Condamnés avant d’être jugés
Devenus malgré eux des figures médiatiques tantôt encensées tantôt montrées du doigt, les responsables d’entreprises ne sont plus à l’abri des polémiques. Comment peuvent-ils y faire face? Trends-Tendances s’attarde notamment sur l’affaire Dragone, les remous de la FN et interroge une spécialiste de la communication de crise. A découvrir cette semaine en librairie.
Les CEO sont devenus, de plein gré ou malgré eux, des figures médiatiques. On loue leur succès et on vante leur esprit d’entreprise, ou au contraire, on pointe du doigt leurs pratiques peu louables en dénonçant leur appât du gain.
A l’image des politiques, on leur demande des comptes, on dénonce les affaires dans lesquelles ils sont impliqués, judiciairement condamnables ou moralement répréhensibles. Dans la presse, ce sont des acteurs que l’on n’épargne pas. Condamnés, avant d’être jugés.
Les CEO tremblent sur leur piédestal, conscients que leurs faits et gestes, avérés ou non, peuvent désormais faire déraper leur activité de jour au lendemain. Tous préparent leur communication de crise, au cas où… Les conseils d’administration ou les politiques qui les contrôlent ne font plus dans la nuance, sensibles à des réseaux sociaux transformés en tribunaux de notre époque désorientée.
“Les règles de procédure sont quand même d’abord là pour protéger ceux qui ne sont coupables de rien, non?”
L’affaire Franco Dragone restera, pour nombre d’entre eux, un traumatisme. Le 13 janvier 2023, l’artiste et entrepreneur, qui s’est fait un nom avec le Cirque du Soleil au Canada avant de créer des spectacles mondialement salués à partir de La Louvière, est blanchi par la justice. A titre posthume: il est décédé un peu plus de trois mois auparavant, sans savoir que l’ordonnance rédigée par le tribunal de première instance de Mons est très critique à l’égard des enquêteurs.
“Cette affaire fut d’une violence extrême! s’indigne Michèle Hirsch, l’avocate pénaliste réputée qui a accompagné Franco Dragone durant presque toute la procédure. C’est le résultat d’un dysfonctionnement majeur de la justice, accompagné d’une manipulation médiatique. Je suis reconnaissante du fait que la présidente du tribunal a fini par nommer les choses, mais c’est trop tard. Il y a eu une présomption de culpabilité et les conséquences de tout cela ont été très ancrées dans la réalité. C’était invivable pour Franco Dragone: économiquement, psychiquement, au niveau de sa santé… Or, les règles de procédure sont quand même d’abord là pour protéger ceux qui ne sont coupables de rien, non?”
Dans le dossier que nous vous proposons, l’avocate expose les leçons qu’elle tire de ce calvaire. Pour éviter que cela ne se reproduise.au lendemain.
“D’une violence extrême”
Si la démission de trois administrateurs de la FN à Herstal réclamée par le gouvernement wallon n’est pas de la même nature dramatique, elle serait aussi de nature à porter préjudice aux personnes visées. Du moins est-ce le sentiment que nous exprime Laurent Levaux, président du Comité d’audit de la FN, qui en plus d’avoir été “sauveur” de Nethys est surtout et toujours CEO d’Aviapartner.
“Si le but est de décourager des industriels entrepreneurs, en charge de grandes entreprises et qui font le choix de s’investir pour aider la Région wallonne, continuons comme cela”, s’indigne-t-il.
Dans les cercles d’affaires, les craintes se multiplient à ce sujet. C’est un CEO qui répond à 300 questions envoyées par un journal avant de faire l’objet d’un “feuilleton” qui ne l’épargne pas. C’est un autre à qui l’on demande d’accepter dans son contrat une clause lui imposant de démissionner en cas de révélation médiatique. Ce sont encore plusieurs autres à qui l’on reproche des conflits d’intérêt.
“J’ai vu des gens avec des responsabilités importantes, ultra-compétentes, ultra-investies, littéralement anéanties.”
“J’ai été amenée à accompagner beaucoup de personnalités dans des situations de crise et je peux vous dire que c’est extrêmement dur à vivre, nous confie Ermeline Gosselin, cofondatrice de l’agence de communication Gosselin & de Walque. Une fois mise en route, la machine médiatique peut broyer des individus. Dans certains cas, cet effet d’emballement crée un rouleau compresseur. Face à ça, j’ai vu des gens avec des responsabilités importantes, ultra-compétentes, ultra-investies, littéralement anéanties, qui ne savaient plus comment réagir.”
Sans préjuger du fond des dossiers, Trends-Tendances s’attarde sur une évolution qui préoccupe fortement le monde de l’entreprise. Conseils et propositions de réformes à la clé.
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