Paul Vacca
Nous sommes déjà dans le métavers
A l’horizon, rien de neuf. Les annonces de Facebook – pardon, de Meta – concernant les potentialités du métavers, on a tout du mal à percevoir ce qu’elles présentent d’inédit. Quant aux promesses sur les expériences à venir, le problème c’est que la plupart d’entre elles existent déjà aujourd’hui.
Facebook a annoncé le mois dernier qu’il changeait de nom pour devenir Meta. Comme cela a été abondamment commenté, il s’agit pour son CEO, Mark Zuckerberg, de faire d’une pierre deux coups. Détourner l’attention des problèmes que traverse son groupe tout en préemptant ce qui se présente comme le “futur”, le nouvel eldorado technologique: le métavers. Faire du neuf pour s’offrir un nouvel horizon, en somme.
Pourtant, à l’horizon, on ne vit rien de neuf. Cela avait plutôt un air de déjà-vu. Déjà, le coup du rebranding pour effacer un passif constitue une vieille technique de communication éculée. On se souvient par exemple du Crédit lyonnais qui s’était rebaptisé LCL pour faire oublier ses frasques hollywoodiennes. La vieille recette du reset. Pour ce qui concerne les annonces de Facebook – pardon, de Meta – proprement dites concernant les potentialités du métavers, on a tout autant de mal à percevoir ce qu’elles présentent d’inédit (si l’on excepte la promesse d’embauche de 10.000 personnes pour travailler sur le projet et d’un investissement de 10 milliards de dollars à Reality Labs, la division chargée de sa création).
En effet, Zuckerberg offrit dans une vidéo un aperçu de ce à quoi le métavers pourrait ressembler. Une séquence qui avait le parfum vintage d’un épisode des Télétubbies ou d’une partie de Sims. Quant aux promesses sur les expériences à venir, le problème c’est que la plupart d’entre elles existent déjà aujourd’hui. Le futur où l’on pourra se promener avec son avatar et se rendre à un concert virtuel est déjà arrivé aujourd’hui grâce à Fortnite – Travis Scott ou Ariana Grande ont déjà fait des shows virtuels pendant le confinement. De même que celle de pouvoir se téléporter dans la Rome antique est déjà possible grâce à Assassin’s Creed (le jeu édité par Ubisoft) qui nous plonge dans les décors de Rome, 2.000 ans en arrière…
De fait, le métavers n’a rien de nouveau en tant que concept. L’idée d’un univers virtuel interconnecté, parallèle au monde réel, est depuis longtemps perçue comme une sorte de finalité de l’internet, que ce soit chez les développeurs ou les auteurs de science-fiction. Le terme a d’ailleurs été forgé en 1992 par Neal Stephenson dans son roman Snow Crash ( Le Samouraï virtuel). Et de nombreux romans ont déjà évoqué cette possibilité d’un monde parallèle virtuel – plus souvent sur le mode dystopique – comme De@d, le roman d’Hervé Brasebin paru en 2010 ou Ready Player One d’Ernest Cline en 2011, où il est question de l’Oasis, préfiguration de ce que pourrait être le métavers.
Certains sont même passés à l’acte, comme Canal+ dès 1997 en lançant Le Deuxième Monde, un ancêtre du métavers. Avec l’idée que la 3D serait l’horizon ultime d’internet avec l’immersion comme clef du réalisme. Or, les exemples du jeu vidéo et du cinéma montrent que cette immersion dans la 3D n’apporte pas nécessairement un surcroît de réalisme. L’expérience au cinéma, sauf rares cas (comme Gravity d’Alfonso Cuarón par exemple), se révèle en effet souvent décevante et contre-productive.
Pourtant Mark Zuckerberg a promis avec force enthousiasme qu’il s’agirait d’un monde “aussi détaillé et convaincant que celui-ci”. Et sur ce point, on veut bien lui donné quitus. Il devrait pouvoir y parvenir. Car ne sommes-nous pas déjà tous plongés dans une forme de métavers? N’avons-nous pas tous déjà des oculus aux yeux (nos “bulles de filtre”) percevant tous la réalité à notre façon, ballottés entre réel et virtuel, dans l’illusion de la réalité, dans le monde de la “post-vérité” que le créateur de Facebook a contribué à construire avec son réseau social?
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