En un peu plus de 20 ans, Fabrice Brion a transformé sa société de maintenance prédictive industrielle en un leader mondial du secteur, affichant une croissance annuelle de 30 % et employant plus de 1.000 collaborateurs.
Toujours à la tête du groupe qu’il a cofondé avec Arnaud Stiévenart (qui reste actionnaire et administrateur) il y a un peu plus de 20 ans, Fabrice Brion (46 ans) peut se targuer d’avoir fait d’I-care une véritable success story entrepreneuriale en Wallonie. Spécialisée dans la maintenance prédictive industrielle, I-care s’est progressivement imposée comme leader mondial de son secteur. Prolongeant la vie des machines, elle a grandi au fil des années pour franchir, en juillet dernier, le cap symbolique des 1.000 collaborateurs, avec des ventes qui continuent de progresser rapidement.
Si le holding qui consolide les entreprises gravitant autour d’I-care fait état d’une augmentation des ventes à 74 millions, mais pour un résultat net toujours en perte de 8,2 millions d’euros, la filiale belge est par contre dans le vert. En 2024, le chiffre d’affaires a atteint environ 56 millions d’euros, contre 43 millions l’année précédente. Le résultat opérationnel et le résultat net sont désormais positifs.
“Chez I-care, explique Fabrice Brion, nous avons développé toute la technologie, du logiciel au matériel, en passant par les algorithmes d’intelligence artificielle qui rendent possible la maintenance prédictive. Ces développements ont nécessité des investissements considérables, près de 50 millions d’euros, et entraîné d’importantes pertes par le passé. Mais en 2024, la filiale belge, qui concentre toute la R&D, a généré davantage de bénéfices qu’en 21 années de pertes cumulées. Cela prouve que notre modèle fonctionne. C’est le principe même de la technologie : un investissement massif au départ, pour une rentabilité exceptionnelle une fois la solution arrivée à maturité. Compte tenu de ces critères, compenser 21 années de pertes en une seule année de bénéfices est une performance remarquable.”
Croissance folle
Basée à Mons, où elle réalise toute sa production, I-care affiche une croissance annuelle de l’ordre de 30%. Avec un chiffre d’affaires multiplié par 10 au cours des 10 dernières années et par deux sur les trois dernières, l’entreprise est aujourd’hui active dans 55 pays, avec une présence physique dans 16 d’entre eux. Chaque bureau dessert plusieurs marchés, assurant ainsi une couverture internationale étendue. Plus de la moitié du chiffre d’affaires d’I-care est désormais réalisée à l’étranger.
Mais Fabrice Brion ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Son ambition ? “Changer, dit-il, la façon dont le monde fonctionne”. Et ce, en rendant les industries plus fiables, plus durables et plus performantes. Pour y arriver, le manager entend à nouveau multiplier le chiffre d’affaires par 10 en 10 ans pour atteindre un milliard d’euros à l’horizon 2035. Un solide défi. “Cette ambition peut sembler démesurée selon une mentalité européenne, belge ou wallonne, mais elle paraît au contraire prudente pour un esprit américain ou asiatique. Nous essayons d’être à mi-chemin entre la prudence européenne et l’audace américaine”, avance l’entrepreneur wallon.
Grosse acquisition
Si I-care jouit d’une croissance organique annuelle assez phénoménale depuis de nombreuses années, elle a aussi procédé à plusieurs acquisitions en Belgique (Mecotec et Cepya Electronics en Wallonie et ARG EMEA en Flandre), mais également à l’étranger comme à Rotterdam (Dutch World-class Maintenance Group) ou aux États-Unis (Lindsay Engineering, Technical Associates of Charlotte et Allied Reliability). Sans oublier, au printemps de cette année, le rachat du spécialiste de la détection des pannes par ultrasons basé à Forest, SDT International.
“Une acquisition stratégique et hautement complémentaire, précise Fabrice Brion. I-care prédit les défaillances de machines industrielles à partir de mesures de vibrations, tandis que SDT le fait à partir d’ultrasons. Ensemble, nous couvrons un parc de machines beaucoup plus vaste et offrons une solution complète – un véritable “one stop shop” – à nos clients. SDT compte 35 collaborateurs et un réseau de distribution mondial, notamment au Canada, en Inde et au Moyen-Orient, où nous n’étions pas encore présents. Cette opération nous a permis de nous développer à la fois technologiquement et géographiquement.”
Une IPO?
L’avenir d’I-care devrait également passer par une introduction en Bourse. Une opération d’envergure qui vise à financer la croissance future mais qui a été reportée, faute de conditions favorables sur les marchés.
“Nous étions prêts, mais une IPO dépend à la fois de l’entreprise et des conditions de marché, indique l’entrepreneur wallon. Or, au printemps 2025, les marchés étaient trop volatils et imprévisibles. Nous avons donc préféré reporter plutôt que de risquer une mauvaise entrée en Bourse pour des raisons externes. Le conseil d’administration a décidé de ne pas la réaliser en 2025, mais de réévaluer la situation début 2026 pour un possible lancement en 2026 ou 2027. L’objectif est de lever environ 100 millions d’euros, ce qui représenterait à peu près 10% du capital. Si une entreprise vaut toujours ce qu’un investisseur est prêt à payer, le dernier tour de table, en 2024, valorisait déjà I-care autour de 800 millions d’euros, et la croissance enregistrée depuis laisse penser que nous approchons du milliard.”
Comme un pilote de Formule 1
Ingénieur électromécanicien de formation et passionné de Formule 1, le CEO d’I-care poursuit donc sa trajectoire à toute allure, mais en gardant l’humain au cœur du développement de son entreprise.
“La Formule 1 est un sport qui illustre parfaitement les valeurs que je défends et que je transmets chez I-care : la performance, la durabilité et le respect. La performance, parce qu’elle pousse à être le meilleur ; la durabilité, parce qu’il ne s’agit pas d’un exploit ponctuel, mais d’une excellence qui s’inscrit dans le temps ; et le respect, car sans lui, aucune réussite collective n’est possible – que ce soit entre concurrents, collaborateurs ou partenaires. Ces valeurs guident toutes nos décisions. La Formule 1 illustre bien aussi notre position vis-à-vis de l’introduction en Bourse : la voiture est prête, mais inutile de prendre le départ sous une pluie battante. Nous préférons attendre que la piste soit sèche pour livrer notre meilleure performance.”
“La Formule 1 est un sport qui illustre parfaitement les valeurs que je défends et que je transmets chez I-care : la performance, la durabilité et le respect.” – Fabrice Brion
Malgré les lourdeurs administratives et fiscales du pays, Fabrice Brion ne se sent donc pas freiné dans sa course. “Même si je pense que l’Europe manque cruellement de vision et d’ambition, dit-il, espérant que cela changera un jour, car notre continent mérite de retrouver une place forte dans le monde technologique”.
C.V.
• 2000 : Reliability engineer chez Emerson Process Management
• 2001 : Master of Engineering (M.Eng.) à la Haute École Louvain en Hainaut
• 2003 : Master in Innovative Management à l’École Polytechnique de Mons
• 2004 : Création d’I-care avec Arnaud Stiévenart
• De 2016 à 2025 : Huit acquisitions d’entreprises à travers le monde
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