“Nearshoring”: pourquoi le Mexique est une belle opportunité pour la Wallonie

Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

En réponse aux barrières douanières et aux problèmes de compétitivité, ce pays émergent est intéressant pour nos entreprises. L’agence wallonne à l’exportation (Awex) y a organisé une mission et des grands noms s’y trouvent déjà : UCB, Odoo, Sonaca… Voici pourquoi.

Le Mexique suscite l’intérêt des entrepreneurs belges. Odoo dispose de deux bâtiments impressionnants dans le quartier d’affaires de la capitale : c’est devenu l’un de ses premiers marchés mondiaux en nombre de clients. Magotteaux emploie plus de 200 personnes à Monterrey. EVS, UCB ou Sonaca y sont présents depuis longtemps.

“C’est un marché extrêmement dynamique, se félicite Christophe Smitz, conseiller commercial de l’Awex (Agence wallonne à l’exportation et aux investissements) au Mexique depuis cinq ans. Des entreprises wallonnes y sont bien implantées, même s’il y a finalement peu d’expatriés belges sur place : ce sont des équipes locales bien formées qui les représentent.” Le pays est le quatrième marché pour les exportations wallonnes, qui y connaissent un boom important.

Voilà ce qui a conduit l’agence à organiser en octobre une visite plus discrète, dans la foulée de la mission princière en Californie. “Nous avons développé une approche particulière avec une série de masterclass sur le nearshoring“, précise Christophe Smitz. Le nearshoring ou “relocalisation proche” consiste à faire du low cost à proximité d’un grand marché, là où le offshoring consistait plutôt à aller en Chine, en Inde ou en Asie du Sud-Est. Pour les Européens, le nearshoring concerne l’Europe de l’Est ou l’Afrique du Nord. Pour les Américains, c’est le Canada ou le Mexique.

“Des entreprises wallonnes sont bien implantées au Mexique, même s’il y a finalement peu d’expatriés belges sur place : ce sont des équipes locales bien formées qui les représentent.” – Christophe Smitz, conseiller commercial de l’Awex au Mexique

L’idée cardinale de la mission consistait à démontrer que le Mexique est un marché qui offre des opportunités bon marché aux portes des États-Unis. S’y installer représente aussi une solution pour contourner les barrières tarifaires imposées par Donald Trump.

“Une stratégie en deux temps”

Yves Delatte, CEO de la Sonaca, en est convaincu. “Nous menons une stratégie double depuis au moins deux décennies, nous explique-t-il. Tout d’abord, nous voulons être proches de nos clients. C’est la raison pour laquelle nous sommes installés dans des régions ou des villes où il y a des grands avionneurs : à Seattle pour Boeing, dans le Midwest pour les jets, à Montréal pour Bombardier, à Sao Paulo pour Embraer, en Belgique et en Espagne pour Airbus… Mais nous avons aussi des entités low cost en nearshoring : la Roumanie pour la Belgique, le Mexique pour les États-Unis.”

Selon lui, le nearshoring est une stratégie de résilience. “Beaucoup de sociétés ont fait la course au grand offshoring pour ramener l’euro supplémentaire d’économie en allant dans des pays toujours plus lointains, explique-t-il. Mais en contrepartie, elles prennent des risques de plus en plus importants sur les variations de taux de change, les problèmes logistiques ou les taxes d’importation.”

La politique protectionniste de Donald Trump ne constitue même pas un obstacle, selon lui. “Nous sommes très peu impactés par ses tarifs douaniers parce que nous produisons aux États-Unis pour nos clients américains, prolonge-t-il. Il y a certes quelques importations de nearshoring, mais cela est moins sujet aux taxations parce que le Canada et le Mexique font partie de la même chaîne de valeur que les États-Unis. Dans ces deux cas, les débats ont peut-être été durs médiatiquement, mais les réajustements ont été rapides. C’est du pragmatisme, tant tout cela est imbriqué.”

“Le Mexique, une solution”

“Nous savons à quelle sauce les exportateurs vont être mangés et le Mexique peut être une solution, acquiesce Christophe Smitz. On ne parle pas assez du taux de change : le dollar a repris un peu du poil de la bête, mais on parle tout de même d’une évolution de 12% pour les exportateurs vers le marché américain. En ce qui concerne les droits de douane, je suis de ceux pensant que le Mexique sera très peu impacté et cela se vérifie. Les entreprises américaines font d’ailleurs ouvertement pression en ce sens.”

En outre, ce pays d’Amérique centrale était déjà “tendance” ces cinq dernières années pour le nearshoring. “Certaines entreprises belges sont présentes ici à la demande de leurs clients américains… eux-mêmes présents au Mexique, appuie-t-il. Ils échangent entre eux depuis ce pays. Le Mexique est la douzième économie mondiale, on y parle espagnol, les gens sont gentils et… ils répondent au téléphone : c’est bien plus facile de travailler ici que sur des marchés plus mâtures.”

Le marché peut grandir, mais “on n’attaque pas le Mexique comme le Guatemala ou le Bénin”, illustre le conseiller de l’Awex. “Si vous voulez vous installer sur le marché mexicain, vous devez présenter un avantage compétitif et être présent sur place. Si vous appelez d’un numéro +32 en parlant en anglais, jamais cela ne fonctionnera…” La Wallonie explore aussi les régions moins prisées de Tijuana ou Monterrey pour y enraciner les activités de ses entreprises.

“Notre marché est mondial”

Romain Dufrasne, CEO d’Ecosteryl, avait fait représenter son entreprise, active dans la gestion écologique des déchets hospitaliers, lors de la mission d’octobre au Mexique. Pas parce qu’il est attiré par le nearshoring, mais bien parce qu’il croit aux promesses de marchés comme le Mexique. “Nous participons à de nombreuses missions de l’Awex parce que notre marché est vraiment mondial, nous dit-il. Nous répondons présents partout où il y a une modification des réglementations pour une meilleure gestion des déchets hospitaliers.”

Scientifique, la nouvelle présidente mexicaine Claudia Sheinbaum est attentive aux sujets liés à la transition écologique. Mais, prévient l’Awex, les investissements ne sont pas de la même nature dans un pays émergent que chez nous. “Les réglementations évoluent dans le bon sens, veut croire le CEO. Jusqu’ici, les déchets étaient incinérés ou traités par des technologies nécessitant beaucoup de ressources, notamment en eau ou en gaz. Il y a désormais une volonté de les traiter de façon plus responsable.”

Ecosteryl est déjà présente au Mexique avec une machine qui sera opérationnelle au début de l’année prochaine. “C’est un marché qui bouge et nous nous en réjouissons, conclut Romain Dufrasne. Cela nous octroie désormais une reconnaissance sur le territoire mexicain et la mission de l’Awex nous a permis de nouer de nombreux contacts. Potentiellement, le Mexique peut être un gros marché pour nous.”

Ecosteryl est désormais présent dans 65 pays, dont les États-Unis. L’évolution actuelle de l’administration Trump n’est pas de nature à la rassurer. C’est peut-être au Mexique et dans les pays émergents que peut se construire l’avenir du monde. Nearshoring ou pas…z

Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire