Stijn Van Rompay (CEO d’Hyloris): “Je veux faire quelque chose que personne n’a jamais fait”
Stijn Van Rompay est condamné à perdre beaucoup d’argent dans l’effondrement de l’entreprise pharmaceutique Mithra. Heureusement, il n’a pas à se préoccuper de son invention, Hyloris, qu’il croit promise à un grand avenir.
Dans le hall d’entrée de la maison de Stijn Van Rompay sont accrochées des portraits représentant ses jumelles adolescentes. Dans au moins l’une d’entre elles, Van Rompay, la quarantaine, voit déjà un successeur. Bien qu’il soit un bourreau de travail, il ne songe nullement à se retirer, car il veut faire de l’entreprise pharmaceutique Hyloris son chef-d’œuvre professionnel. Ce n’est pas rien pour cet homme qui, à l’âge de 20 ans, était déjà directeur financier de Docpharma, une société cotée en Bourse. A 30 ans, il en est devenu le CEO et s’est ensuite transformé en serial entrepreneur. C’est ainsi qu’il a lancé Uteron Pharma, sur les actifs de laquelle a ensuite été construite la société Mithra, aujourd’hui en difficulté. Uteron a vendu les droits de la pilule contraceptive Estelle à Mithra, qui doit encore payer 185 millions d’euros à Van Rompay et à d’autres actionnaires d’Uteron, comme son ancien CEO François Fornieri. Toutefois, les espoirs à cet égard se sont pratiquement évanouis depuis que Mithra a demandé la protection de la justice. Une pilule amère pour Stijn Van Rompay, qui se console avec Hyloris, le fer de lance de son empire d’investissement.
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TRENDS-TENDANCES. Vous avez introduit Hyloris en Bourse il y a quatre ans. Quel regard portez-vous sur cette période ?
STIJN VAN ROMPAY. L’ambition est beaucoup plus grande aujourd’hui. Les opportunités sont bien plus nombreuses que je ne l’avais imaginé. Nous avons maintenant 21 produits en portefeuille et trois d’entre eux ont déjà été lancés aux Etats-Unis. D’ici la fin de l’année, nous visons 30 produits et candidats-produits. Il s’agit d’un objectif intermédiaire. Nous venons à peine de commencer. Le potentiel des produits à base de médicaments déjà développés est largement sous-estimé. Nous voulons devenir le plus grand acteur dans le domaine des médicaments reformulés et redéveloppés.
Ce secteur représente presque toujours des histoires binaires, un produit pour lequel il y a souvent 10 ou 15 ans d’attente, et tout autant de risques. Mais nous sommes un cas à part, d’une manière positive, parce que nous avons une histoire que je n’ai vue nulle part ailleurs dans le monde. Les premiers produits étaient des reformulations de médicaments existants, où l’on passe, par exemple, d’un comprimé à une injection, ou d’une injection à un patch, ou d’un patch à quelque chose que l’on implante. A chaque fois, cependant, pour la même indication. Mais ce que le marché ne comprend pas encore bien, c’est que ces dernières années, nous avons surtout cherché à réinventer les médicaments existants, afin de les utiliser pour de nouvelles indications. Parfois, nous changeons les molécules, les composants chimiques d’un médicament existant. Ces changements sont suffisamment innovants pour permettre l’obtention d’un brevet d’une durée de 20 ans.
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Y a-t-il beaucoup d’ivraie parmi le bon grain ?
Oui, nous voyons au moins 200 produits par an. Ils émanent de professeurs ayant une idée ou de multinationales. Souvent, on constate que la science peut être parfaite, mais que le produit qui en résulte est médiocre en raison du remboursement, du prix, du positionnement, des étiquettes ou de l’attitude des agences d’homologation. Il est parfois terrible de constater à quel point certaines personnes sont naïves lorsqu’il s’agit de savoir ce qu’il faut faire pour développer un médicament. Seuls quelques pour cent d’entre eux répondent à tous les critères. Cela ne veut pas dire qu’il s’agit de mauvaises idées, mais nos critères sont très élevés. L’objectif minimum est de pouvoir récupérer au moins 27 fois notre investissement en cinq ans et de ne pas investir plus de 7 millions d’euros en moyenne.
A quand des chiffres dans le vert ?
Hyloris ne l’annonce pas, mais les analystes estiment que le seuil de rentabilité sera atteint à la fin de l’année 2025. Un trimestre plus tôt ou plus tard ? Ce n’est pas un problème. Si nous pouvons développer plus de produits et donc atteindre le seuil de rentabilité plus tard, nous le ferons. Nous voyons beaucoup d’opportunités. Nous n’allons pas les ignorer pour atteindre le seuil de rentabilité un trimestre plus tôt. Il est préférable de tout faire et d’en tirer beaucoup plus de bénéfices par la suite.
Vous percevez des royalties sur les ventes ?
Pour les premiers produits, il s’agit d’un pourcentage à deux chiffres. Pour les produits développés ultérieurement, nous visons des redevances beaucoup plus élevées.
Combien d’argent est encore investi ?
