Danny Roosens dirige, depuis 40 ans, l’entreprise familiale qui fêtera son 120e anniversaire en 2026. Le contexte actuel lui laissait à penser que, sans changement de stratégie, son entreprise allait mourir. À l’aide d’un matériau révolutionnaire présenté officiellement cette année, il a entamé une mue innovante basée sur les cinq piliers de l’économie régénérative.
En Wallonie, l’entreprise Roosens Bétons est connue comme le loup blanc. Et pour cause, ses camions transportant le béton liquide sillonnent tout le territoire. Pourtant, ce béton liquide n’est qu’une partie des activités de l’entreprise créée en 1906 par Adolphe Vanbellingen et dirigée, depuis 1986 par Danny Roosens, son arrière-petit-fils. Il n’avait pas 20 ans quand il a pris les rênes de l’entreprise. Ou plutôt des deux entreprises : Roosens Bétons qui produit et commercialise le béton et Entreprises Roosens Services dans laquelle sont logées la logistique, la comptabilité ou encore l’IT. Au cours du temps, Danny Roosens a fortement développé les activités du groupe familial (avec, entre autres, la création de Besto Belgium, le pôle immobilier, et de Conforbeton pour le préfabriqué) qui, avec 100 collaborateurs, est devenu l’un des acteurs belges majeurs du secteur du béton.
“J’ai racheté les parts de mon frère il y a cinq ans suite à une longue réflexion conjointe, explique Danny Roosens (59 ans). Depuis deux ans, je fonctionne en binôme avec ma fille Julie. Avec un passage de relais à un horizon de cinq ans. La continuité de l’entreprise se construit aussi avec une future organisation mixte entre membres de la famille et collaborateurs responsables. En effet, inspirer, responsabiliser et guider, c’est essentiel pour réussir. Je suis entouré d’une dizaine de cadres qui ont toute ma confiance et toute autonomie pour faire tourner les différentes activités du groupe.”
Le Clayton, un nouveau matériau
L’an dernier, le groupe Roosens a enregistré un chiffre d’affaires cumulé (toutes les entreprises et participations) de 26,543 millions d’euros pour un Ebitda 2,147 millions et des fonds propres proches des 20 millions. Le groupe se porte bien mais…
“Les changements climatiques et environnementaux, le coût de nos produits sur un marché en pleine évolution et la pénurie de main-d’œuvre me laissaient croire que mon entreprise se mourait lentement, assène Danny Roosens. Malgré une approche réaliste entamée il y a une bonne dizaine d’années en termes d’émissions carbonées, il me manquait un déclic. Il est arrivé, entre autres grâce à ma fille, et nous a permis d’identifier une nouvelle stratégie axée sur les cinq piliers de l’économie régénérative : local, collaboratif, fonctionnel, circulaire et bio-inspiré.”
À la base de ce déclic se trouve aussi le Clayton, un nouveau matériau conçu par l’équipe R&D de Johnny Zschau et par Agostino Di Trapani, un ingénieur louviérois. Brevetée, cette première européenne en termes de maturité est une solution innovante qui ouvre bien des perspectives.
“C’est l’aboutissement de 15 ans de recherches acharnées, souligne Danny Roosens. Je n’ai jamais lâché et n’ai eu de cesse de soutenir les équipes de recherche. Cette solution va au-delà de la circularité traditionnelle. Le Clayton est un matériau issu de la déconstruction (75 % de terre cuite et 25 % de granulat béton) dans lequel on ne retrouve qu’un pour cent de ciment. Un procédé capte le CO2 lors du séchage de ce bloc de maçonnerie. Cette captation compense tout le cycle de vie du matériau : de la casse des déchets à sa remise en vie après une première utilisation. Cette remise en vie peut se répéter à l’infini.”
