Le Belge Max Hermans à la conquête (verte) d’Hollywood avec son appli TheGreenShot

Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances  

Avec son application mobile qui permet de réduire l’empreinte carbone des tournages en temps réel, l’entreprise bruxelloise TheGreenShot veut séduire les plus grands producteurs de cinéma. Pour y parvenir, elle vient de s’offrir la société américaine Earth Angel.

Scène 1, décor glaçant. D’immenses croix gammées ornent les façades de l’Allemagne nazie. Nous sommes pourtant à Bruxelles en 2016 et le jeune Max Hermans, 26 ans, déploie toute son énergie pour coordonner une douzaine de chauffeurs sur le tournage de When Hands Touch. Réalisé par la Britannique Amma Asante, ce film raconte une histoire d’amour improbable à Berlin sur fond de Seconde Guerre mondiale, mais c’est bien la Belgique qui a été choisie pour planter une partie du décor allemand.

Issu de la sphère artistique, Max Hermans s’est vu confier la tâche de transport captain pour ce long métrage et doit veiller au déplacement motorisé des acteurs et membres de l’équipe sur les différents lieux de tournage. C’est sa toute première expérience cinématographique, mais le jeune Bruxellois assure et convainc par sa débrouillardise. Il est rapidement promu régisseur général du film et s’envole vers l’île de Man, en mer d’Irlande, pour les dernières prises de vue de cette grosse production.

Flash-back

Scène 2, ambiance surréaliste. Quelques mois plus tôt, à Bruxelles, Max Hermans prend les attentats du 22 mars 2016 en pleine figure… ou presque. A la tête de l’ASBL MacSwell, il produit des événements, des vidéos et des artistes depuis quatre ans déjà et assure la gestion d’une petite salle située en face de la station Maelbeek. Ce jour-là, il ne vit pas directement l’explosion terroriste dans le métro, mais il subit le traumatisme de l’aide aux victimes en surface (“des images qu’on n’oublie pas”, frissonne-t-il) et voit ses activités artistiques sombrer dans le néant durant plusieurs mois, suite à cet attentat.

Sans un euro en poche, il rebondit alors sur le tournage de When Hands Touch à l’automne 2016, ce qui sera paradoxalement le déclencheur d’une nouvelle activité professionnelle qui vise, aujourd’hui, la conquête ­d’Hollywood. Car depuis cette aventure cinématographique, Max Hermans a fondé TheGreenShot, une entreprise qui, via son application web et mobile, permet de planifier et d’automatiser la gestion des budgets de films et des opérations de terrain, tout en offrant l’opportunité de calculer et de rectifier l’empreinte carbone des tournages en temps réel.

“Après mon expérience sur ce premier film, j’ai fait mon trou et j’ai enchaîné les tournages comme régisseur général, raconte Max Hermans. Je venais d’un univers où tout était organisé et très contrôlé au sein de mon ASBL et je me retrouvais tout à coup dans des productions à plusieurs millions d’euros où il y avait finalement assez peu de contrôle fiable sur les finances. Cela m’a donc donné l’idée de créer un outil de suivi que j’ai développé avec mon père.”

Une appli inédite

Scène 3, atmosphère cyber. Thierry Hermans, son paternel, affiche plus de 30 années d’expérience dans le développement de logiciels de haute sécurité et de gestion du temps de travail. Les deux hommes imaginent alors une nouvelle solution numérique où chacun peut facilement évoluer, du technicien de plateau au producteur du film. Présenté sous la forme d’un “tableau de bord” multiple, l’application TheGreenShot permet en effet à chaque membre de l’équipe d’encoder facilement des données en continu via son smartphone, qu’il s’agisse d’heures prestées ou de notes de frais, en donnant ainsi la possibilité aux comptables et aux producteurs de contrôler les dépenses en temps réel.

