Maya, l’application wallonne qui séduit la planète golf

Valentine Godin, CEO de GVE Europe, vise les 400 clubs de golf dans le monde à la fin 2025. © PG
Frederic Brebant
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances 

À 28 ans, Valentine Godin a déjà séduit plus de 150 clubs de golf dans le monde grâce à sa plateforme Maya, un logiciel qui permet aux propriétaires de gérer leurs greens de manière efficace et durable. Les grands clubs de foot s’y intéressent aussi doucement.

Au Golf de Rigenée, à deux pas de l’Abbaye de Villers-la-Ville, on en viendrait presque à citer Charles Baudelaire: “Là, tout n’est qu’ordre et beauté ; Luxe, calme et volupté.” Dans ce paysage apaisant où le flegme triomphe, ce n’est pourtant pas une balle de golf qui retient notre attention, mais bien une petite boule de nerfs aux yeux franchement rieurs. À tout juste 28 ans, Valentine Godin a fait du green sa raison d’être, et son enthousiasme est plutôt contagieux.

Animée d’une fougue enjouée, la jeune femme n’est pas championne de golf, mais dirige une start-up promise à un très bel avenir. Son originalité ? Elle a développé un logiciel qui permet aux propriétaires de clubs de gérer plus efficacement et plus durablement leurs parcours de golf. Baptisée Maya, son application se nourrit en effet de multiples datas qui, boostées à l’intelligence artificielle, permettent d’optimiser la pousse de l’herbe, de doser au mieux l’arrosage en évitant le gaspillage d’eau, de contrôler le parc de machines disponibles ou encore de prévenir certaines maladies du gazon.

En moins de trois ans d’existence, la solution développée par Valentine Godin a déjà séduit plus de 150 clubs de golf à travers le monde et son aventure entrepreneuriale ne fait que commencer.

Éducation anglaise

Mais comment une fillette passionnée de danse et qui rêvait à l’époque d’être informaticienne s’est-elle retrouvée sur les greens avec cette mission hautement écologique ? La réponse est à chercher du côté de Londres, où Valentine Godin a mené ses études universitaires. À 16 ans, la jeune Brabançonne est envoyée à Mayfield, dans le sud-est de l’Angleterre, pour y accomplir sa cinquième secondaire. Les premières semaines sont difficiles au cœur de son internat, mais l’adolescente s’accroche et finit par tomber “amoureuse du système anglais” (sic). C’est décidé : elle y fera aussi sa rhéto, avant d’enchaîner un double cursus universitaire dans la capitale britannique, d’abord avec un cycle de trois ans en économie politique et en relations internationales à la Northeastern University London, puis trois autres années en mechanical engineering à la University College London.

Ce deuxième package universitaire (équivalent à des études d’ingénieur civil en Belgique avec un fort ancrage dans les sciences environnementales) sera déterminant dans l’orientation professionnelle de Valentine Godin. En plein covid, les hasards de la vie lui font rencontrer Marc Thiebaut, le greenkeeper (ou responsable technique) du Golf Club d’Hulencourt, entre Genappe et Waterloo. La jeune femme est alors en pleine réflexion pour son mémoire de fin d’études et cette opportunité la fait basculer vers un nouveau sujet d’analyse : quelles stratégies adopter pour augmenter la résilience hydrique d’un terrain de golf ?

Logiciel maison

Au fil des discussions et de nombreuses rencontres avec des acteurs du terrain, l’étudiante constate que les greenkeepers, forts de leur expertise, travaillent surtout à l’instinct. Valentine Godin nourrit alors le projet de développer un outil informatique qui permettrait d’extraire et de croiser, de manière beaucoup plus rationnelle, les différentes données disponibles sur les terrains de golf, histoire de gérer au mieux l’arrosage et l’entretien des domaines, ainsi que la prévention des maladies du gazon.

Parallèlement à l’écriture de son mémoire, l’étudiante décide alors de lancer une version bêta de son logiciel maison baptisé Maya – “Je l’ai codé moi-même, je suis un peu geek”, sourit-elle – en s’appuyant sur les données recueillies par des capteurs et des mini-stations météo déployés sur les terrains de golf. Les premiers retours sont enthousiastes et la jeune femme peaufine son application.

Diplôme en poche, Valentine Godin fonde sa société GVE Europe, portée par la marque de son produit phare Maya. Elle convainc ses proches et surtout le fonds régional Invest BW de financer son projet, avec le précieux soutien de ses parents. “Ils ont toujours cru en moi et dans ce parcours entrepreneurial, confie-t-elle. Mon père, qui est lui-même entrepreneur, a été un vrai coach, un catalyseur et un levier de développement professionnel.”

Bien entourée, Valentine Godin réalise une première levée de fonds de 750.000 euros et le rythme s’accélère. En octobre 2022, la toute nouvelle version de Maya est commercialisée et les contrats s’enchaînent. Séduits par cet assistant intelligent qui leur permet de gagner du temps, d’éviter le gaspillage d’eau et surtout de prévenir certaines maladies du gazon, les greenkeepers se passent le mot. Il est vrai que cette application, dans le monde du golf, est une petite révolution. Grâce à l’analyse des données collectées sur le terrain et aux multiples tableaux de bord qui permettent de visualiser l’état du domaine en temps réel, la vie des gestionnaires est simplifiée et le retour sur investissement quasi garanti.

Golf, foot & Co

En quelques mois à peine, Maya s’envole et dépasse les frontières. “Aujourd’hui, notre application a déjà séduit une vingtaine de clubs de golf en Belgique et plus de 130 clubs à l’étranger, se réjouit Valentine Godin. Nous sommes surtout présents en Grande-Bretagne, en France et en Espagne, mais nous avons également signé des partenariats en Afrique du Sud et, récemment, aux États-Unis, où nous travaillons désormais avec deux clubs à Indianapolis. L’objectif est de collaborer avec 400 clubs de golf dans le monde à la fin de cette année.”

Portée par un chiffre d’affaires de 300.000 euros en 2024, sa société GVE Europe va tripler ses revenus cette année pour espérer atteindre le million d’euros. La start-up emploie aujourd’hui huit salariés à Nivelles et assure du travail informatique à une vingtaine de développeurs et autres data scientists basés au Sri Lanka.

GVE Europe va tripler ses revenus cette année pour espérer atteindre le million d’euros.

Innovante, la jeune pousse est en pleine croissance et, vu son business model, elle s’attaque désormais à d’autres sports sur gazon. “Le rugby représente un marché potentiel, mais c’est surtout le football qui retient aujourd’hui notre attention, enchaîne Valentine Godin. En France, nous avons signé avec Rennes, en Ligue 1, l’année dernière. Nous sommes en train de finaliser un contrat avec un club prestigieux de Premier League, en Angleterre, et des négociations sont en cours avec trois autres clubs du même championnat. Notre solution les intéresse pour leur stade, bien sûr, mais aussi pour leurs terrains d’entraînement.”

À côté de ces deux piliers que sont le golf et le football professionnel, Maya ambitionne de s’appuyer bientôt sur un troisième pilier pour son développement, à savoir les clubs amateurs et les espaces verts des collectivités, avant de viser les paysagistes et les parcs industriels comme quatrième pilier à l’horizon 2026.

En attendant la concrétisation de ces projets, la charmante boule de nerfs brabançonne poursuit son petit bonhomme de chemin, en enchaînant ses infatigables rebonds, principalement entre la Belgique et l’Angleterre, où Valentine Godin dispose désormais de deux pied-à-terre.

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