ?


C’est une question de niveau de responsabilités. Les fonctions très transactionnelles sont effectivement plus exposées à l’automatisation. Mais ceux qui pilotent des projets d’IA et de digitalisation, capables d’accompagner le changement et d’en tirer de la valeur, voient au contraire leur attractivité renforcée. L’IA ne supprime pas l’expertise : elle accroît la demande en gestion de projet et en leadership technologique.

Le salaire brut reste-t-il la clé de voûte ou les avantages extra-légaux prennent-ils davantage d’importance ?


Le salaire reste, de loin, un facteur déterminant dans un processus de recrutement. Le brut reste le nerf de la négociation, mais les avantages extra-légaux n’ont jamais été aussi stratégiques. La flexibilité, le télétravail, les plans cafétaria qui permettent de personnaliser son package, sont devenus incontournables. Le budget mobilité, les congés supplémentaires, ou encore la possibilité d’aménager son équilibre vie privée-vie professionnelle pèsent de plus en plus dans la balance. Les entreprises qui négligent cet aspect risquent de perdre la bataille des talents.

Existe-t-il encore de fortes disparités régionales en Belgique ?


Oui. Bruxelles conserve une prime salariale pouvant aller jusqu’à 10-12 % par rapport à certaines villes de province. La maîtrise des langues, le coût de la vie et les spécificités du marché expliquent en partie ces écarts.

Votre étude montre qu’un retour à temps plein au bureau pourrait valoir 5 à 10 % du package salarial. Est-ce réaliste ?


C’est ce qu’expriment les employés que nous avons interrogés. Dans la pratique, toutes les entreprises ne pourront pas financer une telle compensation. Mais, cela illustre bien le poids de la flexibilité dans la motivation des salariés. Certains candidats acceptent cinq jours au bureau, mais la grande majorité demande au minimum une journée de télétravail par semaine. Ne pas offrir cette souplesse impose de proposer des packages bien plus attractifs.

Le bien-être au travail est-il devenu un critère de choix ?


Clairement. Mais il ne s’agit pas seulement d’organiser des cours de yoga. Ce qui retient les talents, c’est une culture de l’écoute, du dialogue et de la flexibilité. Les entreprises qui parviennent à offrir stabilité, sécurité et individualisation de la relation employeur-employé renforcent la satisfaction et la santé mentale de leurs collaborateurs. La rétention passe par là.

Il ressort du Guide que 28 % des travailleurs belges n’osent pas négocier leur salaire lors d’un entretien d’embauche. Pourquoi ?

La négociation du salaire reste une tâche difficile pour de nombreux candidats. Il y a souvent un manque de confiance, surtout chez les plus jeunes qui entrent sur le marché du travail. Ils se heurtent aussi aux barèmes d’entrée peu flexibles et ont peur de passer à côté de l’offre d’emploi. Notre guide des salaires sert alors de référence : il aide les candidats à mieux connaître leur valeur de marché et à aborder la discussion avec plus d’assurance. Les entreprises doivent, de leur côté, communiquer de manière claire et transparente sur leur offre salariale.

Est-ce davantage le cas dans les plus petites structures ?

Oui, nos chiffres démontrent que dans 32 % des cas, les candidats à un emploi dans une PME éprouvent des difficultés à parler de leur salaire. Dans les grandes entreprises, ce pourcentage descend à 23 %. Les grandes entreprises ont souvent une politique salariale mieux structurée et communiquée avec plus de clarté. Les PME communiquent moins ouvertement sur le sujet, mais font souvent preuve de plus de flexibilité en élaborant davantage de propositions personnalisées. Il est important que les candidats gardent à l’esprit que PME comme grandes entreprises seront prêtes à fournir un effort supplémentaire face à un candidat doté des compétences requises. Ils ont donc tout intérêt à les mettre en avant lors des négociations salariales.

La directive européenne sur la transparence salariale sera transposée en 2026. Quel impact attendez-vous ?


Je ne m’attends pas à une révolution, mais cela va certainement clarifier le dialogue. Les entreprises devront afficher des barèmes par fonction et publier les fourchettes salariales dans les offres d’emploi. Cela apportera plus de confiance et d’équité, notamment sur la question du gender pay gap (lire aussi l’encadré ci-dessous). Les candidats pourront mieux comparer, mais ils devront toujours prendre en compte l’ensemble du package et la culture d’entreprise, pas seulement le salaire brut.

Si vous deviez créer un « indice d’attractivité » combinant salaires et avantages, quels critères y figurerait ?


Bonne question ! Je pointerais trois piliers incontournables : la rémunération globale composée du salaire, des avantages extralégaux et de la flexibilité, la culture d’entreprise, qui doit être authentique et alignée avec les valeurs des employés. Mais encore, les perspectives d’évolution, via la formation et la mobilité interne. À cela, j’ajouterais la stabilité et la croissance de l’entreprise : un employeur en expansion offre toujours plus de possibilités.

Quelle est la place du développement personnel ?

Le développement personnel et professionnel est devenu un critère central. Dans un monde où les métiers et les technologies évoluent rapidement, rester à la pointe de son expertise est essentiel. Les entreprises qui investissent dans la formation et l’employabilité de leurs collaborateurs marquent des points en attractivité. C’est d’ailleurs une question récurrente des candidats : quelles formations sont proposées ? Quelles perspectives d’évolution de carrière offre l’entreprise ?

Comment savoir si une entreprise correspond à un candidat ?

Une culture d’entreprise peut correspondre à quelqu’un, et ne pas convenir à quelqu’un d’autre. Il peut y avoir des cultures toxiques, même si c’est rare. Mais surtout, il existe une grande diversité de cultures d’entreprise : l’essentiel est de trouver celle qui colle à ses valeurs. C’est fondamental. Il est important pour un candidat de se renseigner en amont à travers les témoignages et les expériences des employés d’une entreprise pour sentir si sa culture lui conviendrait.

En résumé, comment définiriez-vous 2026 sur le plan salarial ?


C’est une année de consolidation. Les entreprises entrent dans une phase plus rationnelle, après plusieurs années de hausse rapide. La rémunération se stabilise, mais la guerre des talents se joue désormais ailleurs : flexibilité, culture d’entreprise et perspectives de carrière.

L’écart salarial entre hommes et femmes recule, sauf dans les fonctions supérieures
Selon la Hudson Reward Survey, l’écart salarial global pour des postes comparables à âge égal est passé de 2,41 % à 1,79 %. Cette réduction s’explique par une meilleure égalité dans les niveaux hiérarchiques inférieurs. En revanche, les cadres intermédiaires présentent un écart de 6,95 %, et les cadres supérieurs de 9,72 %, des niveaux en augmentation. Par ailleurs, ce sont surtout les PME qui affichent des écarts trop importants, dépassant le seuil de 5 % imposé par la directive européenne. Enfin, les femmes restent sous-représentées dans les fonctions à responsabilité (≈ 33 %).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire