Retour de Trump: “Le wake-up call sera géopolitique”, estime Yves Delatte (Sonaca)

Yves Delatte (Sonaca) © BELGA
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Trends Tendances a interrogé des patrons  belges au sujet du retour de Donald Trump. “Si les Américains arrêtent leur soutien à l’Ukraine demain, nous aurons un sérieux problème parce que nous sommes incapables d’arrêter Poutine”, estime Yves Delatte. Le CEO de Sonaca appelle l’Europe à renforcer son autonomie industrielle et stratégique face aux risques de protectionnisme américain.

CEO de la Sonaca, active dans les domaines de l’aviation et de la défense, Yves Delatte ne redoute pas non plus ce retour de Donald Trump. “Tout d’abord, c’est le fruit d’une élection démocratique. Je n’émettrai pas d’avis sur ce choix, je me félicite simplement que cela se soit déroulé de façon démocratique. Pour le reste, nous avons 40% de nos revenus réalisés aux États-Unis, mais nous produisons localement pour nos clients américains. Il ne devrait pas y avoir de conséquence négative dans l’immédiat. Nous ne sommes pas en risque en ce qui concerne les taxes d’importation ou d’exportation.”  

L’impact sur l’économie européenne, en revanche, risque d’être significatif. “Le risque de protectionnisme économique et l’augmentation potentielle de droits de douane à l’exportation ont de quoi inquiéter l’ensemble de notre économie. Cette concurrence américaine se renforcera sur de nombreux marchés. Nous sommes à la croisée des chemins au niveau européen et nous devons avoir un sursaut d’autonomie stratégique.”  

Yves Delatte se réfère lui aussi aux conclusions des rapports Letta et Draghi. “Maintenant que Donald Trump a gagné l’élection avec son slogan ‘Make America Great Again’, nous n’avons plus le choix, nous devons concrétiser ces visions et regagner notre autonomie industrielle, stratégique, technologique et militaire. En matière de technologie, il est indispensable d’investir massivement en recherche et développement, en essayant de réancrer en Europe les sociétés innovantes et génératrices de valeur. Au niveau industriel, le leitmotiv doit être de faire revenir ces entreprises qui nous ont quittés depuis tant d’années. Et en matière de défense, nous devons remplir nos obligations à l’égard de l’Otan, mettre en place une défense européenne et construire une industrie forte.”  

Nous devons regagner notre autonomie industrielle, stratégique, technologique et militaire.

La plupart des dépenses militaires sont aujourd’hui consenties pour du matériel américain de très haute qualité : cela doit cesser, laisse-t-il entendre. “Nous avons besoin d’une impulsion politique pour soutenir une vraie vision de l’industrie de la défense, clame-t-il. Les sociétés et les gouvernements restent beaucoup trop dans des logiques nationales. Cela doit passer par des projets phares. Un exemple parfait à mes yeux est le FCAS, chasseur de sixième génération. Nous sommes sur un partenariat franco-germano-espagnol, la Belgique a marqué son intention de monter à bord, mais nous ne sommes que des observateurs, à ce stade-ci. Le futur gouvernement belge et la Commission européenne doivent en faire un véritable projet européen.” L’aérien est le secteur le plus approprié pour montrer l’exemple car il ne connaît pas de frontières.  

Une entreprise supranationale qui damne le pion aux Américains

Airbus est l’exemple parfait à suivre : une entreprise supranationale qui damne le pion aux Américains. “Nous avons le talent, l’expertise et la compétence en Europe pour faire partie des meilleurs du monde, insiste Yves Delatte. Airbus est une société privée qui réunit une chaîne de valeur principalement européenne et qui a réussi, en l’espace de 30 ans, à supplanter Boeing. À l’époque, c’étaient pourtant les ‘New Kids on the Block’. Airbus est une société paneuropéenne, les gouvernements n’interviennent pas avec leurs intérêts nationaux. Elle repose sur l’autonomie de l’entrepreneuriat !”  

Le protectionnisme américain sera la piqûre de rappel ? “Ce n’est pas tellement la velléité protectionniste américaine qui fera le wake-up call, c’est plutôt la crainte d’une évolution de la situation géopolitique européenne. Honnêtement, si les Américains arrêtent leur soutien à l’Ukraine demain, nous aurons un sérieux problème parce que nous sommes incapables d’arrêter Poutine. Ce problème-là, nous devons le régler.”  

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