Polestar: “Nous sommes bien une marque de l’ère numérique”
La Belgique compte parmi les premiers pays où a été introduite la sportive électrique Polestar, petite soeur de Volvo. La voiture premium est au goût des Belges. Sa directrice générale pour la Belgique nous explique pourquoi.
En 2021, Polestar a plus que doublé ses ventes en Belgiques: 1.003 berlines électriques ont été vendues, selon la Febiac, la fédération belge du secteur automobile, contre 473 l’année précédente. Un joli succès pour la marque dans notre pays, notamment par rapport à des marchés bien plus importants comme la Chine, l’Allemagne ou les Etats-Unis. Lies Eeckman, directrice générale de Polestar Belgique, s’en félicite: “On s’en sort bien, au sein du groupe comme en termes de parts de marché”.
TRENDS-TENDANCES. Quel est le profil de vos clients en Belgique?
LIES EECKMAN. Polestar a un positionnement de marque très clair. Nos clients apprécient le design sobre mais beau. Minimaliste, suédois. La durabilité compte beaucoup aussi: nos clients veulent réduire leurs émissions de CO2. Ce sont souvent des entrepreneurs, des early adopters ( qui adoptent rapidement les nouvelles tendances, Ndlr) pour l’innovation et la technologie. La voiture fait partie de leur vie numérique. Et c’est notamment possible grâce à notre collaboration avec Google. Les performances de la voiture jouent également. Une Polestar à transmission intégrale passe de 0 à 100 km/h en 4,7 secondes. Elle dépasse aisément le 200 km/h quand c’est autorisé. Nos clients aiment la conduite sportive.
Est-ce surtout le marché du leasing qui est important pour Polestar?
Notre groupe cible, ce sont principalement les entreprises et les indépendants. De plus en plus de grandes entreprises optent pour un passage accéléré à la voiture électrique. Leur parc automobile est un facteur important pour atteindre leurs objectifs en matière de CO2. Polestar est présent dans toutes les grandes flottes, entre autres chez Proximus, Telenet, Deloitte et Colruyt.
La marque est-elle surtout réservée aux cadres dirigeants?
Non, il y a de nombreux niveaux de fonction. Les modèles à transmission intégrale sont souvent pour le management supérieur. Il n’est pas toujours raisonnable que de jeunes conducteurs sans grande expérience disposent d’une voiture avec un moteur puissant. Mais nous sommes également bien placés auprès des start-up de l’informatique et des nouvelles technologies.
Et la clientèle des particuliers?
Nous avons peu de clients particuliers. C’est dû en partie à la perception qu’une voiture électrique reste beaucoup plus chère qu’une voiture avec moteur à combustion classique. Le prix de base pour une Polestar 2 est de 46.000 euros, TVA comprise. Nous voulons donc toucher un public plus large.
Vous n’avez pas de concessionnaires en Belgique. Polestar vend principalement en ligne. N’est-ce pas un seuil difficile pour les particuliers?
Il est vrai que les consommateurs ne sont pas très familiarisés avec les voitures électriques. Seuls 11% des Belges en ont déjà conduit une. La part de marché des électriques atteint aujourd’hui 4% environ. Nous investissons beaucoup dans l’information de nos clients. Nous avons évidemment des show-rooms où l’on peut entrer sans rendez-vous. Les clients peuvent visiter nos quatre centres à Anvers, Bruxelles, Gand et Liège, où nous voulons inspirer et conseiller les consommateurs.
Quelles sont les questions les plus fréquentes?
La connexion entre le smartphone et l’instrumentation numérique de la voiture. Et puis, il y a la conduite: une voiture électrique n’a que deux pédales. Il suffit d’appuyer sur l’accélérateur. Si vous levez le pied, la voiture freine d’elle-même. Pour la charge électrique aussi, il y a une certaine perplexité au début.
Mais n’est-il pas vrai que la clientèle veut toujours essayer, voir, sentir, toucher la voiture au préalable?
Bien sûr, les conducteurs ont souvent déjà fait un essai avant d’acheter. A cette occasion, ils sont accompagnés d’un spécialiste qui leur fournit des explications. Nous prévoyons deux heures quand le client vient prendre la voiture. Cela dit, tout le monde ne fait pas un essai routier. Nous misons néanmoins beaucoup sur ces essais, notamment parce qu’une fois qu’on a goûté à la conduite électrique, on n’a plus vraiment envie de revenir au moteur à combustion.
Le plus grand exploitant belge de concessions, Van Mossel, ne réalise même pas 1% de ses ventes via internet.
Pour Polestar, c’est évidemment bien plus. Nos ventes sur internet atteignent les deux chiffres de pourcentage. Bien sûr, les gens s’informent à l’avance. Ceux qui ne font pas d’essai sont souvent ceux qui veulent une voiture de société. Ils choisissent dans la liste.
Les particuliers vont peut-être moins facilement cliquer sur un bouton pour acheter une voiture?