Résultat : moins de papier et moins de risques financiers, plus d’efficacité et plus de durabilité. Car au cœur de l’outil numérique qu’ils ont développé, Thierry et Max Hermans ont aussi voulu donner un petit coup de pouce à la planète : père et fils ont imaginé un calculateur de bilan carbone pour chaque étape du tournage d’un film, qui permet même à l’utilisateur de réduire, selon les choix opérés, l’impact climatique de toute production cinématographique en temps réel.

Max Hermans, fondateur de TheGreenShot

“TheGreenShot a été officiellement présenté au Festival de Cannes en juillet 2021 et les réactions des professionnels ont été immédiatement enthousiastes, se souvient Max Hermans. Nous venions avec une offre complète dans le monde du cinéma, sous la forme d’une application qui est à la fois un service pratique de gestion pour améliorer les conditions de travail et mieux contrôler les finances, mais aussi un outil efficace pour réduire l’empreinte carbone des tournages. Sur ce point, nous étions clairement en avance.”

La reconnaissance

Scène 4, ambiance de fête. Le démarrage de TheGreenShot est fulgurant. En quelques mois, l’application web et mobile séduit les studios de cinéma et collectionne les récompenses internationales. Au début de l’année 2022, la start-up bruxelloise reçoit ainsi le label Solar Impulse Efficient Solutions (un des premiers labels pour les entreprises à impact positif qui associe protection de l’environnement et rentabilité financière) et le soutien de Creative Europe Media (le programme phare de la Commission européenne qui vise à promouvoir le secteur audiovisuel et cinématographique).


Le “green” est à la mode et TheGreenShot monte en puissance. Poussés à faire des choix écoresponsables, les producteurs veulent en effet de plus en plus “verdir” leur image et voient en l’application belge la solution idéale. En moyenne, un jour de tournage génère 3,3 tonnes de CO2 et l’outil développé par Thierry et Max Hermans a précisément pour objectif de réduire cet impact environnemental, tout en facilitant la vie des équipes de tournage. Verdict: deux ans à peine après son lancement, la start-up compte déjà une vingtaine d’employés et 60 productions à son actif, réalisées dans six pays européens.

C’est à ce moment que TheGreenShot s’offre Ooviiz, une start-up française spécialisée dans la planification des ressources humaines et matérielles. Leurs services sont complémentaires; l’application mobile s’enrichit de nouvelles fonctionnalités.

Le rêve américain

Scène 5, décor hollywoodien. Max Hermans part à l’assaut de Los Angeles pour y séduire les plus grands producteurs de cinéma. Nous sommes le 29 mai 2024 et le “p’tit Belge” annonce le rachat d’Earth Angel, une société de conseil américaine qui aide, elle aussi, le monde du septième art à réduire son empreinte carbone. A son actif, l’agence compte l’accompagnement de plus de 180 productions, parmi lesquelles des longs métrages (Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese, The Amazing Spiderman 2, etc.), des séries télévisées (Severance produite par AppleTV) et des publicités.

“Avec l’acquisition d’Earth Angel, nous franchissons une nouvelle étape.”

Max Hermans, fondateur de TheGreenShot

La solution numérique développée par TheGreenShot se révèle donc parfaite pour booster le travail déjà mis en place par Earth Angel sur une grande partie du territoire nord-américain (l’agence est en effet présente à Los Angeles, New York, Atlanta, Vancouver et Toronto). “Avec l’acquisition de cette société américaine, nous franchissons une nouvelle étape, conclut Max Hermans. Aujourd’hui, nous comptons environ 70 employés, 250 clients et plus de 20.000 utilisateurs de notre application.”

La croissance de l’entreprise est, elle aussi, spectaculaire. De 300.000 euros en 2022, le chiffre d’affaires de TheGreenShot est passé à 3,2 millions en 2023 et devrait flirter avec les 9 millions au terme de cette année. Le transport captain a plutôt bien manœuvré. Et le clap de fin est loin d’être donné.

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