Peut-on mourir de manière écologique ? Sepelio révolutionne le monde funéraire

MAXIME RAVET ET CHRISTOPHE GRETZ, cofondateurs de Sepelio. © PG

Rendre la mort écologique : c’est le pari un peu fou, mais terriblement logique de Sepelio, une jeune entreprise wallonne qui transforme la façon dont nous enterrons nos morts. Sa promesse : réduire drastiquement l’empreinte carbone des inhumations grâce à un “module funéraire écologique”. Une innovation sobre et visionnaire dans un secteur resté figé depuis trop longtemps. Gros plan sur ce concept unique en Belgique.

Quand on parle de durabilité, les cimetières sont rarement mentionnés. Et pour cause, le secteur funéraire génère son lot, souvent conséquent, de polluants. “Rien qu’au moment du décès, on met un corps dans un cercueil en bois verni, avec des vis, des plastiques, des vêtements synthétiques, parfois des traitements chimiques, résume Maxime Ravet, cofondateur de Sepelio. Malgré son jeune âge – 31 ans – Maxime Ravet connaît son sujet par cœur. “Ayant travaillé pendant plus de sept ans dans le secteur du monument funéraire, je visitais chaque année des dizaines et des dizaines de cimetières, se souvient-il. Et partout, le même constat : l’aspect durable n’est absolument pas une priorité.”

De son côté, Christophe Gretz, 52 ans, gestionnaire de chantiers formé à la résistance des matériaux et ayant basculé dans le monde des cimetières, partage avec son associé un constat brut : dans de nombreux carrés funéraires, les corps se dégradent mal. La faute à des sols pauvres et argileux, à des cercueils traités chimiquement, à des housses et vêtements synthétiques… Résultat : lors des exhumations, 60 à 70 kg de déchets non biodégradables seraient couramment extraits par défunt. Et une partie des microparticules finit, à terme, dans les sols et les eaux de ruissellement.

Cette observation est à l’origine de leur projet : “On s’est dit que si les corps ne se dégradaient plus, c’est parce qu’on avait appauvri les sols et ajouté des matériaux qui bloquent tout processus naturel. Il fallait inventer autre chose”, résument les cofondateurs de Sepelio.

Une idée simple : redonner vie à la terre

De cette prise de conscience est né le “module funéraire écologique”. Son principe : remplacer la “mauvaise terre” du cimetière par une terre enrichie, spécialement conçue pour permettre une décomposition complète et propre. “On parle de compostage du corps, explique Christophe Gretz. Ce n’est pas un mot très poétique, mais c’est la réalité : on aide la nature à reprendre ses droits.”

Dans ce module, cercueils et caveaux choisis ont comme base une structure en bois local non traité, issue de l’économie circulaire. “On utilise des bois que les scieries ne savent pas valoriser, précise Maxime Ravet. Au lieu de finir brûlés ou jetés, ils retrouvent une fonction utile. Rien n’est importé, ni traité, ni verni, et tout retourne à la terre.”

Le tout est livré en kit, assemblé sur place, réduisant ainsi considérablement le transport et l’empreinte carbone.

Une charte écologique

Mais Sepelio ne s’arrête pas à la technique. L’entreprise a mis en place une charte de qualité signée avec les pompes funèbres et les cimetières partenaires. “Dans cette charge, on demande que les vêtements choisis pour le défunt soient en lin ou en coton, et on évite les bijoux – sauf l’alliance, par respect symbolique –, on exclut les soins de conservation, afin que le mort puisse être le plus neutre possible”, explique Maxime Ravet.

Une charte qui s’inscrit dans un esprit de cohérence environnementale avec le module proposé. “Le but, ajoute-t-il, n’est pas de bouleverser le deuil, mais de le rendre plus responsable.” Sepelio intervient aussi sur un autre maillon souvent oublié : le fossoyage. “Les communes ont de moins en moins de fossoyeurs. Nous travaillons avec elles par marché public. Nos équipes préparent le terrain, installent le module et peuvent même assister les fossoyeurs pendant la cérémonie.”

Et les deux entrepreneurs le confirment : les mentalités changent. “Même si l’administration reste lente, on voit émerger une vraie conscience écologique dans la gestion des cimetières. Par exemple, des villes comme Namur ont prévu d’adapter leur réglementation pour intégrer les espaces d’inhumation écologique. C’est un signe encourageant”, constate Christophe Gretz.

Le cercueil en carton ultra écolo

Comme pour boucler la boucle, Sepelio a repris en juin l’activité de cercueils en carton de l’entreprise française ABCrémation. Le modèle est conçu en carton 100% recyclé et assemblé avec une colle à base d’amidon de maïs. Il est entièrement biodégradable et homologué pour les crémations et inhumations en pleine terre. “Il ne peut simplement pas être utilisé dans les caveaux en zinc, précise Christophe Gretz. Mais dans 95% des cas, il répond à toutes les attentes.”

“On cherchait un fournisseur, ils cherchaient un repreneur… On s’est donc lancé”, résume le duo. Côté logistique, si les cercueils en carton sont produits en Alsace, ils arrivent par lots de 1.000, afin d’optimiser l’empreinte de transport par unité. “Si on rapporte le transport à l’unité, un cercueil ne parcourt que 0,4 kilomètre en équivalent carbone”, souligne Maxime Ravet. Le pliage est ensuite géré par ENTRA, société située à Fleurus et ayant pour mission de proposer des emplois pour les personnes en situation de handicap.

Une révolution douce, mais déterminée

Créée en 2023, Sepelio reste une entreprise privée autofinancée. Son modèle repose aujourd’hui sur deux piliers : les services de gestion de cimetières, qui assurent une certaine stabilité financière à la jeune entreprise, et le développement du pôle écologique, encore naissant mais en forte croissance.

Et Maxime Ravet croit dur comme fer à ce pôle : “Il n’existe pas de solution comparable en Belgique. Or, les demandes d’une solution plus respectueuse de l’environnement sont, elles, de plus en plus présentes, autant chez les particuliers que les pouvoirs locaux. De plus en plus de familles nous contactent pour savoir si elles peuvent enterrer leur défunt de cette manière. On reçoit aussi des mails de seniors qui veulent préparer leurs funérailles écologiquement.”

Face à des demandes croissantes de particuliers, Sepelio s’appuie sur un réseau de pompes funèbres partenaires réparties sur le territoire belge. En effet, l’entreprise ne vend pas directement aux familles, mais travaille en B to B via ces acteurs qui restent les interlocuteurs privilégiés du public.

Un défi de communication et de société

Pour 2026, l’ambition de Sepelio est claire : accélérer la sensibilisation. “Le défi, ce n’est pas la technologie, c’est la pédagogie, confie Christophe Gretz. Les gens sont intéressés, mais ils ne savent pas toujours que des solutions plus écologiques existent.”

L’entreprise sera donc présente au Salon du funéraire de Paris pour faire connaître son modèle à d’autres pays européens. Et si les réglementations communales s’ouvrent, la Wallonie pourrait devenir pionnière du funéraire durable.

Le funéraire circulaire en 5 étapes

1. Remplacer la terre : retirer la terre appauvrie et la remplacer par une terre enrichie, nourricière.
2. Installer le module : une structure en bois local non traité, livrée en kit.
3. Choisir un cercueil écologique : carton recyclé ou bois belge non verni.
4. Respecter la charte : pas de soins de conservation, des textiles naturels, pas de bijoux sauf l’alliance.
5. Créer des parcelles écologiques dans les règlements communaux pour accueillir ces inhumations responsables.

Tatiana Czerepaniak

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