Presso, lavage et repassage en 60 secondes

THIBAULT CORENS ET NISHANT JAIN, respectivement CTO et CEO de Presso: "Les gens qui veulent notre produit investissent en nous." © Mattie Bell Photography

Plutôt que de prendre la tête de l’entreprise familiale Cloostermans, vendue à Amazon il y a deux ans, Thibault Corens a préféré s’installer aux Etats-Unis. Il y a fondé Presso, qui a depuis levé 12 millions de dollars et attiré l’attention d’Hollywood.

Imaginez que vous ayez besoin d’un vêtement rapidement, mais que vous deviez d’abord le laver, le sécher et le repasser. Vous le suspendez dans une machine robotisée qui le repasse et l’assainit en cinq minutes. Vous pouvez immédiatement enfiler le vêtement fraîchement repassé et pressé… Ce dispositif a été conçu par Presso, l’entreprise américaine du Belge Thibault Corens (28 ans) et de son partenaire indien Nishant Jain.

Le duo d’entrepreneurs a fait connaissance sur les bancs de l’université de Purdue, dans l’Indiana, où Thibault Corens s’est rendu à l’âge de 18 ans pour étudier l’ingénierie mécanique. “Un soir, alors que nous prenions un verre, nous avons parlé de toutes les choses que les gens font dans leur vie sans y penser, raconte ­Thibault Corens. L’une d’entre elles est la lessive. Les machines à laver sont de plus en plus performantes, mais le processus de lavage et de repassage n’a pas vraiment changé au cours des 250 dernières années.”

Que leur idée débouche sur une start-up n’était pas du tout écrit dans les étoiles en 2018. En tant que descendant de la septième génération, le jeune homme de 20 ans était destiné à jouer un rôle dans l’entreprise familiale Cloostermans, située à Hamme, en Flandre-­Orientale. Ce constructeur de robots, qui emploie quelque 200‑personnes, conçoit des machines de pointe. En 2022, la société américaine de commerce électronique Amazon a acquis l’entreprise parce qu’elle pouvait en utiliser la technologie pour sa chaîne logistique. Thibault Corens s’était alors déjà installé depuis quel­ques années à Shenzhen, en Chine. Cette métropole possède le plus grand marché de l’électronique au monde et un vaste réseau industriel d’entreprises de fabrication.

Un tour de table de
1,8 million de dollars

“Nous avions été admis au sein du plus grand accélérateur de matériel informatique au monde, le HAX (pour Hands-on Venture Capital for Hard Tech), implanté aux Etats-­Unis et qui dispose d’un bureau à Shenzhen, explique ­Thibault Corens. Nous sommes restés à Shenzhen pendant environ 10 mois. Nous pouvions récupérer des pièces en bas et les tester en haut. C’est de là qu’est née notre coretech.” Ce prototype de robot laveur a été immédiatement remarqué par le magazine économique américain Forbes, la publication technologique en ligne TechCrunch et, dans la foulée, par des investisseurs, parmi lesquels certains business angels belges.

Fin 2020, Presso a organisé un tour de table de 1,8 million de dollars avec des fonds de la Silicon Valley tels que Pathbreakers, AME Cloud Ventures, SOSV, 1517 Fund et YETI Capital. Au début de l’année dernière, un autre tour de table de 8 millions de dollars a été organisé avec les actionnaires existants, complétés par de nouveaux fonds prestigieux tels que Uncork ­Capital, Cherubic Ventures ou VSC Ventures.

Le choix d’Atlanta

“Peu de temps après le lancement de notre activité, les studios de cinéma d’Hollywood nous ont fait savoir qu’ils avaient besoin de nous, explique Thibault Corens. Les acteurs principaux d’un film doivent souvent porter les mêmes vêtements. Si quelque chose ne va pas avec un vêtement, ils peuvent le nettoyer rapidement avec notre Presso. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fondé notre entreprise à Atlanta.”

