Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Musk et les “putes à clics”
J’adore parler d’économie parce que l’économie, c’est la vie. Ce n’est pas que des chiffres, des courbes ou des graphiques. C’est aussi pas mal de psychologie. Sinon, expliquez-moi pourquoi l’homme le plus riche au monde consacre 44 milliards de dollars à acheter Twitter, un réseau social qui perd de l’argent ?
Je sais qu’ Elon Musk est très riche, mais ce n’est pas une raison pour signer un chèque de 44 milliards. Mieux, comme sa fortune est principalement logée sous forme d’actions Tesla, Elon Musk a dû vendre un paquet d’actions Tesla pour acheter Twitter. En plus, les propos qu’il tient sur la liberté d’expression qu’il veut totale ou presque sur Twitter lui coûtent aussi de l’argent. On peut même estimer que sa soif de liberté lui a déjà coûté 100 milliards de dollars de sa fortune personnelle puisque depuis janvier dernier l’action Tesla a perdu 52% de sa valeur.
Le rachat de Twitter explique en partie cette dégringolade, car la Bourse estime que ce rachat va le distraire et l’empêcher de gérer correctement ses autres activités. Pour être franc, il n’est pas le seul archi-milliardaire à avoir perdu des plumes en Bourse. Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon a perdu 83 milliards de dollars. Marc Zuckerberg, le fondateur de Meta, a vu sa fortune diminuer de 80 milliards de dollars. Ce qui prouve que les partis d’extrême gauche doivent arrêter de s’exciter sur les milliardaires et demander des impôts à tout va, la Bourse fait son boulot mieux que n’importe quel redressement fiscal.
Mais revenons-en à Twitter. Pour le moment, Elon Musk qui apparaissait comme le super héros du capitalisme américain a mauvaise presse depuis qu’il a racheté Twitter. Comme il a ordonné le retour de plus de 60.000 comptes bannis à vie, dont celui de Donald Trump, Elon Musk donne l’impression que les discours haineux et mensongers vont exploser sur Twitter. Or, Twitter vit à 90% de la publicité et les marques n’aiment pas se retrouver dans un environnement de haine et de mensonges – c’est trop dangereux. Donc, elles fuient Twitter, ce qui a mis dans une rage folle Elon Musk qui aurait appelé personnellement les PDG d’une centaine de marques pour les engueuler. C’est en tout cas ce que révèle le Financial Times.
A ce propos, je voudrais vous parler d’une expérience réalisée par des chercheurs à Chicago et Columbia, étude relayée par le professeur Daniel Sibony de HEC Paris : ils ont répondu à la question, que se passerait-il si on cessait de modérer le contenu d’un réseau social ? C’est en gros ce qu’on reproche au nouveau Twitter. Pour le mesurer, ces chercheurs ont divisé 800 personnes en deux groupes, l’un avec des algorithmes d’intelligence artificielle permettant de détecter les contenus toxiques et de les masquer, et l’autre moitié des 800 personnes sondées avaient juste une extension “placebo” qui ne masquait rien. Le résultat de cette recherche est que les algorithmes de modération, ça marche. En masquant juste 6% des contenus, ils réduisent de 73% l’exposition aux contenus toxiques. Et comme le toxique est contagieux, ces utilisateurs publient à leur tour 25% de contenus toxiques en moins.
C’est donc, Top ! Vive la modération. Pas vraiment, car les mêmes chercheurs constatent que ces utilisateurs protégés consomment moins de publicité et moins de contenus. Ca veut dire quoi ? Très simple : que tous les réseaux sociaux le savent et pas seulement Twitter. Le toxique, ça rapporte de l’argent. Eh oui, les torrents de boue, on les dénonce en public, mais en réalité, ça rapporte énormément d’argent aux réseaux sociaux. Mais soyons aussi de bon compte : certains médias traditionnels en usent et abusent de cette boue. Il n’y a qu’à regarder la qualité des titres qui marchent sur pas mal de sites web d’information. Dans notre jargon, on appelle ça des “putes à clics”. Si l’expression est vulgaire, elle dit la seule fonction de ces titres sans nuances. Et là, avec cette seule phrase, je me suis fait de nouveaux amis. Tant pis, c’est qu’ils n’aiment pas la franchise, mais ils n’auront pas ma haine. Et vive la modération, la vraie, celle de la nuance.
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