Novadip envisage deux commercialisations en 2027, une promesse de 10 milliards

​​​​​​​La "recette" de Novadip permet de transformer de la graisse humaine en os. © PG/A.Delsoir
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’entreprise wallonne entame la dernière étape de son parcours vers le marché avec ses thérapies révolutionnaires pour les maladies squelettiques rares et les pathologies osseuses. La commercialisation est prévue dans deux ans aux États-Unis, en Europe et au Japon. Le CEO et fondateur de Novadip, Denis Dufrane, concrétise un rêve.

Denis Dufrane, CEO de Novadip, est un homme heureux. Si on lui avait dit voici 20 ans, dans son laboratoire des Cliniques universitaires Saint-Luc, qu’il serait à deux doigts de conquérir les marchés américain et européen avec des traitements régénératifs en thérapie cellulaire pour des pathologies squelettiques et osseuses rares, sans doute ne l’aurait-il pas cru. Même si, depuis cette époque, il a minutieusement tout mis en place pour arriver à cette consécration.

“Nous restons une petite entreprise d’une quarantaine de personnes et nous entrons en phase 3 avec deux études cliniques en parallèle, aux États-Unis et en Europe, se réjouit-il, dans un bureau de son QG de Mont-Saint-Guibert, situé à deux pas de celui d’Odoo. C’est épatant. Dans notre domaine, les États-Unis restent l’objectif numéro un, avec 60 à 70% des parts de marché. Et le plus incroyable, c’est que nous sommes les seuls à tout produire sur place, ici en Wallonie, avant d’exporter là-bas.”

Ces derniers temps, ce chercheur devenu entrepreneur multiplie les allers-retours de l’autre côté de l’Atlantique. “C’est intense”, sourit-il. Le jeu en vaut la chandelle : le potentiel se chiffre en milliards.

Levée de fonds à 50 millions

La “recette” de Novadip est révolutionnaire : elle permet de transformer de la graisse humaine en os. L’objectif est désormais affiché : passer du “late stage” à la commercialisation de ses produits dans les deux ans. “Dans le monde de la biotech, ce n’est pas l’étape la plus simple, souligne Denis Dufrane. Il faut des financements plus importants, raison pour laquelle nous effectuons une nouvelle levée de fonds de 50 millions d’euros. Et il s’agit de démontrer que vous avez votre place sur le marché : pas mal d’entreprises ont connu des difficultés à ce moment-là.”

Dans ce cas, il s’agit de démontrer que votre produit est soit “first in class“, c’est-à-dire unique en son genre, soit “best in class“, c’est-à-dire meilleur que les autres. Le CEO est confiant, en raison de son choix initial : “Nous avons pris le pari de traiter les pathologies les plus sévères pour être un ‘first in class’, prolonge-t-il. Ce n’était pas le chemin le plus facile, mais cela facilite cette phase 3. Notre risque est minime puisque les patients que nous visons n’ont plus d’autre alternative thérapeutique. Sans notre apport, c’est l’amputation. Nos études montrent en outre l’impact de nos traitements : sur cinq ans, on intervient une seule fois et la guérison est assurée.”

Deux traitements dans deux ans

Durant la phase B, Novadip a réalisé quatre études cliniques sur deux traitements distincts. “À l’issue de cela, nous avons toutes les autorisations pour entamer les phases 3 et 2b/3, se félicite-t-il. Je ne connais pas beaucoup de sociétés biotechs qui parviennent à un tel résultat. Novadip pourrait prescrire ces deux traitements dans deux ans. Nous avons déjà quatre centres qualifiés aux États-Unis pour les études de cette phase 3. C’est extraordinaire pour une petite entreprise comme la nôtre !”

Le chercheur ajoute : “Je n’aurais jamais imaginé en arriver là quand j’ai commencé à travailler là-dessus aux Cliniques universitaires Saint-Luc en 2007. C’est ma fille qui me l’a fait réaliser : la mise sur le marché en 2027 sera une fierté après 20 ans de carrière.”

