Mithra, Biocartis, Nyrstar… les petits actionnaires sont-ils abandonnés ?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La N-VA prête un intérêt particulier ces derniers temps aux sociétés cotées. Le parti veut muscler la défense des actionnaires minoritaires, s’inquiétant des mauvais traitements subis chez Mithra, Biocartis, CMB, Nyrstar…

« Cette semaine, j’ai envoyé une lettre au président de la commission des finances de la Chambre des représentants pour demander une audition sur un sujet qui me tient à cœur. En particulier, le renforcement de la position juridique des actionnaires minoritaires en Belgique », annonce le député N-VA Michael Freilich, celui-là même qui réclame un audit sur Proximus.

Mauvaise réputation belge

« Au fil des ans, observe-t-il, la Belgique s’est forgé une réputation inquiétante dans le domaine de la gouvernance d’entreprise. La dynamique entre les administrateurs, les directeurs de surveillance et les actionnaires laisse régulièrement à désirer, ce qui nuit à la confiance dans nos marchés financiers. Les actionnaires minoritaires sont souvent victimes de pratiques telles que la manipulation du marché, la tromperie et la fraude ».

Les accidents n’ont pas manqué en effet. Michael Freilich cite les cas de Wereldhave, Picanol-Tessenderlo, Exmar, Euronav-CMB, et surtout Mithra, Biocartis, Nyrstar, trois actions qui ne valent plus rien aujourd’hui.

Le cas de Nyrstar est particulièrement intéressant : « Le géant des matières premières Trafigura a accumulé une participation de 20 % dans Nyrstar à partir de 2012 et a placé des fidèles au conseil d’administration sous le couvert d’administrateurs indépendants. Selon les actionnaires minoritaires, Trafigura a utilisé des stratégies douteuses pour rendre Nyrstar dépendante d’elle-même par le biais de contrats d’étranglement commercial, tandis que des actifs stratégiques ont été transférés à ses propres filiales. Finalement, Trafigura a acquis tous les actifs de Nyrstar pour une fraction de leur valeur. La FSMA a constaté des irrégularités mais n’a pas pu intervenir et a renvoyé le dossier au ministère public. Comme on pouvait s’y attendre, celui-ci s’est enlisé dans un bourbier juridique, menaçant de rendre ce dossier prescrit », commente Michael Freilich.

Minoritaires sous-informés, dilués, abusés

Dans chaque cas, observe-t-il, on observe que les actionnaires minoritaires ont été insuffisamment informés, voire parfois soumis à des pressions. On note aussi que les administrateurs et les commissaires ont agi dans leurs propres intérêts, que les actionnaires de référence sont en conflit d’intérêt et ont abusé de leur pouvoir.

« La Belgique ne dispose pas d’un organe permettant aux petits actionnaires de s’unir pour agir contre les actionnaires de référence. En outre, ces mêmes actionnaires de référence sont souvent autorisés à voter sur des questions pour lesquelles ils ont un conflit d’intérêts, ce qui est plus strictement réglementé dans d’autres pays », ajoute encore le député N-VA qui propose donc d’organiser une audition des actionnaires minoritaires, d’experts, de représentants de sociétés cotées et de la FSMA dans le but de renforcer notamment le pouvoir de contrôle du gendarme des marchés, de renforcer également la protection juridique dont bénéficient les minoritaire, tout cela aussi pour améliorer l’attractivité de la place de Bruxelles.

Nyrstar à Turnhout

Hasard du calendrier ? Le dossier Nyrstar sera traité ce jeudi par le tribunal de l’entreprise de Turnhout, qui examinera la demande des minoritaires concernant la nomination d’un administrateur provisoire. L’audience devrait permettre de découvrir les principales conclusions du rapport de la FSMA « ainsi que les preuves supplémentaires que nous avons rassemblées sur l’obstruction, la désinformation, la manipulation de marché et les tactiques dilatoires », commente Evelyne van Wassenhove (Quanteus Group) qui fait partie du groupe d’actionnaires mécontents de Nyrstar. 

« En parallèle, poursuit Evelyne van Wassenhove, nous progressons également avec l’implication de plusieurs cabinets d’avocats internationaux, qui préparent une demande de protection pour préserver nos droits d’aller en justice au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et dans d’autres juridictions si nécessaire, au cas où le tribunal belge se déclarerait incompétent, ce que nous ne prévoyons pas, mais que les parties adverses exigent avec véhémence ».

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