Kering : le très beau cadeau de bienvenue à Luca de Meo

Luca de Meo
Luca de Meo © Getty
Muriel Lefevre

Alors que Kering traverse une période délicate, le groupe mise gros sur Luca de Meo, ex-CEO de Renault, pour redonner du souffle à sa stratégie. Entre package de rémunération record et transition délicate chez Renault, l’opération soulève autant d’attentes que d’interrogations.

Le luxe a ses codes… et ses prix. Pour s’attacher les services de Luca de Meo, qui quittera officiellement Renault le 15 septembre, Kering a mis les petits plats dans les grands. Un bonus d’arrivée de 20 millions d’euros, composé à 75 % en cash et à 25 % en actions, sera proposé aux actionnaires lors d’une assemblée générale extraordinaire le 9 septembre. L’objectif : compenser les actions Renault auxquelles l’ex-patron a renoncé en quittant la maison au losange. Et qu’importe si l’action Renault a connu deux fortes chutes depuis le calcul.

À cela s’ajoute, pour 2026, une rémunération annuelle fixe de 2,2 millions d’euros et une part variable cible de 4,84 millions, pouvant grimper à 6,6 millions en cas de surperformance (les conditions seront définies au premier trimestre de 2026).

Une rémunération variable

Mieux encore : une rémunération variable de long terme, en actions de performance, équivalente à 150 % de sa rémunération globale, pourrait porter le total au-delà des 20 millions d’euros par an. Un package des plus généreux, assorti toutefois d’une clause « claw back » sur une partie des actions, valable cinq ans. S’il quitte le groupe (ou s’il en est remercié), il devra restituer les actions.

Il n’empêche que cela reste une progression salariale significative, même pour un dirigeant déjà bien rémunéré : son dernier salaire annuel chez Renault s’élevait à 12,9 millions d’euros, d’après le rapport annuel 2024 du constructeur.

En contrepartie de cette montée en puissance managériale, François-Henri Pinault, président-directeur général sortant et fils du fondateur du groupe, verra sa rémunération annuelle réduite à 700 000 euros. Il conserve toutefois la présidence du conseil d’administration, après deux décennies passées à la direction opérationnelle de Kering.

On notera aussi que, comme Luca de Meo prend ses fonctions le 15 septembre, pour l’année 2025 entamée, il sera payé 650 959 euros bruts en fixe, auxquels s’ajoute une rémunération variable prédéfinie de 1,21 million d’euros.

Un transfert à hauts risques

Ce faramineux cadeau de bienvenue laisse quand même une drôle d’impression lorsqu’on sait que Kering, maison mère de Gucci, traverse une passe difficile. Le groupe a vu ses ventes chuter de 25 % au premier semestre 2025, et son bénéfice net reculer de 46 % à 474 millions d’euros. Le rebond du titre à l’annonce de l’arrivée de Luca de Meo — passé de 172 à 218 euros en quelques semaines — traduit les espoirs du marché. Mais cela augmente aussi la pression : nul doute que les résultats devront suivre.

L’ancien patron de Renault risque d’être particulièrement scruté en ce qui concerne sa stratégie pour Gucci, qui représente les deux tiers de la rentabilité du groupe. Car comme pouvait l’être Renault lorsque Luca de Meo y est arrivé, Gucci n’est pas non plus en grande forme. François-Henri Pinault espère qu’il parviendra à impulser le même type de redressement.

Renault, entre continuité et incertitudes

Sauf que si Luca de Meo a effectivement profondément remodelé le constructeur, et que l’impact industriel est spectaculaire, les résultats concrets pour Renault sur le long terme sont plus hasardeux.

Pendant ce temps, Renault tente lui aussi de rassurer les marchés. Le conseil d’administration vient de nommer François Provost, ancien bras droit de Luca de Meo. Il n’a pas le charisme de son prédécesseur, mais il n’en est pas moins un artisan discret mais central du plan « Renaulution ». Si son profil rassure l’État actionnaire (15 % du capital) et les partenaires industriels, son orientation très “achat” et surtout sa proximité avec la Chine ne font pas l’unanimité. Son attachement à la rentabilité, parfois au détriment de la filière locale, pourrait aussi lui valoir quelques frictions.

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