Un potentiel considérable

Le potentiel est énorme. “Le premier produit de thérapie cellulaire autologue, baptisé NVD003, concerne des maux pour lesquels il n’y a pas d’alternative, explique Denis Dufrane. Nous pouvons éviter l’amputation à des patients jeunes pour lesquels le taux de succès de la chirurgie est inférieur à 50%. Là, nous misons sur un potentiel de 1,5 milliard. Nous pouvons également avoir une récompense de la FDA (Food and Drug Administration) lors de la mise sur le marché pour financer notre développement.” Les résultats des études cliniques réalisées sont impressionnants : sur l’ensemble des patients, adultes et enfants, le succès est de 89%.

“​​​​​​​Nous pouvons éviter l’amputation à des patients jeunes pour lesquels le taux de succès de la chirurgie est inférieur à 50%.” – Denis Dufrane (CEO de Novadip)

Le deuxième produit, allogénique, dont le nom de code est NVDX3, est d’une autre nature. “C’est une première ligne de traitement pour les patients qui ont des facteurs de comorbidité et qui ne consolident plus leurs fractures, précise le CEO. Le principal facteur, c’est l’âge de la population : dans 10 ans, plus de 50% de la population aura plus de 60 ans. Or, passé cet âge-là, vous perdez 50% de votre potentiel à consolider l’os. Une fracture à 20 ans, un plâtre suffit, mais passé 60 ans, le risque est plus grand. Nous leur donnons un boost. Là, le marché est plus important et vaut au total 9 milliards.” Cette opération-là se fera de façon plus graduelle.

Confiance de la FDA

Denis Dufrane se félicite de la confiance octroyée par la FDA, qui estime les deux dossiers solides et concluants. “Le résultat, c’est qu’en 2027, nous serons sur le marché américain, mais aussi européen, et nous générerons des revenus. En outre, si votre produit est reconnu aux États-Unis, vous n’avez plus besoin d’équivalence pour le Japon. Ce sont donc trois marchés qui s’ouvrent à nous.”

Le CEO se félicite de la perspective, autant pour le succès de son entreprise que pour les perspectives cliniques, permettant de changer la destinée de nombreux patients.

Un ancrage en Wallonie

La perspective ouverte par Novadip est d’autant plus intéressante pour la Wallonie que l’entreprise compte bien rester ancrée à Mont-Saint-Guibert. “Tout se fait à partir d’ici, insiste Denis Dufrane. La FDA a validé le fait que le manufacturing se fait dans les conditions actuelles. Concrètement, cela signifie que nous recevons la graisse d’un patient issu de Baltimore ou d’ailleurs pour produire le médicament, avant de renvoyer le produit fini outre-Atlantique, deux ou trois mois plus tard. Cela part le mardi, c’est implanté le mercredi. Tous nos essais démontrent que nous pouvons soigner un patient à Tokyo, à San Francisco ou au Cap à partir de la Wallonie.”

Il y a un côté magique dans l’opération, ajoute-t-il, avec une lumière dans les yeux. “Notre produit est à ce point mature qu’il lisse les variabilités entre les patients, ajoute-t-il. La FDA a salué le fait que notre process est facilement reproductible. Cela passe aussi par la stabilité dans notre équipe. Les collaborateurs voient la finalité de ce qu’ils font directement chez le patient.”

Dans toutes les discussions actuelles avec les partenaires potentiels ou les nouveaux investisseurs, cet ancrage wallon fait partie de la donne de départ. “Je suis assez belgicain, affirme le CEO. Mais c’est aussi une considération pragmatique. Je pense que nous disposons du savoir-faire grâce à tout l’historique du secteur biotech en Wallonie. C’est grâce à cela que nous disposons d’un personnel d’exception. Je ne me vois pas partir ailleurs avec l’obligation de tout reprendre à partir de zéro.”

