Arrivée à la tête de l’entreprise de construction à 26 ans à peine, Virginie Dufrasne a fini par imposer son style dans un secteur majoritairement masculin. Portrait d’une jeune quadra dynamique qui fait rimer “building” avec “running”.
C’est une année symbolique pour la société Lixon et sa CEO Virginie Dufrasne. Un millésime marqué par quelques chiffres ronds et qui – cerise sur le gâteau – se clôture avec une nomination au titre de Manager de l’Année. En 2025, quelques caps ont en effet été franchis : l’entreprise de construction carolo a fêté son 130e anniversaire et dépassera, pour la première fois, la barre des 100 millions de chiffre d’affaires, tandis que son administratrice déléguée a soufflé ses 40 bougies et s’est offert, pour l’occasion, ses premiers 20 km de Bruxelles.
“C’est une année où je ressens un vrai dynamisme, tant pour Lixon, avec ce chiffre d’affaires record, que pour moi en tant que femme, constate Virginie Dufrasne. J’entame une nouvelle dizaine où je me dis que je peux y aller à fond. Je n’ai plus besoin de faire mes preuves. Je me sens compétente, indépendante et alignée sur qui je suis. Mais maintenant que j’ai mes quatre enfants, je veux aussi me retrouver femme et donc, je me suis remise au sport. Je cours à fond. C’est presque devenu une drogue !”
“C’est une année où je ressens un vrai dynamisme, tant pour Lixon, avec ce chiffre d’affaires record, que pour moi en tant que femme.” – Virginie Dufrasne
Preuve en est avec ses premiers 20 km de Bruxelles qu’elle a accomplis, avec succès, en 1h59. Depuis, la CEO de Lixon continue de s’entraîner deux fois par semaine, en prenant soin d’avoir toujours une tenue de running dans sa voiture pour courir, si possible, 10 km d’une traite en forêt de Soignes. Épanouie, la jeune quadra respire la forme et cette “nouvelle maturité” lui sied à merveille.
Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Propulsée à 26 ans aux commandes de l’entreprise familiale, Virginie Dufrasne a longtemps souffert du syndrome de l’imposteur et a dû s’imposer petit à petit dans cet univers majoritairement masculin qu’est le secteur de la construction.
Coup du destin
Lorsqu’elle rejoint les bureaux de Lixon en 2010, il n’est absolument pas question pour elle de faire carrière dans le groupe, ni de diriger quelque 200 employés. À l’époque, la jeune diplômée de la Louvain School of Management a déjà entamé son parcours professionnel chez le consultant McKinsey et elle multiplie volontiers les missions à l’étranger, du Maroc à la Jordanie, en passant par l’Afrique du Sud.
Un drame va toutefois bousculer ses désirs de voyage et modifier radicalement son plan de carrière internationale. Cette année-là, son père, Pierre-Maurice Dufrasne, alors CEO de Lixon, la rappelle d’urgence à Charleroi. Le bras droit et successeur désigné du patron de 63 ans vient de se tuer dans un accident de parapente et Virginie Dufrasne est priée de revenir au sein de l’entreprise familiale. D’abord comme secrétaire générale pour mener un audit de la société, puis pour reprendre, contre toute attente, les rênes du groupe Lixon un an plus tard.
Pour la jeune consultante de 26 ans, la tâche est immense, mais elle accepte toutefois le défi. “J’avoue que cela a été très dur, se souvient-elle. J’avais l’impression d’entrer dans un énorme trou noir où il n’était pas évident de prendre des décisions. Je ne connaissais ni le secteur, ni la boîte, mais j’ai eu la chance d’être très bien accueillie par des collègues qui m’ont tout appris, le savoir-faire de la construction, les valeurs de l’entreprise, etc. C’est vraiment grâce à ce coaching très collégial que j’ai pu y arriver. Ce sont eux qui m’ont transmis les compétences.”
Des résultats probants
Aujourd’hui, Virginie Dufrasne savoure le chemin parcouru et ne souffre plus de cette triple étiquette “jeune, femme et fille du patron” qu’elle a longtemps portée, malgré elle, dans ce monde viril. Tenace, la CEO a fait ses preuves avec, déjà, une première nomination au titre de Manager de l’Année en 2018 et, surtout, des résultats probants. Ces sept dernières années, elle a fait passer le chiffre d’affaires de Lixon de 70 millions d’euros à plus de 100 millions, soit une augmentation de plus de 40%. En outre, son entreprise de construction s’est forgé une solide réputation dans l’exécution de grands chantiers, qu’il s’agisse de la rénovation de bâtiments classés, comme le Château de Jehay, ou bien la construction de nouveaux édifices, comme l’Hôtel de Police à Ans, des logements sociaux à Haine-Saint-Pierre ou, bientôt, la version revisitée du Stade Tondreau à Mons.
Petit bémol, toutefois, dans ce joli tableau : la société Lixon souffre aujourd’hui d’une nette diminution des appels d’offres en matière de marchés publics. “Il faut que les autorités comprennent que l’investissement dans l’infrastructure, ce ne sont pas juste de bêtes dépenses opérationnelles, déplore Virginie Dufrasne. C’est de l’investissement à long terme car il y a un réel besoin d’avoir des hôpitaux, des écoles et une administration qualitative. L’ancrage wallon, c’est une vraie fierté et je pense que l’on sous-estime parfois le rôle de notre entreprise. Car nous rendons aussi à l’écosystème en dépensant, chaque année, une vingtaine de millions en Wallonie avec nos propres investissements.”
L’option diversification
Pour pallier ce ralentissement des appels d’offres publiques, l’entreprise de construction a en effet diversifié ses activités en misant davantage, ces dernières années, sur la promotion immobilière et l’investissement à long terme. Elle parie de plus en plus sur le marché locatif et construit des logements en conséquence, histoire de répondre à un réel besoin. “Les logements neufs deviennent de moins en moins accessibles, constate Virginie Dufrasne. On a donc décidé de continuer à investir nos bénéfices en Wallonie pour construire des logements de qualité et pour les proposer à la location plutôt qu’à la vente.”
En cette saison automnale, les travailleurs de Lixon sont aujourd’hui actifs sur une quarantaine de chantiers que l’administratrice déléguée visite régulièrement. Au compteur de la voiture de Virginie Dufrasne, ce ne sont pas moins de 50.000 km qui s’accumulent chaque année pour qu’elle puisse vérifier que tout soit parfait. Un “voyage” sur l’asphalte wallon qu’elle assume parfaitement, tout en gardant un œil sur sa tenue de running qui sera sa récompense bien-être en toute fin de journée.
C.V.
• 2007 : Diplômée de la Louvain School of Management
• 2007-2010 : Business analyst chez McKinsey
• 2010 : Arrivée chez Lixon en tant que secrétaire générale
• 2011 : Promue CEO de Lixon
• 2018 : Première nomination au titre de Manager de l’Année
• 2023 : Honorée du titre d’officier du Mérite wallon
• 2025 : Deuxième nomination au titre de Manager de l’Année
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