Pensions, jobs étudiants, congés parentaux, mobilité…: la nouvelle année des ressources humaines
Chaque début de millésime charrie son lot de nouveautés en tous genres. Les ressources humaines, et le social au sens large, ne font pas exception à la règle. Petit tour d’horizon.
En termes de ressources humaines, les nouveautés sont légion en ce début d’année. En vrac, il est question de l’âge de la pension légale, du quota d’heures des étudiants, de la limite des flexi-jobs, des congés parentaux, de la fiscalité de la mobilité et des indemnités kilométriques, etc. Voyons cela par le détail, avec une (grosse) réserve d’usage : les négociations pour un nouveau gouvernement fédéral sont toujours en cours et un certain nombre de dossiers sur la table pourraient modifier quelques-unes des nouveautés de l’année.
1. La pension à 66 ans
C’est évidemment le gros changement de l’année. En Belgique, l’âge de la pension est actuellement fixé à 65 ans. Cependant, à partir du 1er février, il passera à 66 ans pour les travailleurs nés entre le 1er janvier 1960 et le 31 décembre 1963. Cet âge sera repoussé à 67 ans en 2030. C’est la conséquence d’une mesure décidée en 2015 par le gouvernement Michel pour alléger le budget de l’État. Le vieillissement de la population va, en effet, alourdir les dépenses sociales d’un ou deux milliards par an jusqu’en 2040, moment où l’effet du baby-boom commencera à s’atténuer.
Ce recul de l’âge légal a plusieurs conséquences pratiques. Par exemple, le régime fiscal avantageux (10%) lié à la pension complémentaire ne s’appliquera qu’à partir de 66 ans. Le recul de l’âge légal ne modifie les conditions de la pension anticipée qu’à la marge : il faut toujours 44 années de carrière à 60 ans ou 43 années à 61 ou 62 ans, mais il faudra désormais avoir 42 années de carrière si on a 63, 64 et 65 ans. Le bonus pension dont nous vous avons abondamment parlé cet automne a été réintroduit, comme prévu, le 1er janvier. Les premiers bonus vont d’ailleurs être octroyés aux personnes qui ont demandé leur pension à partir du 1er juillet dernier. Ce bonus est octroyé pour chaque jour de travail supplémentaire au-delà de l’âge légal, avec un maximum de trois ans. Il est utile de rappeler que ce bonus, vu l’absence de limite aux revenus qu’un pensionné légal peut gagner, peut s’avérer plus intéressant à constituer en refusant de prendre sa pension anticipée. Suivant les cas et les années de carrière, ce bonus pension varie au maximum entre 23.565,05 et 35.347,59 euros net.
En attendant ce que prépare l’Arizona en termes d’accessibilité à la pension, une mesure décidée l’an dernier par la Vivaldi est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Elle introduit une condition supplémentaire de travail effectif pour l’accès à la pension minimum (1.775,35 euros pour un isolé et 2.215,99 euros au taux ménage, des montants bruts mensuels pour une carrière complète). 5.000 jours de travail effectif sont désormais nécessaires aux travailleurs à temps plein et 3.120 jours pour ceux à temps partiel, ainsi que 64 trimestres pour les indépendants et 189 mois de travail effectif (tous régimes confondus) et 20 années de service pour les fonctionnaires statutaires.
Ce calcul en jours travaillés permet de protéger ceux qui ont une carrière irrégulière, notamment les femmes. Il est à noter que les congés de maternité, d’allaitement, les crédits-temps pour soins palliatifs ou assistance médicale sont assimilés comme jours de travail effectifs.
2. Rendement garanti pour la pension complémentaire
À l’origine, la loi sur les pensions complémentaires/assurances-groupe prévoyait un taux d’intérêt garanti de 3,75% sur les contributions personnelles et de 3,25% sur les cotisations patronales. Autant dire, vu le marché très fluctuant, que ces taux étaient insoutenables. En 2016, les partenaires sociaux ont réformé le système : le taux est calculé annuellement en fonction du rendement des obligations de l’État belge et doit se situer entre 1,75 et 3,75%. Autant dire aussi que ce taux n’a jamais dépassé 1,75% depuis la réforme.
Une nouvelle règle est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Désormais, les employeurs doivent garantir un rendement de 2,5% pour les cotisations de leur personnel. Pratiquement, l’assureur ou le fonds de pension doit se débrouiller pour atteindre ce rendement. À défaut, l’employeur devra compenser la différence. Signalons encore que désormais, l’employeur (ou le fonds sectoriel) n’est plus tenu d’informer son personnel de la possibilité de convertir son assurance-groupe en rente. C’est l’assureur ou le fonds de pension qui hérite de l’obligation.
