Éric Trappier, PDG de Dassault: “Je ne vois pas pourquoi je donnerais du travail aux Belges aujourd’hui”

Le pdg de Dassault Aviation, Éric Trappier.
Le pdg de Dassault Aviation, Éric Trappier. © Getty Images
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Interrogé par les sénateurs français, le pdg de Dassault Aviation,  Éric Trappier, a été incisif quand on lui a demandé s’il envisageait d’élargir à d’autres pays que la France, l’Allemagne et l’Espagne l’accès au programme « Scaf » (système de combat aérien du futur).

La majorité des avions européens sont américains

« Dans le cadre du Scaf, il y a l’ambition que les avions européens travaillent entre eux, explique Éric Trappier. Mais comme la majorité des avions européens sont américains, la problématique se pose. C’est un vrai sujet et je ne sais pas y répondre. Dans ma jeunesse, ajoute-t-il,  quand je suis arrivé chez Dassault,  je suis rentré dans des groupes au sein de l’OTAN pour travailler à l’interopérabilité. C’était une bagarre très dure et constante, mais nous arrivions à imposer aux Américains le fait que : «si vous voulez que nous soyons vos alliés, vous devez ouvrir vos capacités à une interopérabilité». Et cela se faisait à l’époque. Cela s’est perdu. Il faudra y revenir et c’est un des grands sujets du futur. Et c’est pour cela que je ne vois pas bien l’intérêt de mettre davantage de pays qui ont fait le choix du F35 (chasseur américain fabriqué par Lockheed Martin et acheté par notre pays, NDLR) dans le Scaf. C’est mon côté restrictif ».

Le Scaf comprend non seulement un chasseur de nouvelle génération mais aussi un système d’armes de nouvelle génération qui fait par exemple que l’avion de combat sera accompagné de drones. Il devrait être opérationnel en 2040.

Il poursuit : « Pourquoi ferais-je de la place dans mes usines et dans mes bureaux d’études à des gens qui ont fait le choix du F 35 et à des sociétés que j’ai vues agir derrière leur gouvernement pour acheter du F 35 ? Je vais enlever de l’emploi de France pour le mettre dans des pays qui ont fait le choix d’acheter des F 35 ? Certains disent :  « oui mais grâce à cela, demain, j’achèterai européen ». Il n’y a que ceux qui le disent qui peuvent le croire. J’espère que personne n’est dupe. Ce n’est  pas parce qu’un pays entame une coopération technologique que demain il ne va pas acheter américain. »

« Si on me l’impose, je me battrais »

Dans l’argumentaire d’Éric Trappier, il y a quand même un hic : L’Allemagne a décidé elle aussi d’acheter des F35 ! «  Lorsque nous avons démarré le Scaf, les trois pays n’avaient pas acheté de F 35, observe  Éric Trappier,  mais depuis l’Allemagne l’a fait. Elle explique son achat parce qu’ elle est obligée par les Américains, pour être capable de tirer un armement nucléaire américain qui se trouve dans les mains du président américain, d’acheter des F 35 pour mener cette mission. Vous avez bien entendu. Je ne suis pas sûr que ce soit le concept français, je suis même sûr du contraire ».

Éric Trappier ne semble pas croire non plus beaucoup aux marché à l’exportation de ce système d’armes hypersophistiqué. « On peut penser que demain quand il y aura davantage d’Européens qui achèteront des avions et que si nous exportons davantage – si les Européens sont prêts à exporter – cela fera davantage de volumes de travail pour tous. Mais j’émets des réserves. Je ne suis donc pas en faveur d’un élargissement rapide. J’entends dire que l’on pourrait donner du travail aux sociétés belges tout de suite. Non, je ne suis je ne suis pas en faveur de cela. Si on me l’impose, je me battrais.  Je ne vois pas pourquoi je donnerais du travail aux Belges aujourd’hui ».

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