Plus de 30 millions d’euros, et nous n’avons pas de dettes. Il y a donc suffisamment d’argent pour les études en cours.
Hyloris est entrée en Bourse en 2020 à 10,75 euros et a brièvement flirté avec les 19 euros. Mais la confiance dans l’action a été mise à mal lorsque l’autorité d’homologation américaine FDA a demandé des informations supplémentaires sur votre analgésique Maxigesic IV. Aujourd’hui, le cours campe sous la barre des 12 euros. Frustrant ?
Ces dernières années, les entreprises de notre secteur ont souvent perdu 40 à 60 % de leur valeur en Bourse. Nous nous en sommes donc très bien sortis. Nous sommes l’une des rares entreprises au monde à avoir dépassé le prix de l’introduction en Bourse. Je n’ai donc pas à me sentir frustré.
Aurait-il été préférable de ne pas entrer en Bourse ?
Cela aurait pu être le cas, mais nous l’avons fait. Nous allons en tirer le meilleur parti. Cela présente aussi des avantages. Si vous avez besoin de lever des fonds rapidement, vous pouvez aller vite. Même si l’on sous-estime largement la quantité de travail que cela représente. Mais à un moment donné, le climat boursier redeviendra positif et nous serons très heureux d’être cotés en Bourse.
Pour Mithra, ce climat positif est à jamais révolu. La tempête ne s’est pas encore calmée. Vous êtes étroitement impliqué en tant que créancier.
C’est très difficile. Mon frère et moi représentons 35 % des 185 millions d’euros que Mithra doit encore aux fondateurs d’Uteron. Mais même si je suis celui qui perd le plus sur le papier, j’ai plus de compassion pour les autres. Je connais des gens qui ont beaucoup investi dans cette entreprise. Je souffre avec eux. Même si je n’ai rien à me reprocher, cela m’empêche parfois de dormir.
“Je connais des gens qui ont beaucoup investi dans Mithra. Je souffre avec eux.”
Etes-vous toujours ami avec François Fornieri ?
(Il acquiesce) Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous parler.
Vous reproche-t-on de rester à ses côtés ?
Pas en face. Il y aura toujours des gens qui me feront des reproches. Mais ne vaut-il pas mieux aider que pousser quelqu’un encore plus loin dans le gouffre ? Je connais François depuis des décennies, depuis l’époque où il allait faire des petits boulots chez ses voisins pour payer les factures. Il était alors un entrepreneur sans revenus. Je sais que François est passionné par son entreprise, et parfois trop passionné. J’ai des problèmes avec la situation et les décisions prises, mais pas avec la personne. Ce n’est pas dans mon caractère.
En parlez-vous avec votre père, Leon Van Rompay, ex-CEO de Mithra? Ou est-ce devenu trop compliqué ? D’autant plus que votre père craignait que François Fornieri ne l’attaque en justice.
Peu. Papa s’en est très bien sorti, car les circonstances étaient difficiles. Cela a été sous-estimé. Je sais qu’il est frustré par toute cette histoire, mais il ne le laisse pas paraître. Il ne peut plus rien faire de toute façon, alors pourquoi l’ennuyer ?
Cela n’a pas créé de tensions dans la famille ?
Non, au contraire. Nous avons une famille unique. Mon frère Pieter est mon meilleur ami. Nous avons un compte en banque commun. Parfois, il y a beaucoup d’argent dessus, parfois il n’y en a plus et je ne sais pas pourquoi. Et je n’ai pas besoin de le savoir non plus. Je ne sais plus vraiment ce qui est à moi et ce qui est à lui. C’est la même chose avec Papa. Il a tout donné aux enfants quand j’avais 26 ou 27 ans. C’était du genre “les hommes, voilà tout, vous devez vous occuper de maman, mais vous avez tout”.
Heureusement, vous avez bien d’autres chats à fouetter. Il y a quelques années, dans Trends, vous aviez parlé d’autres introductions en Bourse potentielles parmi vos investissements.
C’est vrai, mais le climat ne s’y prêtait pas. Je suis un actionnaire important d’Imcyse, une spin-off de la KU Leuven. Celle-ci aura bientôt les résultats d’un essai clinique de phase 2 contre le diabète de type 1. S’ils sont positifs, il y aura une énorme création de valeur. Y aura-t-il alors une introduction en Bourse ? Ou un retrait de la cote, une vente ou autre ? Je suis entré dans le capital en 2012. C’est bien au-delà de mon horizon habituel. Normalement, c’est cinq ans, mais là, c’est 12 ans. Mais si cela réussit, tout le monde dira que je suis un brillant investisseur (rires).
“Je pourrais faire 20 investissements de plus. Le problème, c’est le temps.”
Une autre entreprise dont je suis l’un des principaux actionnaires est Exo Biologics. Elle travaille sur un traitement contre une grave maladie pulmonaire chez les enfants. Si elle réussit, il s’agira d’un produit énorme. Il y a 60.000 jeunes enfants qui en ont besoin. Cela représente des traitements d’une valeur de plusieurs centaines de milliers d’euros par enfant, à condition qu’ils améliorent considérablement leur qualité de vie. Je vois d’autres candidats potentiels pour une introduction en Bourse. Mais, comme je l’ai dit, le marché boursier actuel n’est pas adapté à ce type d’entreprise.
