Julien Compère, CEO du groupe FN Browning: un “entraîneur d’équipe” à la tête d’une industrie reconsidérée
Le secteur de la défense retrouve la croissance, sur fond de tensions géopolitiques. Ex-chef de cabinet ministériel et CEO d’hôpital, Julien Compère dirige l’entreprise wallonne dans cette nouvelle ère. Son credo : avoir de l’impact sur l’économie de la Région.
Il est heureux de ce retour à la lumière d’une entreprise historique. Julien Compère, CEO du groupe FN Browning, qui compte parmi ses filiales FN Herstal, salue sa nomination parmi les candidats au titre de Manager de l’Année. Davantage pour son entreprise que pour lui.
“C’est une opportunité de mettre en avant une industrie jusqu’à présent peu considérée, sourit-il. Avec l’évolution du contexte international, tout le monde se rend compte de l’importance d’avoir une défense forte en Europe. Et notre entreprise figure parmi les leaders mondiaux de son secteur.”
Le retour de la croissance
Il n’est pas si loin, le temps où FN Herstal était pointée du doigt pour des difficultés économiques ou des questions éthiques liées à son activité, la fabrication et la commercialisation d’armes. Le retour des tensions géopolitiques et l’agression russe en Ukraine ont modifié la donne. Désormais, FN Herstal assume son activité et son histoire. “Nous jouons un rôle clé dans la sécurité d’un État, insiste Julien Compère. Or, il n’y a pas de prospérité économique sans paix, pas de paix sans sécurité, pas de sécurité sans défense et pas de défense sans industrie de défense.”
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Depuis son arrivée à la tête du groupe FN Browning, le CEO a redressé les comptes, en particulier de FN Herstal, mais il a aussi ouvert les portes de l’entreprise, aux médias comme aux politiques. “Ce choix de la transparence est délibéré, assume-t-il. Nous voulons montrer que l’on peut être fier de ce que nous faisons, en respectant les réglementations. Les seules limites sont liées au fait que nous travaillons avec des États qui réclament de la discrétion. Dans un secteur très concurrentiel, nous veillons aussi à protéger nos secrets de fabrication. En dehors de cela, je ne vois pas de raison particulière pour laquelle nous ne pourrions pas expliquer ce que nous faisons.”
Avec lui, le groupe FN Browning et la FN Herstal regardent l’horizon avec davantage de confiance. “Les budgets de la défense sont en croissance dans de nombreux pays et, in fine, cela a un impact sur notre industrie, constate-t-il. Nous avons aujourd’hui une visibilité plus grande sur le court ou moyen terme, mais nous voulions aussi avoir une visibilité sur le long terme. C’est ce que la Belgique nous a apporté, avec un partenariat stratégique sur 20 ans qui nous permet, entre autres, de redevenir un munitionnaire complet (approuvé par le gouvernement fédéral fin 2023 pour 1,7 milliard, ndlr). “
Du pain bénit pour cette entreprise 100% wallonne. La Région est son unique actionnaire : une vertu ? “La Région wallonne a permis à l’entreprise d’être ce qu’elle est aujourd’hui, rétorque Julien Compère. Quand elle l’a reprise pour un franc symbolique en 1997, elle était quasiment en faillite. Aujourd’hui, la Région en perçoit des dividendes : cela prouve qu’il s’agissait d’un investissement pertinent. Si l’on veut faire de la réindustrialisation en Europe, il faut garder les centres de décision, a fortiori dans des activités stratégiques. Nous avons perdu trop de fleurons industriels ces trente dernières années. Dans le cas du groupe FN Browning, la Région a joué son rôle d’État stratège.”
“Un attachement sincère”
Ancien chef de cabinet du ministre wallon de l’Économie, Jean-Claude Marcourt (PS), CEO du CHU de Liège pendant la crise covid, Julien Compère voit “un fil conducteur” durant sa carrière : “avoir un impact sur le tissu économique de notre Région”. Pour en témoigner, il cite cette récente étude réalisée à sa demande par HEC Liège et démontrant que le groupe FN Browning fait vivre quelque 10.000 personnes en Belgique, tout en donnant de la consistance à un écosystème dynamique, tant en Wallonie qu’en Flandre.
“J’ai un attachement sincère à ces personnes qui font vivre l’industrie de la défense, dit Julien Compère. Je ne suis pas chasseur, je ne suis pas tireur, je n’avais pas d’affinité particulière par rapport aux armes, mais c’est un secteur de haute technologie. Si nous sommes leaders mondiaux dans ces secteurs-là, c’est notamment grâce aux investissements que nous effectuons dans l’innovation. Nos travailleurs développent des produits en sachant qu’ils serviront dans les conditions les plus difficiles. Une entreprise est avant tout le fruit des hommes et des femmes qui la composent.”
Le CEO de FN Browning se définit comme un “entraîneur d’équipe”, “à l’écoute”. Et s’il est évidemment celui qui décide en fin de compte, il sait l’importance d’être pédagogue. “L’important, c’est que vos équipes comprennent pourquoi vous avez tranché dans un sens ou dans un autre. C’est fondamental si vous voulez qu’elles vous suivent.”
“L’important, c’est que vos équipes comprennent pourquoi vous avez tranché dans un sens ou dans un autre.”
Julien Compère
CEO du groupe FN Browning
Trois défis majeurs
Les défis du secteur, analyse-t-il, sont de trois ordres. “Le premier défi, c’est de s’interroger sur les principales modifications technologiques auxquelles nous allons être confrontés. Je suis toujours frappé de voir que des entreprises, leaders dans leur secteur au niveau mondial comme Kodak, ont pu s’écrouler du jour au lendemain. Il faut toujours essayer d’anticiper ces changements. Le rapport Draghi a mis en évidence l’importance pour l’Europe de réinvestir davantage dans la R&D, ce que nous avons toujours veillé à faire à Herstal. Les entités du pôle défense de notre groupe, qui comprend FN Herstal, investissent aujourd’hui plus de 10% du chiffre d’affaires dans la recherche. Les gros investissements concernent notamment les développements software, l’application de l’intelligence artificielle à la reconnaissance d’images, que ce soit dans la lutte anti-drones ou dans la protection de certaines surfaces.” Innover, c’est l’ADN du groupe FN Browning et de ses filiales.
“Le deuxième défi, c’est de trouver les talents, prolonge le CEO. Comme toutes les entreprises, nous sortons du baby-boom, nous avons perdu des gens avec un grand historique de la maison et qu’il a fallu remplacer par des jeunes. Il s’agit de leur offrir un trajet de carrière et surtout du sens. C’est pour cela aussi que la transparence et la communication sont importantes. L’entreprise a parfois une image old school, alors que nous travaillons sur les technologies les plus modernes.”
Enfin, le troisième défi concerne le développement de l’entreprise. “Nous avons une demande plus importante qu’auparavant. Mais au-delà du court terme, nous devons aussi garder en permanence une vision à long terme. Car, à travers FN Browning et ses filiales, nous avons l’opportunité de contribuer à placer la Belgique au cœur de la stratégie de redéploiement de la défense européenne.” Dans un continent où la sécurité collective est en pleine incertitude, ce n’est pas la moindre de ses missions.
C.V.
• 1977. Naissance à Liège.
• 2003. Diplômé en droit (ULiège).
• 2004-2013. Conseiller, puis chef de cabinet du ministre wallon de l’Économie, Jean-Claude Marcourt (PS).
• 2013-2021. CEO du CHU de Liège.
• Depuis 2021. CEO de FN Browning Group et de sa filiale FN Herstal.
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