Chauffeurs Uber, faux indépendants ou salariés comme les autres ?

Chauffeurs Uber. Sur le terrain, la réalité évolue peu. © Getty Images
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Revers pour Uber. Une cour du travail a estimé qu’un chauffeur utilisant l’application n’est pas un indépendant. Une victoire symbolique ? Uber regarde déjà vers des véhicules sans chauffeur.

La cour du travail a récemment statué qu’un chauffeur collaborant avec Uber devait être considéré comme un salarié, et non comme un indépendant. Un arrêt qui pourrait faire date, même si ses effets concrets restent incertains.

Tout débute en 2020. Un chauffeur Uber saisit la Commission des relations de travail (CRT), estimant que la plateforme exerçait un contrôle trop important pour qu’on puisse parler d’indépendance. L’ONSS se joint à la procédure, considérant que la relation dissimule une économie sur les cotisations sociales. Un jugement du tribunal du travail sera favorable à Uber. Le chauffeur et l’ONSS interjettent donc appel. Et dans un arrêt rendu en juin dernier, la cour du travail donne finalement raison au chauffeur. Les conditions réelles d’exécution de son activité relèvent bien du salariat.

Verdict: salarié

La cour a observé une série d’éléments déterminants. Elle estime qu’un chauffeur Uber ne prend aucun risque financier et ne décide de rien (ni des tarifs, ni des conditions de travail). Il dépend entièrement de l’app Uber pour exercer. Il n’a qu’une obligation de moyen (faire les courses qu’il accepte), sans garantie de revenu ni de volume. Seuls indices d’indépendance ? C’est son véhicule et il est payé à la course. Mais ce n’est pas suffisant puisqu’il agit bien sous subordination à une… application, et non en tant qu’entrepreneur autonome.

Ce n’est pas une première en la matière. “Il y a un peu plus d’un an, la cour du travail de Bruxelles avait rendu un arrêt aux conclusions similaires s’agissant des livreurs Deliveroo“, rappelle le cabinet d’avocats Claeys & Engels, qui évoque “une nouvelle déconvenue pour les plateformes collaboratives”. Le tout était bien de savoir s’il s’agissait “de relations indépendantes, basées sur un principe d’autonomie, ou bien, au contraire, de relations salariées basées sur un principe de subordination”. C’est cette dernière qui a été retenue par les juges.

Non, rien n’a changé (air connu)

Mais cette décision va-t-elle changer la donne ? Malgré des jurisprudences de plus en plus claires et une loi adoptée en octobre 2022 introduisant une présomption de salariat pour les travailleurs de plateformes, la réalité sur le terrain évolue peu.

“Rien n’a changé. Les livreurs de repas prestant pour Uber ou Deliveroo ne sont toujours pas déclarés comme salariés”, déplore Martin Willems, responsable de United Freelancers (CSC). Le syndicat espère que cette décision judiciaire sera enfin suivie d’effets concrets. L’impulsion pourrait venir de l’Europe. Une directive, adoptée le 14 octobre 2024, vise à améliorer les conditions des travailleurs de plateformes. Elle doit être transposée dans les législations nationales d’ici 2026. Elle prévoit, elle aussi, une présomption de salariat.

Se passer des humains

Reste à voir si les plateformes se plieront à ces nouvelles règles. Certaines pourraient chercher à faire le gros dos dans un premier temps, à contourner les règles ensuite, voire à s’en affranchir en misant sur une automatisation sans humains.

Uber prévoit en effet de tester des véhicules autonomes à Londres dès 2026, dans le cadre d’un projet soutenu par… le gouvernement britannique.

Rodolphe Masuy

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