Ces dernières années, Atlanta s’est imposée comme le quatrième pôle technologique des Etats-Unis. La capitale de l’Etat de Géorgie, au sud du pays, est attrayante parce qu’elle est moins chère que la Silicon Valley, qu’elle dispose d’un plus grand nombre d’employés potentiels et qu’elle est dotée d’une université de premier plan comme Georgia Tech. Hollywood a également transféré certaines de ses activités à Atlanta. “Les avantages fiscaux de la Géorgie jouent certainement un rôle, mais il y a aussi beaucoup d’espace ici”, indique l’entrepreneur.

Peu de temps après le lancement de notre activité, les studios d’Hollywood nous ont fait savoir qu’ils ­avaient besoin de nous.” – Thibault Corens

L’industrie cinématographique ne s’est toutefois pas avérée être le bon marché pour Presso. Les studios étaient intéressés, mais le modèle de revenus ne convenait pas. Avec les studios, Presso aurait dû reven­dre ses appareils à une autre entreprise après quelques mois. La technologie s’adresse davantage à des clients qui placent les appareils en permanence au même endroit. “Aujourd’hui, nous visons principalement les laveries automatiques, les gestionnaires d’immeubles et les hôtels. Ils peuvent utiliser Presso comme un service supplémentaire pour attirer les clients. Certains de nos investisseurs possèdent de tels immeubles. Les personnes qui veulent notre produit investissent en nous.”

Presso n’est pas un nettoyeur à sec sous une nouvelle forme. L’entreprise n’utilise pas les produits chi­miques courants dans les pressings, mais mise sur une approche respectueuse de l’environnement. “Avec un système de lavage classique, la vapeur brûle les polluants, explique Thibault Corens. Nous modifions la structure moléculaire afin que les mauvaises odeurs disparaissent. Avec la pression de la vapeur, nous veillons à ce que la couleur des vêtements soit préservée et à ce qu’ils ne rétrécissent pas.” Presso est prête à recevoir un nou­vel apport de capitaux pour augmenter sa production. Les pièces provenant de Chine sont désormais assemblées à Atlanta.

Douzième version

“Nous en sommes à la douzième version de notre produit. Nous en avons fabriqué une vingtaine d’exemplaires et continuons à améliorer considérablement le produit. Nous voulons automatiser encore plus et, notamment, réduire le temps nécessaire par vêtement de 5 minutes à 60 secondes, précise Thibault Corens. Nous som­mes les premiers sur le marché avec ce produit. Nous voulons prendre le plus de parts de marché possible avec l’argent du prochain tour de table.” Presso compte une vingtaine d’employés, mais les fondateurs prévoient de tripler le nombre de collaborateurs cette année. “Nous suivons depuis quelques années, avec notre équipe de direction, une formation en gestion. Nous ne voulons pas être un frein au développement de l’entreprise. Mon rôle est celui d’un CTO (directeur technique, Ndlr), mais ce qu’un CTO d’une start-up doit faire au début est complètement différent de ce qu’il doit faire dans la phase de croissance. D’autres entrepreneurs m’ont dit que celui qui s’adapte le mieux pendant la croissance de l’entreprise est celui qui réussit le mieux.”

Thibault Corens vit aux Etats-Unis depuis 10 ans maintenant. Il y a épousé une Américaine d’origine mexicaine. Lorsqu’il a créé Presso, il a passé un an à se concentrer sur son accent, si bien qu’il parle désormais l’anglais comme un Américain. Il est bien implanté dans le monde des affai­res d’Atlanta, qui entretient des liens étroits avec la Belgique depuis des décennies – des entreprises telles que Barco, UCB et Solvay, entre autres, y sont des employeurs réputés. La Belgique lui manque-t-elle ? “Toujours. J’aimerais y retourner, mais pour l’instant, il est plus logique de rester ici, répond l’entrepreneur. Notre marché est ici. Mais si Presso vise l’Europe, je suis ouvert à l’ouverture d’un bureau en Belgique.”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content