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3. Les congés parentaux
Le congé parental qui permet, temporairement, de suspendre ou de réduire ses prestations (mi-temps, 1/5e ou 1/10e) pour s’occuper d’enfant(s) de moins de 12 ans, est une disposition extrêmement populaire, et cette popularité s’accroît d’année en année. Selon l’Onem, le nombre d’allocations pour interruption de ce type va battre tous les records en 2024. Ainsi, de janvier à novembre, 102.110 personnes ont eu recours chaque mois au congé parental. En 2023, la moyenne mensuelle pour toute l’année était de 93.876 ! Ce dispositif a été conservé tel quel en ce début d’année. Par contre, d’autres congés parentaux ont subi des modifications. C’est le cas du congé de paternité (20 jours à prendre dans les quatre mois) octroyé aux pères et aux coparents. Les trois premiers jours sont rémunérés par l’employeur, tandis que les 17 jours restants donnent lieu à une allocation de la mutuelle (82% du salaire brut). Jusqu’ici, la mutuelle ne versait l’indemnité qu’une seule fois, quand les 17 jours avaient été pris. Depuis le 1er janvier, elle sera tenue de payer mensuellement sur base des informations fournies par l’employeur.
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Depuis le 1er janvier, le congé d’adoption (six semaines consécutives pour chacun des deux parents) a été rallongé de quatre semaines. Ces quatre semaines sont toutefois à partager entre les deux parents. Dans le même ordre d’idées, le congé parental d’accueil de longue durée (placement d’un mineur pendant au moins six mois) a été porté de 6 à 10 semaines en ce début d’année, suivant le même principe de partage des quatre dernières semaines. Dans les deux cas, l’employeur paie les trois premiers jours et la mutuelle octroie une allocation (82% du salaire brut) pour le reste du congé.
4. Pas encore de Federal Learning Account
Suite au “deal pour l’emploi” (loi du 3 octobre 2022), depuis le 1er janvier 2024, chaque salarié en équivalent temps plein (ETP) doit bénéficier d’au moins cinq jours de formation par an pendant cinq ans. Chaque entreprise ne doit pas octroyer forcément cinq jours chaque année, mais doit veiller à ce que chaque ETP ait épuisé son compteur de 25 jours à la fin 2028. En 2029, un nouveau cycle de cinq ans sera démarré. Le législateur a prévu, pour contrôler tout cela, un outil digital appelé Federal Learning Account (FLA). Il doit donner, à tout moment, aux travailleurs un aperçu de leur droit individuel à la formation et oblige les employeurs à renseigner, chaque trimestre, les formations suivies, certaines caractéristiques (date de début, date de fin, nature, résultat et financement éventuel) et le nombre de jours de formation associés.
Ce FLA devait entrer en vigueur fin de l’année dernière. Il a été reporté au 1er avril. Mais pas certain qu’il voie vraiment le jour. En effet, il est fortement critiqué par les entreprises, surtout les PME, qui y voient un double travail administratif à effectuer et, par ricochet, un surcoût inutile. À l’heure de la simplification administrative, il est probable que l’Arizona tue le FLA dans l’œuf.
À l’heure de la simplification administrative, il est probable que l’Arizona tue le Federal Learning Account dans l’œuf.
5. Les voitures de société plus imposées
Toute personne qui dispose d’une voiture de société et qui l’utilise pour ses déplacements privés bénéficie d’un avantage de toute nature (ATN) sur lequel elle est imposée. Cet ATN est calculé via une formule mathématique assez complexe qui tient compte du prix catalogue, de l’ancienneté, de la motorisation et du taux d’émission de CO₂ du véhicule. Pour les voitures diesel ou à essence, ce pourcentage CO₂ est déterminé sur la base d’un taux d’émission de référence basé sur les immatriculations de voitures neuves au cours de l’année précédente.
Avec le verdissement en cours du parc automobile, le taux de référence diminue chaque année, ce qui a pour effet d’augmenter la différence avec le taux d’émission de CO₂ des voitures thermiques. Et donc, les utilisateurs de ces véhicules, considérés comme plus polluants, voient leur ATN augmenter au début de chaque nouvel exercice fiscal. Pour 2025, ces mêmes utilisateurs doivent s’attendre à payer, suivant leurs véhicules, entre 6 et 9% en plus. Avec un précompte professionnel retenu supérieur et moins de net à la fin du mois. Ensuite, la déductibilité des coûts liés à l’achat, au leasing ou à la location d’une voiture thermique (contrat conclu entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2025) diminue pour la première fois en 2025. Elle sera limitée à 75% cette année, puis à 50% en 2026 et à 25% en 2027. Elle sera nulle en 2028. Ces mêmes véhicules achetés ou loués à partir du 1er janvier 2026 ne donneront plus droit à la moindre déduction. Jusqu’au 31 décembre 2026, les mêmes coûts liés à une voiture zéro émission sont entièrement déductibles. Leur déductibilité sera progressivement réduite à partir du 1er janvier 2027.
