Des anciens des grands groupes réinventent le métier RH

Two businessman of different size. Leadership conceptcaption © Getty Images/iStockphoto

Pour gérer leurs paies, le prélèvement des cotisations et du précompte, et autres formalités administratives, les entreprises font majoritairement appel à l’un des grands secrétariats sociaux. Dans l’ombre de ces géants, des bureaux spécialisés tentent de se faire une place au soleil en répondant à des besoins spécifiques. GoHR et Horecafocus sont de ceux-là.

Depuis 1945, les secrétariats sociaux agréés aident les employeurs à remplir leurs obligations sociales et fiscales auprès des autorités. Ce n’est pas une obligation puisque certaines entreprises (dont Odoo, par exemple) remplissent elles-mêmes ce rôle. Ces secrétariats sociaux agréés proposent un large éventail de services : calcul des salaires, prélèvement des cotisations ONSS et du précompte, déclarations, conseils sociojuridiques et services RH.

Ils sont au nombre de 23 aujourd’hui et les plus connus s’appellent SDWorx, Partena Professional, Liantis, Acerta, Group S, Attentia et Securex. Ils doivent obligatoirement être organisés en ASBL. Ces mêmes démarches peuvent aussi être assurées par un bureau social ou prestataire de services sociaux. Mais il y a une différence de taille : seul un secrétariat social est autorisé à percevoir les cotisations sociales (patronales et salariales) et le précompte professionnel au nom de l’État. Avec obligation de les lui rétrocéder dans le mois. Au temps où les banques offraient de solides taux d’intérêt, ce mois permettait aux secrétariats sociaux de se constituer un joli pactole. Comme ils sont organisés en ASBL, ce pactole, notamment, leur a permis de se développer et de multiplier les activités (mutuelles, etc.).

Services spécifiques

Face à ces géants, les bureaux sociaux ont du mal à exister. Pour se faire une place au soleil, ils se tournent vers des niches délaissées par les grands groupes. C’est le cas de GoHR, un bureau social situé à Wavre créé il y a cinq ans par Marie-Cécile Cornet. Il se focalise sur les PME.

“Je suis une ancienne gestionnaire de Securex et de Partena, explique-t-elle. C’est un métier qui me passionne et je ne remercierai jamais assez Securex de m’avoir donné ma chance alors que mon diplôme n’avait pas de lien. Mais j’ai quitté ces grands groupes pour deux raisons : explorer ma fibre entrepreneuriale et faire les choses à ma manière. Dans un grand secrétariat social, le gestionnaire a beaucoup de clients et peu de contacts humains. C’est surtout une question de chiffres. Moi, je voulais accompagner les gens de façon plus humaine. En outre, on y est cantonné dans un service. Chez GoHR, tout le monde touche à tout : gestion, consultance, juridique, marketing, etc. Je n’ai engagé que des couteaux suisses et des moutons à cinq pattes.”

Un choix dicté aussi par le mode start-up dans lequel évolue l’entreprise. Avec neuf employés, il faut que tout le monde mette la main à toutes les pâtes. D’autant que le développement commercial n’est pas simple.

“Dans un grand secrétariat social, le gestionnaire a beaucoup de clients et peu de contacts humains. C’est surtout une question de chiffres.” – Marie-Cécile Cornet (GoHR)

“Le fait de ne pas être agréé a une connotation négative, confirme Amaury Hausman, le responsable des ventes. Un entrepreneur qui crée sa boîte est très majoritairement aiguillé par son comptable vers un des gros secrétariats sociaux. Avec une commission à la clé. Certains le regrettent après coup. Il est possible d’en changer, mais les préavis sont longs. Et la plupart des starters doivent s’engager pour trois ans. Nous nous développons via le bouche-à-oreille et la qualité de nos réseaux, à Marie-Cécile et moi. Aujourd’hui, nous avons 200 clients tous secteurs confondus. L’horeca, un peu en retrait, monte en ce moment via l’arrivée d’un nouveau profil sensible au secteur. Nous venons d’ailleurs de signer avec Brussels Beer Project.”

“Pas de frais cachés”

Wittamer, Minagro, N-Side, Malt, Sirius Insight, Maredsous Distillery, pour ne citer qu’eux, font appel aux services de GoHR. Ils viennent y chercher ce que les grands secrétariats sociaux ne leur offrent plus.

“Ces PME veulent être écoutées et aidées, confie Marie-Cécile Cornet. Elles n’ont souvent pas les ressources en termes de RH, de gestion de paie et de législation sociale. Elles veulent être accompagnées et qu’on comprenne leurs besoins. D’ailleurs, avant de les accepter comme client, nous réalisons un mini-audit sur place pour se rendre bien compte de leur réalité. On ne vient pas chez GoHR pour faire des économies, mais pour trouver un service de qualité. Par contre, chez nous, il n’y a pas de frais cachés. Tout est compris dans le prix fixé par fiche de paie. Nous sommes Qatar Airways, là où d’autres sont des Ryanair qui vous rajoutent plein de suppléments. Nous n’avons que deux services payants supplémentaires. D’une part, quand nous devons jouer le rôle de département RH externalisé d’une PME. Et d’autre part, quand le travail juridique demandé dépasse les deux heures prévues dans le contrat.”

GoHR a été créé sur fonds propres et n’a jamais sollicité ni les banques, ni de levée de fonds. L’entreprise grandit à son rythme et engage un collaborateur supplémentaire (choisi obligatoirement par l’ensemble de l’équipe pour garder l’esprit familial) si chaque membre de l’équipe dépasse les 200 fiches de paie mensuelles à gérer. Elle n’éprouve aucun problème à recruter (on y trouve des profils issus de grandes entreprises comme Carrefour ou Deloitte) car elle offre une qualité de vie et une flexibilité totale, de même qu’elle stimule les prises d’initiative.