Avec le soutien du Roi
Le Clayton, qui permet de monter des murs porteurs jusqu’à 12 étages, est, en outre, moins cher que les matériaux classiques grâce à une maîtrise sur toute la chaîne. Via Besto Belgium, le groupe n’entend plus vendre un matériau mais proposer une offre qui inclut le montage et, en fin de vie, le démontage, la récupération de chaque pièce et leur remise à niveau à un coût défiant toute concurrence. Le projet Clayton est à son image : profondément collaboratif.
“J’envisage aussi de louer ces murs, confie Danny Roosens. Notre découverte doit profiter à la collectivité et on voit tout l’intérêt d’une location pour des bâtiments publics comme les écoles. À ce jour, j’ai un accord de partenariat avec l’entreprise Prefer qui, à Flémalle, va produire le Clayton le temps que je construise la première usine. Celle-ci représente un investissement de 15 millions d’euros pour arriver à produire 1.400 maisons/logements par an. Elle va récupérer 100.000 tonnes de déchets de construction qui viendront, par bateau, du nouveau centre de tri innovant développé à Farciennes par les groupes Wanty et Dufour. Quant à l’usine, j’aurais bien voulu l’installer à La Louvière pour faire plaisir au Roi mais il n’y a pas de terrain disponible près de la voie d’eau. Je vais donc la construire ici à Familleureux.”
Depuis le mois de décembre dernier, le roi Philippe multiplie, en effet, les visites de travail discrètes à La Louvière. Attaché à la ville, il stimule, en effet, des projets concrets liés à la rénovation de l’habitat, à l’économie circulaire et à l’emploi. Le Clayton a évidemment retenu son attention pour le rôle qu’il pourrait jouer dans ce redéploiement à vocation économique.
“Le Clayton offre l’opportunité unique de mettre au travail des gens peu formés mais aussi des jeunes que la construction peut rebuter.” – Danny Roosens
Remind Wallonia
Le Clayton cadre aussi parfaitement avec les objectifs de Remind Wallonia que préside Danny Roosens. Un autre projet à son image. Soutenu par la Région wallonne et l’Union européenne, il vise à faire de la Wallonie la Vallée Minérale de l’Europe du Nord et de l’Ouest à l’horizon 2030 via la mise en place d’un écosystème dédié à la circularité des matières minérales.
Sa soif de collaboration se remarque aussi via sa présence dans le rugby en tant que président du RC Soignies – le deuxième club belge du moment – et sa participation, en tant qu’actionnaire, à la folle aventure de Salvatore Curaba pour relancer le club de foot de La Louvière. Danny Roosens est un homme de réseaux qui aime partager son savoir-faire. On le retrouve ainsi très impliqué dans l’innovation, la circularité et la décarbonation industrielle de la Wallonie via des mandats dans les cleantechs hennuyères. Il s’implique aussi dans l’emploi des jeunes ou des publics difficiles.
La construction comme un jeu
“Avec le Clayton, je suis ravi d’ouvrir mon entreprise à d’autres profils, dit-il. Il n’est, en effet, plus question de maçons mais de monteurs/démonteurs. Avec la possibilité d’y intégrer l’IA via des lunettes connectées. C’est une opportunité unique de mettre au travail des gens peu formés mais aussi des jeunes que la construction peut rebuter mais qui, dans ce cas-ci, peut être vue comme un jeu. Via le Forem, nous venons de démarrer un test avec deux demandeurs d’emploi sans formation.”
Logiquement, on le retrouve aussi aux côtés de la ville de Tubize et de Duferco dans le projet Forge 5.0 qui vise à inventer les métiers de l’entreprise et de la ville de demain.
C.V.
• 1986 : devient administrateur délégué de Roosens Bétons SA et d’Entreprises Roosens Services SA
• 2001 : administrateur délégué de Conforbeton SA
• 2003 : administrateur délégué de Besto Belgium
• 2016-2023 : président de la CCI Hainaut et administrateur IDEA
• 2018 : prend la présidence du Rugby Club Soignies
• 2023 : président de Remind Wallonia et administrateur IMBC
• 2025 : président du CA du Decube Group
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