Nos entreprises font-elles trop de profits?
Le taux de marge des entreprises belges est plus élevé que chez nos voisins et il a augmenté davantage ces deux dernières années. Comment l’expliquer? Par un manque de concurrence ou par les effets paradoxaux de la crise?
Un article récemment paru dans De Tijd mettait en exergue que ces dernières années, le taux de marge avait progressé davantage en Belgique que dans les autres pays voisins et que la moyenne de l’Union européenne . Fin de l’an dernier, selon Eurostat, le taux de marge des entreprises non financières au sein de l’Union dépassait ainsi un peu 41% alors que celui des entreprises belges atteignait 45,8%, contre 39,3% en 2014.
Ces marges qui gonflent signifient-elles que l’économie belge n’est pas assez concurrentielle? Cela veut-il dire que les consommateurs et les travailleurs sont pénalisés? La réponse n’est pas si simple.
Et d’abord, de quoi parle-t-on? Le taux de marge est le rapport entre l’excédent brut d’exploitation et la valeur ajoutée. Il mesure la richesse (la valeur ajoutée) que les entreprises conservent après avoir payé les salaires. C’est donc la partie de valeur ajoutée qui sert à rémunérer le capital. Contrairement au taux de profit, il ne prend pas en compte les amortissements, les intérêts à payer sur la dette et les impôts.
A quoi attribuer cette progression qui s’est surtout accélérée lors de la crise sanitaire? Nous avons posé la question à la Banque nationale. “En 2020, le taux de marge est resté relativement stable malgré la crise et la très forte diminution de la valeur ajoutée”, nous expliquent les économistes de la BNB. Pourtant, la richesse créée par les entreprises (la valeur ajoutée) avait diminué plus fort que les salaires, ce qui aurait dû peser sur les marges. Mais les mesures de soutien sont venues compenser cet effet.
Effet passager de la crise
Le scénario était différent en 2021. L’an dernier, “la valeur ajoutée a connu une forte croissance et a retrouvé son niveau d’avant-crise, suite à la reprise mais également à la forte hausse des prix, poursuit la BNB. Parallèlement, la croissance des salaires a été plus modérée”. A cette réalité s’ajoute encore le fait que les aides et subventions ne se sont pas arrêtées. Même si elles étaient en diminution, elles sont restées à un niveau supérieur à celui d’avant la crise. Tout cela explique la belle progression du taux de marge en 2021, surtout dans l’industrie et la construction.
Mais pas d’emballement: la BNB s’attend à ce que la hausse des salaires induite par l’indexation vienne manger une partie des marges, et “ramène le taux à un niveau comparable à celui d’avant la crise”.
Reste que dans l’absolu, ce taux de marge des entreprises belges est plus élevé que chez nos voisins. Est-ce le résultat d’un manque de concurrence? C’est sans doute vrai dans certains secteurs: lorsque l’inflation était basse, elle était quand même plus élevée chez nous que chez nos voisins en raison des prix de l’énergie plus volatiles et du prix de certains services, les télécoms notamment. Juste avant la crise sanitaire, le Conseil central de l’économie notait que, depuis des années, “la réglementation de certaines industries de réseau (télécommunications, services de transport) a des effets trop anticoncurrentiels en Belgique”. Et il ajoutait que l’on observait également une réglementation entravant la concurrence dans certaines professions libérales (services comptables, juridiques, d’architectes et d’agents immobiliers). Il y a donc bien du travail à effectuer pour libérer la concurrence …
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