Plus d’obstacle réglementaire

Le contexte américain, avec un Donald Trump au pouvoir, est-il préoccupant ? “Pour la pharma, cela reste une nébuleuse, reconnaît-il. On devra peut-être envisager un transfert de technologies, si cela s’impose, mais cela restera sous le couvert de Novadip. Cela dit, nous prélevons des tissus chez un patient américain pour soigner un patient américain, je ne vois pas où est le problème. Nous sommes attentifs et flexibles, mais nous avons eu 10 interactions avec la FDA et je suis heureux de l’avoir fait en 2024. Nous nous sommes mis la pression pour l’accomplir dans ce timing-là, parce que je sentais venir une instabilité potentielle qui se répercute sur les agences.”

Pour Novadip, il n’y a plus d’obstacle réglementaire à ce stade. “Et cliniquement parlant, dans les deux cas, tout est sécurisé. Ceux qui participent à notre tour de table pour lever 50 millions d’euros peuvent être complètement rassurés. Ce devrait être notre dernier tour de table. Après, nous générerons nos revenus.”

Parmi les partenaires de Novadip depuis le début, le fonds américain New Science Ventures, le belge Fund+, Wallonie Entreprendre et le fonds Vives de l’UCLouvain, sans oublier un fonds de Hong Kong qui a rejoint en cours de route. Pour la série C, ces historiques resteront, mais le capital sera ouvert avec un partenaire stratégique.

En 2027, Novadip sera sur le marché américain avec ses deux produits, l’un de thérapie cellulaire autologue et l’autre allogénique. © PG

Un parcours de rêve

Que de chemin parcouru, en effet, depuis les premiers pas de Denis Dufrane à Saint-Luc, en 2007, sur un marché qui n’était pas forcément le plus prometteur. “J’aime bien cette idée d’être le premier de la classe”, sourit-il. Pour concrétiser l’essai, Novadip professionnalise aussi ses structures, et vient notamment de recruter la CFO d’IBA, Soumya Chandramouli. “Yves Jongen (fondateur d’IBA, ndlr) était mon parrain depuis que j’ai voulu lancer Novadip au sein de l’université, précise le CEO. C’était donc la candidate parfaite pour passer à la vitesse supérieure comme nous allons le faire.”

S’il remontait dans le temps, en 2007, que penserait Denis Dufrane ? “Mon moteur était clinique, se souvient-il. Mon patron de l’époque est venu vers moi en me disant qu’il avait de jeunes patients avec des thérapies congénitales impossibles à réparer et nécessitant une amputation. Pourtant mon historique à moi était dans la greffe de cellules pour le diabète, pas dans la construction osseuse. Mais on m’a demandé de prendre en charge le projet de reconstruction complexe à Saint-Luc. Ma motivation était vraiment d’apporter une réponse à ces jeunes patients.”

Denis Dufrane dit avoir eu “le luxe” de pouvoir prendre le temps de construire son dossier et de développer des modèles précliniques. “Nous avions, en outre, des salles blanches où l’on pouvait produire le médicament. Entre 2007 et 2015, nous avons accompagné 15 patients. J’ai pu démontrer qu’il y avait une demande et que notre solution fonctionnait.”

De là à imaginer la suite… “Je me souviendrai toujours du moment déclencheur où tout a débuté et je n’aurais jamais imaginé défendre un dossier aux États-Unis, 17 ans plus tard. J’étais un jeune clinicien de 35 ans, heureux d’aider les patients. Mais je savais, intimement, que l’on devrait passer à une phase plus large. Aujourd’hui, je suis le dernier du senior management de Novadip et c’est normal. J’irai jusqu’à la commercialisation. Après, on verra…”

Le CEO insiste aussi sur le fait que sa belle histoire n’aurait pas pu voir le jour sans l’écosystème biotech wallon : investisseurs, fonds publics, université… “Je suis très fier de ce soutien, cela m’a poussé à aller jusqu’au bout.” Un tremplin pour le succès.

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