Daniel Kretinsky, le Bernard Tapie venu de l’Est

Daniel Kretinsky
Daniel Kretinsky © Getty
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Il rachète Atos, Casino ou Editis. On le surnomme “Citizen K.”, tant cet homme d’affaires d’origine tchèque dévore tout sur son passage. Amoureux des médias, du ballon rond, cette fortune venue de l’énergie fossile est, aussi, l’anti-Bolloré.

On le surnomme « Citizen K. », du nom de ce magnat de la presse entré dans la légende grâce au film d’Orson Welles. Daniel Kretinsky est partout, il veut racheter toutes les entreprises en difficulté, soutenir tous les secteurs en souffrance, mais jamais sans perdre le Nord.

Le milliardaire d’origine tchèque s’est invité au banquet des affaires françaises en 2018 et, depuis, il n’arrête plus : le voilà en passe de racheter le groupe français Atos, tout en étant impliqué dans le sauvetage des supermarchés Casino et après avoir conclu une promesse d’achat avec Vivendi pour l’acquisition de 100% du groupe d’édition Editis (Plon, Les Presses de la cité, Robert Laffont, Lonely Planet…).

C’est un peu le Bernard Tapie des années 2020. A 48 ans, son sens des affaires inné le mène à saisir toutes les opportunités, en s’autoproclamant défenseur de la presse : il est actionnaire du Monde, de Marianne et de TF1, notamment. Comme Bernard Tapie, il déclare haut et fort son amour du ballon rond : il est propriétaire du Sparta Prague, actionnaire de West Ham et rêverait de reprendre le légendaire AS Saint-Etienne, dont le principal sponsor est… Casino.

Un empire né de l’énergie fossile

L’adolescent né voici 48 ans à Brno, en République tchèque, aurait-il pu rêver d’une telle destinée ? Peut-être. Comme le rappelle Le Point, dans un long portrait qu’il lui a consacré, le jeune Daniel né dans une Europe de l’Est en pleine mutation avec la chute du Rideau de fer. Ses parents – une mère juge à la cour constitutionnelle et un père professeur d’informatique – sont francophiles. Ils l’envoient réaliser une partie de ses études de droit à Dijon, en France. Où il découvre, ébahi, la société de consommation. « Gamin, je mettais parfois deux heures pour acheter quelques fruits, en tournant dans quatre magasins », déclarait-il au magazine.

Il commence sa carrière en tant qu’avocat, avant d’être embauché au sein du groupe financier J&T. C’est le début d’une ascension ultra-rapide grâce… au énergies fossiles. Daniel Kretinsky mise sur le gaz et le charbon. A la tête de son holding EHP, il réalise notamment l’acquisition d’une partie d’Eustream, un gazoduc slovaque qui transite depuis la Russie vers l’Europe de l’Ouest. En France, il rachète en 2019 les centrales de charbon de Saint-Avold (Moselle) et de Gardanne (Bouches-du-Rhône). Un fameux pari… qui s’avèrera gagnant avec la crise de l’énergie et la relance de ces monstres du passé qui devaient inéluctablement fermer. On le surnomme aussi « l’empereur du charbon ».

EPH est devenue, au fil du temps, la première entreprise tchèque en termes de chiffre d’affaires, devant le constructeur automobile Skoda. Quant à la fortune de Daniel Kretinsky, elle s’élèverait aujourd’hui à 9,4 milliards de dollars (8,54 milliards d’euros), selon Forbes.

L’anti-Bolloré des médias

Là où Vincent Bolloré tente de modifier le paysage médiatique au profit de la droite radicale, Daniel Kretinsky est davantage un partisan de l’actuel président français, Emmanuel Macron. En 2018, lui qui est aussi le propriétaire du tabloïd le plus lu en République tchèque rachète au groupe Lagardère Active plusieurs grandes publications (Elle, Télé 7 jours, Version Fémina, Public, France Dimanche), ainsi que ses stations de radio.

Puis, il rachète l’hebdomadaire Marianne. Mais il fait surtout parler de lui quand il tente de prendre la main sur le mythique journal Le Monde : s’il en est bien actionnaire indépendant, il ne peut le contrôler devant la levée de boucliers des salariés. Qu’importe, il poursuit sa croisade, renfloue Libération, entre au capital de TF1. Comme Tapie avant lui, il a les médias dans le sang.

Au secours de la distribution

On n’arrête pas « Citizen K. » Alors, quand la grande distribution est malade, il se penche à son chevet, lui qui est déjà à la tête de Sainbury’s au Royaume-Uni et de Métro en Allemagne. Quoi de plus naturel, dès lors, que de s’inviter au rachat de Casino, après être déjà devenu le premier actionnaire du groupe Fnac Darty. Comme une revanche du sort pour le jeune adolescent qui découvrait avec envie le paradis occidental de la consommation.

Où s’arrêtera-t-il ? Difficile de le dire. Le voilà en train de profiter de « l’aubaine » Atos. Le groupe de 110.000 salariés est confronté, depuis le départ de son PDG Thierry Breton pour la Commission européenne en 2019, à une vertigineuse chute de sa valorisation et à des mauvais résultats commerciaux et financiers. Mais c’est une porte d’entrée, après restructuration, vers le domaine de l’informatique et… de l’intelligence artificielle.

Et dire qu’à son arrivée en France, certains se demandaient s’il n’était pas… un agent secret aux soldes de la Russie.

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