Pas nécessairement. Ce sont principalement les indépendants et les particuliers qui achètent en ligne. Le grand avantage de notre dispositif est la possibilité d’avoir des intermédiaires physiques. On peut nous appeler, ou simplement passer nous voir. Mais la dernière étape, cliquer sur le bouton et payer, se fait en ligne. Nous ne le voyons pas comme un obstacle. Il y a bien entendu une démarche réfléchie qui précède. On n’achète pas une voiture comme on achète une paire de chaussures.
Combien de temps faut-il attendre pour une voiture? Est-ce que Polestar subit aussi des retards de production dus à la pénurie de puces électroniques?
Nous avons heureusement été épargnés jusqu’à présent. Nous n’avons donc aucun retard dans les livraisons. Si l’on configure la voiture soi-même, le délai d’attente est de trois mois. Mais sur notre site web, nous proposons des voitures qui peuvent être livrées rapidement. Dans ce cas, l’attente est généralement de trois à quatre semaines au maximum.
Ce sont donc des voitures déjà produites, pour lesquelles le client n’a pas le choix des accessoires?
Nous sommes bien une marque de l’ère numérique. Et dans ce monde, les gens ont souvent peu de patience. On commande et on veut une livraison à domicile en deux ou trois jours. Les options que nous proposons ne sont pas non plus très nombreuses. L’intérieur reste minimaliste, avec une tradition scandinave. Les combinaisons sont en nombre limité. C’est aussi parce que nous vendons en ligne. Tout doit se faire en quelques clics de souris. Nous proposons des packs, par exemple. Un équipement de base complet avec quelques packs optionnels.
L’infrastructure belge peut-elle faire face à l’accélération des ventes de véhicules électriques?
Le côté positif des choses, c’est qu’en Flandre, le gouvernement a une ambition claire: à partir de 2029, toutes les voitures neuves seront électriques ( la Région bruxelloise interdira la circulation des véhicules qui émettent du CO2 en 2035, alors que le gouvernement wallon n’a pas encore fixé de date précise, Ndlr). Pour la flotte électrique en circulation, le réseau actuel suffit. Mais pour demain, il est évident qu’on doit investir dans l’infrastructure de charge et le réseau électrique
Que faites-vous pour soulager les conducteurs de Polestar face à l’angoisse de l’autonomie?
Nous avons des cartes de recharge et un partenariat commercial avec le réseau de bornes européen Ionity. Nos clients peuvent recharger à un tarif avantageux. Nous collaborons également avec les bornes de chargement intelligentes de Smappee. Nombre de nos clients disposent en outre d’une station de recharge au travail ou à la maison. L’autonomie de nos modèles à deux roues motrices est de 450 à 540 kilomètres. En moyenne, le Belge parcourt 30 kilomètres par jour. Et encore moins depuis le Covid-19. Autant dire qu’on ne doit pas recharger très souvent. L’angoisse de l’autonomie n’a pas lieu d’être. A l’étranger non plus, d’ailleurs. Le réseau Ionity est très étendu. La voiture fait elle-même le calcul et une charge rapide, de 20 à 80%, ne prend que 20 minutes.
Vous avez notamment travaillé 10 ans pour le brasseur Alken-Maes, avant d’être nommée directrice marketing Benelux chez Continental Foods puis directrice marketing Belux chez BMM group. Quelle est la principale différence entre le monde de la bière et celui de l’automobile?
Les brasseurs sont bien meilleurs dans l’approche du consommateur. Ils cernent beaucoup mieux la curiosité et les besoins du client. Et dans l’ensemble, ce n’est pas encore le cas du secteur automobile, qui reste très axé sur le produit. Je ne suis pas entrée dans l’industrie automobile parce que j’ai un faible pour les moteurs et la vitesse. Non, c’est justement pour l’orientation consommateur. C’est ce que fait Polestar: on s’adresse directement au consommateur. On ne passe pas par des concessions. Nous percevons en direct, immédiatement, ce qu’il faut ajuster.
A la fois suédoise et chinoise
La marque premium suédoise Polestar est détenue à la fois par la marque soeur Volvo et par le groupe chinois Geely qui contrôle Volvo. Polestar est un constructeur de voitures électriques sportives.
Avant de lancer sa propre production, Polestar transformait des modèles Volvo en véhicules de compétition. Son premier modèle, Polestar 1, était une voiture hybride, produite en série limitée. La Polestar 2 entièrement électrique a été lancée à l’été 2020. Et la Polestar 3 suivra en 2022. Les numéros quatre et cinq viendront plus tard.
En dépit d’une politique de croissance affirmée, Polestar est actuellement déficitaire. Les voitures sont construites dans deux usines Volvo en Chine. Une production aux Etats-Unis est prévue. La société veut entrer au Nasdaq de New York au cours du premier semestre 2022.
La Belgique est un des premiers pays où Polestar a entamé sa commercialisation. Selon les chiffres de la fédération automobile Febiac, les ventes s’élevaient à 1.003 unités à la fin 2021 (contre 473 en 2020). Contrairement à la maison mère, la filiale belge Polestar Automotive Belgium est rentable.
Pour son premier exercice, du 4 novembre 2019 à fin 2020, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros et un bénéfice de 287.184 euros. Il n’y a pas de production en Belgique, uniquement de la commercialisation.
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