Quels autres ?
Dans le PE Group (la société d’investissement dirigée par Stefan Yee que Stijn Van Rompay a cofondée en 2005 et dont la famille Van Rompay détient 70 %, Ndlr), nous avons Robovision, qui a récemment levé 42 millions d’euros, ou la chaîne de magasins de fitness NRG. Celle-ci compte plus de 50 implantations, et l’année prochaine, elle devrait en compter une centaine. Ce sera le prochain Basic-Fit. Mais il y a beaucoup d’autres choses. Nous avons par exemple Labo Phytophar, une société de production de compléments alimentaires. Il y a beaucoup de participations de ce type. En outre, j’ai également investi dans des fonds Z à Boston, mais aussi en Angleterre, en Inde… Je pourrais faire 20 investissements de plus. Le problème, c’est le temps de bien faire les choses.
Je suis également actionnaire principal de deux sociétés immobilières, qui sont regroupées sous un même toit, avec des dizaines de succursales. En Belgique, cette structure s’appelle SilverLine et aux Pays-Bas, Focus on Impact. Cette société s’occupe de grands projets d’appartements. Aux Pays-Bas, c’est un acteur de premier plan.
Et pourtant, j’ai le sentiment que nulle part ailleurs je ne peux aider autant de personnes et gagner autant que chez Hyloris. Il s’agit d’une opportunité exceptionnelle pour un investissement et un risque relativement limités, surtout lorsque les royalties commenceront à affluer.
Où voulez-vous être dans 10 ans ?
D’ici là, Hyloris devrait être leader sur le marché mondial en termes de nombre de produits. Pour moi, la question n’est pas de savoir si, mais quand nous y parviendrons.
Vous êtes un fan notoire de Ferrari. Est-ce aussi un investissement ?
C’est vrai, et ce sont de bons investissements, d’autant plus que je les apprécie. Ferrari est également la seule marque dont je sais qu’elle conserve sa valeur ou dont la valeur augmente chaque année. Surtout les modèles spéciaux. Il faut être un client fidèle depuis 10 ou 15 ans pour en bénéficier. Et encore faut-il avoir prouvé que l’on est passionné. Je participe donc moi-même à un événement une ou deux fois par an. Et ils viennent aussi vérifier si j’ai toujours ces voitures, ce que j’en ai fait, et comment.
“J’ai des problèmes avec la situation et les décisions prises, mais pas avec la personne de François Fornieri.”
Combien en avez-vous ?
Il faudrait voir… Plus de 10. J’ai deux Ferrari spéciales dans le garage, dont une de 1959. Ils viennent aussi les chercher de temps en temps pour les exposer.
Vous êtes un oiseau de nuit autoproclamé, qui aime travailler de longues heures…
S’il m’arrive quelque chose demain, il y a neuf chances sur dix que ce soit derrière mon bureau. Je pense que ce n’est pas sain. Prendre soin de soi m’est étranger. J’essaie de faire de l’exercice, mais ça ne marche pas, à cause de mon emploi du temps chargé et parce que je travaille encore la nuit. Mais que faire d’autre ? Collectionner des timbres ? Je n’ai pas la main verte et j’aime vraiment ce que je fais et je peux le faire assez bien. Je peux changer le monde de cette façon.
Où vous voyez-vous dans 10 ans ?
Mon objectif n’est pas d’avoir un certain capital ou une certaine position dans la société, mais de mener à bien des projets. Je veux faire quelque chose que personne n’a jamais fait auparavant, montrer aux gens ce qu’il est possible de faire avec les nouveaux médicaments. Et que je puisse transmettre ce que je fais à mes enfants. J’aimerais beaucoup qu’ils me succèdent. De l’un d’entre eux, je suis déjà sûre. J’ai des jumelles, Lana et Mila. Mila est très ambitieuse et, si possible, encore plus active que moi. Elle réfléchit déjà à l’entreprise dans laquelle elle veut travailler. Elle a 16 ans, mais elle s’occupe de ma comptabilité personnelle depuis l’âge de 11 ans. Elle ne supporte pas non plus de perdre, tout comme mon père. Lana a d’autres centres d’intérêt. Elle fait de la danse et a déjà participé aux championnats d’Europe. Elle aime aussi faire du shopping, tandis que Mila préfère regarder la Formule 1 avec son père.
Profil
• 1976 : naissance
à Lierre
• 1999 : maîtrise en économie, Université d’Anvers
• 1999 : travaille au bureau de BBL-ING à New York
• 2000 : CFO de Docpharma
• 2006 : CEO de Docpharma
• 2009 :
co-CEO
d’Uteron
• 2013 :
directeur général
d’Uteron
• 2017 : CEO d’Alter Pharma
• 2014 : CEO de Hyloris
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HYLORIS
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Siège social:
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