Focus sur l’horeca

L’histoire d’Horecafocus Group présente des aspects similaires. Il a été créé il y a 15 ans par Tom Depauw, un ancien employé de SD Worx basé à Anvers. Originellement, il portait le projet de développer, au sein du secrétariat social, une division horeca. Il pensait, à raison, que le secteur avait besoin d’une approche différente. Le projet ayant avorté, il l’a lancé seul à Anvers. Il s’est rapidement associé à deux anciens responsables horeca chez Manpower dont David Debin, aujourd’hui managing partner d’Horecafocus Group.

“Nous sommes alors en 2016, explique-t-il. C’est le début de l’assainissement du secteur. Il faut dire que l’État a changé de politique. Il a aidé l’horeca en créant les flexi-jobs et en comptabilisant le travail étudiant en heures et non plus en jours. Mais en échange de cela, il a appliqué une politique de tolérance zéro. Avant, il fermait relativement les yeux sur le travail au noir car il le savait réinjecté dans l’économie formelle. Il existait même des pourcentages jugés acceptables par les contrôleurs. Cette tolérance zéro a fait la raison d’être d’Horecafocus. Nous aidons le secteur à être dans l’économie formelle tout en étant rentable. C’était notre vision à l’époque. Elle n’a pas changé. Nos équipes sont toutes issues de l’horeca et pour cause, c’est un secteur très spécifique et très diversifié : les besoins d’un snack diffèrent de ceux d’un étoilé ou d’une brasserie.”

Bureau et secrétariat

Originellement, Horecafocus est un bureau social. Aujourd’hui, il est aussi secrétariat social. Cette dualité est voulue pour épouser les désirs du secteur. “Les grands groupes sont plus enclins à choisir un secrétariat, poursuit David Debin. Historiquement, l’horeca a toujours bien aimé les bureaux. Pour une simple question de gestion du cash-flow. Dans un secrétariat, tout est souvent domicilié et cela n’autorise aucune marge de manœuvre. C’est différent avec une facture issue d’un bureau. Pour l’ONSS, il faut être à temps. Mais le SPF Finances tolère quelques jours de retard. Quant au fonds social pour les primes de fin d’année, tant qu’il est alimenté pour la fin de l’année, c’est bon.”

“Nous aidons le secteur horeca à être dans l’économie formelle tout en étant rentable.” – David Debin (Horecafocus Group)

Horecafocus vise à proposer aux propriétaires d’établissements les solutions RH qui leur conviennent le mieux. “Bien sûr, nous gérons les CDI, mais avec notre division Staffable, nous leur offrons des solutions flexibles, confie David Debin. Il s’agit d’intérim classique, mais aussi des flexi-jobs et des étudiants. Nous sommes l’employeur. Quand on ouvre un resto, on ne sait pas toujours où l’on court. Je conseille toujours de commencer par de l’intérim avant de passer aux CDI quand les choses sont plus claires. Staffable permet aussi de gérer les coups de feu, les jours chauds ou les événements. Nos deux plus gros clients s’appellent Tomorrowland et Werchter. Peu de salariés en temps normal, mais plus de 1.000 personnes temporaires lors des concerts…”

Horecafocus offre une série complète de services qui vont de l’optimisation salariale aux formations, en passant par le support juridique, les inspections sociales virtuelles et le coaching au démarrage. Il est aujourd’hui le leader belge au sein de la CP 302. Mais il ne détient que 10% de parts de marché. L’horeca belge s’est, en effet, fortement éparpillé socialement. Partena Professional, le n°2, détient 7% du marché. Il est historiquement très présent dans l’hôtellerie et les grands groupes (Lunch Garden, Astoria Brussels, etc.). Par le plus grand des hasards, les deux leaders sont aujourd’hui intimement liés.

“Croître lentement, sans perdre la qualité de nos services”

“Horecafocus utilise les solutions logicielles d’Easypay depuis toujours, sourit David Debin. En 2018, vu leur statut d’ASBL, ils ont cherché à investir chez nous. Notre modèle leur plaisait et ils voulaient voir s’il était possible de le dupliquer dans d’autres secteurs. Ils ont pris 80% des parts, mais sans pouvoir décisionnel. Avec le rachat d’Easypay, Partena Professional est donc devenu notre actionnaire principal. Sans avoir plus à dire. Il se fait que l’entreprise est désormais dirigée par Roeland Van Dessel, un ancien dirigeant d’Easypay. Nous nous connaissons bien et les choses se font en bonne entente. L’avantage, c’est le partage des services et des compétences avec facturations mutuelles. Nous ne changeons, en tous cas, pas notre optique. Nous voulons croître lentement, notamment en Wallonie, mais sans perdre la qualité de nos services.”

Restaurateur et actionnaire minoritaire de Ricotta & Parmesan, le resto italien ouvert il y a un quart de siècle par Renaud Waeterloos dans le centre de Bruxelles, David Debin est désormais aussi vice-président de la Fédération Horeca Bruxelles.

“Le rapprochement s’est fait pendant la pandémie, conclut-il. Elle a abouti à une accélération de la formalisation du business de l’horeca. Pendant cette période, plutôt que de mettre tout notre personnel au chômage Corona, nous avons décidé d’aider le secteur, de le guider, de lui permettre d’influencer le politique, de bien négocier, etc. Cet aspect est resté. Derrière Mathieu Léonard, le président, je me charge de la partie sociale de la fédération.” 

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