La déductibilité des coûts liés à l’achat, au leasing ou à la location d’une voiture thermique diminue pour la première fois cette année.
Enfin, pour conclure le chapitre mobilité, les employés du secteur privé qui se rendent au travail avec leur voiture privée (ou moto) voient, depuis le 1er janvier, l’indemnité kilométrique forfaitaire (en adaptation trimestrielle) passer de 0,4293 euro par kilomètre à 0,4290 euro. Cette indemnité est exonérée de cotisations sociales et d’impôts.
6. Retour au travail plus accessible
En attendant que l’Arizona ne déploie de nouvelles mesures, annoncées fortes, pour lutter contre l’absentéisme de longue durée, l’accessibilité du fonds de retour au travail sera étendue. Mis en place le 1er avril dernier, ce dispositif oblige les employeurs à verser 1.800 euros lorsqu’ils procèdent à un licenciement pour force majeure médicale. Les travailleurs concernés peuvent ensuite utiliser cette somme pour financer un accompagnement personnalisé pour leur retour sur le marché du travail. C’est un échec complet à ce stade. À la mi-décembre, si le fonds était riche de 4,5 millions d’euros, seuls une vingtaine de travailleurs y ont fait appel… Afin de doper son utilisation, ce fonds sera ouvert, à partir du 1eravril, aux travailleurs ou demandeurs d’emploi en invalidité.
Dans le même ordre d’idées, les mesures de promotion de l’employabilité mises en place dans le “deal pour l’emploi” feront, dès le 1er avril, l’objet d’une procédure de remboursement par l’Onem. Ce système, qui ne concerne que les travailleurs licenciés avec un préavis ou une indemnité de licenciement d’au moins 30 semaines, inclut toutes les mesures, notamment de formation et d’accompagnement auxquelles le travailleur participe, dispensées par un prestataire de service professionnel et destinées à permettre au travailleur de trouver par lui-même, le plus rapidement possible, un emploi auprès d’un nouvel employeur ou de développer une occupation professionnelle comme travailleur indépendant. Il peut s’agir, par exemple, de coaching, d’un reclassement complémentaire à l’outplacement, etc. Chaque travailleur dispose, à cet effet, d’un budget de 1.800 euros maximum. À partir du 1er avril, la personne qui supporte ce budget pourra demander son remboursement à l’Onem.
7. Moins d’heures pour les étudiants
Ce n’est une bonne nouvelle ni pour les étudiants, dont la précarité financière ne cesse d’augmenter, ni pour certains secteurs, comme l’horeca, qui ont besoin de cette main-d’œuvre flexible : depuis le 1er janvier, le quota d’heures pour les jobs étudiants, dopés en 2023 et 2024 pour faire face aux conséquences de la pandémie, est retombé de 600 heures par an à 475. La Vivaldi, en affaires courantes, n’a pas jugé bon de prolonger cette mesure de relance temporaire. Du côté du ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne, on renvoie aux négociations fédérales en cours en insistant sur le fait que ce quota ne sera pas épuisé dès les premiers mois de l’année et que la moyenne par étudiant ne s’élève qu’à 216 heures annuelles, ce qui laisse donc de la marge.
Quoi qu’il arrive dans les prochaines semaines, le quota (avec cotisations sociales réduites) revient à son niveau initial. Le dépassement implique des cotisations ordinaires de sécurité sociale et le risque de retrait du droit aux allocations familiales. Rappelons que ces heures se répartissent librement sur toute l’année auprès d’un ou plusieurs employeurs.
8. Bienvenue à Flexi at work
Le gouvernement fédéral a lancé ces derniers mois un vaste chantier de numérisation de ses services, y compris dans les institutions publiques de sécurité sociale. Ce projet, appelé e-Gov 3.0, vient de déboucher en ce début d’année sur une première initiative au niveau social : Flexi at work. Cette plateforme digitale va servir tant les employeurs que les flexi-jobbers. Elle va permettre aux entreprises de transmettre de façon fluide et intuitive les données ONSS de leurs travailleurs temporaires. Cette transmission est obligatoire dans les cinq jours calendrier qui suivent le calcul salarial (des paiements à la semaine peuvent être regroupés par mois).
Simultanément, ces données nourrissent le compte du travailleur sur www.mycareer.be. Il pourra, au cours de l’année, vérifier simplement et régulièrement s’il atteint ou dépasse la somme maximale de 12.000 euros, au-delà de laquelle les revenus sont imposables.
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