Chez les jeunes, les postes de direction et l’ascension professionnelle ne font plus rêver

© Roularta Media Group/ réalisée par AI copilot ®)

Chaque année, Deloitte, en marge de ses Global Human Capital Trends, analyse les envies et préoccupations des jeunes générations à l’œuvre dans nos entreprises. Principal enseignement du millésime 2025 ?

L’été dernier, dans nos pages, à l’occasion de la publication des Global Human Capital Trends 2025 (lire le Trends-Tendances du 21 août), Yves Van Durme, trends & human capital partner chez Deloitte, évoquait le problème rencontré dans les pays asiatiques pour trouver des managers avec un début de tendance en Europe. En cause ? Une certaine désaffection de la part des jeunes générations pour les postes de manager et de direction, bien plus intéressées par des rôles d’expert souvent tout aussi bien payés et avec un trajet de succès plus clair. Cette désaffection est aujourd’hui quantifiée en Belgique.

Dans l’édition 2025 de la Belgian Gen Z and Millennial Survey publiée ce jeudi, Deloitte constate que l’important pour nos jeunes compatriotes n’est plus de gravir les échelons. Seuls 8% de la génération Z (Gen Z) et 9% des milléniaux ont encore comme principale ambition professionnelle de grimper dans la hiérarchie et décrocher des postes de direction.

La sécurité et l’indépendance financière

Aujourd’hui, comme indiqué dans notre infographie, dans une quasi-unanimité, les deux plus jeunes générations à l’œuvre dans nos entreprises (la génération Alpha est encore très peu présente) privilégient la sécurité et l’indépendance financière, un bon équilibre vie professionnelle-vie privée et la stabilité de l’emploi. Ce n’est, en fin de compte, que le reflet de carrières qui n’ont plus rien d’uniforme et qui évoluent au gré des envies et offrent une certaine flexibilité.

“Les jeunes ne suivent plus un seul chemin vers la réussite, souligne Nathalie Vandaele, responsable des ressources humaines chez Deloitte North South Europe. Aujourd’hui, les ambitions professionnelles évoluent souvent latéralement plutôt que verticalement. Mais de nombreuses stratégies RH s’appuient encore sur des modèles de promotion traditionnels, ce qui crée une tension entre les attentes et la réalité. Les entreprises doivent repenser les parcours professionnels, en combinant un développement horizontal et un investissement ciblé dans le coaching de futurs managers. Il faut à la fois répondre aux ambitions individuelles et, pour une expansion durable des activités, se constituer une solide réserve de leaders.”

Peu de formation en IA

Dans leur évolution de carrière, la Gen Z et les milléniaux, avec des chiffres extrêmement proches (75 et 76%), privilégient le développement de soft skills (communication, empathie, etc.) et d’une bonne gestion de leur temps plutôt que l’acquisition de compétences techniques (68 et 67%) et d’un savoir-faire lié à l’IA (52 et 51% !). C’est perturbant à l’heure où l’IA est sur toutes les lèvres.

Ce relatif désintérêt trouve-t-il sa source dans la faiblesse du soutien de leurs employeurs ? C’est, en tout cas, ce que l’enquête montre puisque seulement un jeune sur dix a reçu une formation en IA générative de son employeur. Trente pour cent de la Gen Z et des milléniaux s’inquiètent d’ailleurs de la faiblesse de la préparation proposée par les employeurs aux changements que l’IA va entraîner.

Et pour les autres compétences?

Ce manque de soutien est tout aussi criant dans l’acquisition des autres compétences. La 2025 Belgian Gen Z and Millennial Survey dresse l’image de jeunes Belges engagés et motivés. Une large majorité d’entre eux s’efforcent d’acquérir des compétences nouvelles au moins une fois par semaine et consacrent du temps à l’apprentissage en dehors des heures de travail. Mais ils ne sont qu’un quart (27% de la Gen Z et 24% des milléniaux) à bénéficier d’un soutien effectif de leur manager.

Les chiffres s’effondrent encore plus quand on évoque une aide de la direction. Ces chiffres sont en décalage total avec le constat posé unanimement par tous les experts RH. Le manager d’aujourd’hui doit inspirer, coacher, donner du feed-back, motiver, favoriser la collaboration et promouvoir le bien-être de ses équipes. Il semble que nous en soyons loin…

“Ce décalage révèle un fossé encore plus large en matière de leadership, poursuit Nathalie Vandaele. De nombreux managers se concentrent encore sur l’exécution opérationnelle, mais les jeunes générations attendent plus qu’une simple supervision. Comme nous l’indiquions dans les Global Human Capital Trends 2025, il est essentiel que les entreprises donnent aux managers les moyens et le temps de diriger de manière plus humaine et davantage tournée vers l’avenir.”

Des finances malmenées

Sans surprise, la quête de sens demeure un must absolu pour 81% de la Gen Z et 87% des milléniaux. Deux sur trois ont trouvé le travail qui répond à ce besoin. Dans la foulée des éditions précédentes, la génération Z confirme une tendance de fond: le travail ne définit plus son identité. Il arrive loin derrière la famille et les amis et au même niveau que le sport ou les activités culturelles. Il est, par contre, deuxième chez les milléniaux. Sans surprise aussi, et hélas, le bien-être mental continue à être malmené et Deloitte parle d’une épidémie silencieuse qui s’étend. Quarante pour cent des personnes interrogées déclarent être stressées ou anxieuses au travail la plupart du temps…

Il y a deux ans, nous évoquions le salaire de la peur et le poids du coût de la vie pour nos jeunes travailleurs. La situation ne s’est pas améliorée en 2025, loin s’en faut. Notre infographie montre que pour quasi la moitié de la Gen Z et des milléniaux, les fins de mois sont compliquées avec une difficulté à honorer toutes les dépenses de base, et vivre au jour le jour est devenu la norme. En une année, l’inquiétude à propos de la pension et d’un bon confort de vie une fois retraité a fait un bond gigantesque : elle est passée de 27 à 45% pour la Gen Z et de 36 à 48% pour les milléniaux. Cette insécurité financière explique pourquoi le recours à un deuxième travail prend de l’ampleur. Cela concerne quasi la moitié de la Gen Z (44%) et un tiers des milléniaux (29%).

Popularité très marquée des flexi-jobs

Deloitte dresse un parallèle saisissant entre cette poussée et la popularité très marquée des flexi-jobs auprès des 25-39 ans, selon les statistiques de l’ONSS. Si la nécessité financière fait très majoritairement loi, l’étude révèle que, pour certains, cette activité supplémentaire est un ballon d’essai vers un éventuel changement de carrière. Un emploi à temps plein n’est donc pas (ou plus) synonyme de confort financier.

“De nombreuses entreprises offrent des salaires et des avantages sociaux compétitifs, mais trop souvent, ceux-ci restent déconnectés du bien-être financier global des employés, conclut Timothy Bruneel, total reward partner chez Deloitte Belgium. Il faut aujourd’hui développer une approche holistique qui vise à intégrer le salaire, les avantages sociaux, les initiatives liées au bien-être et à la retraite dans une stratégie cohérente qui soutient le bien-être financier et personnel d’un travailleur.”

“Aujourd’hui, les ambitions professionnelles évoluent souvent latéralement plutôt que verticalement.” – Nathalie Vandaele (Deloitte North South Europe)

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