Depuis la sortie de la pandémie, l’intérim management et le freelancing ont le vent en poupe en Belgique. Ils sont une solution élégante à la pénurie de talents et au besoin criant de compétences dans certains domaines clés comme la transformation digitale. Ce n’est donc pas une surprise si Malt, la plateforme paneuropéenne de freelancing, explose chez nous.
Créée en 2013 en France par Vincent Huguet, Malt est devenue, en un peu plus de 10 ans, la plateforme leader du freelancing en Europe. Présente dans neuf pays dont la Belgique, elle met désormais en relation 850.000 freelances avec 90.000 entreprises.
Soutenue par des poids lourds de l’investissement comme Serena, Eurazeo et Goldman Sachs Asset Management, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 800 millions d’euros l’an dernier. Soit une folle croissance de 30% sur un an qui témoigne de la poussée majeure du freelancing et de l’intérim management dans nos contrées.
Les ambitions pour 2025 sont du même tonneau : une croissance de 30% pour dépasser le million de freelances et le milliard d’euros de chiffre d’affaires et atteindre une rentabilité dans l’ensemble du groupe.
Trois ans en Belgique
Malt a débarqué chez nous (son siège est situé avenue Louise à Bruxelles) en janvier 2022. En l’espace de trois ans, elle s’est bâti un réseau de 24.000 freelances belges et de 1.000 entreprises. Et non des moindres : Solvay, Syensqo, la BNB, Puratos, Lyreco, la Lorraine Bakery Group, Ontex, Proximus, la Commission européenne, etc.
Après une croissance de 30% en 2023, la plateforme a réitéré l’exploit l’an dernier et a engrangé un chiffre d’affaires de 32 millions d’euros dans notre pays, alors que 61.000 jours ont été facturés par les freelances en 2024. Et 2025 s’annonce du même bois avec déjà 25 millions d’euros de contrats réservés et un chiffre d’affaires de 8,9 millions au premier trimestre.
Malt n’est pas un job board
Pourquoi un tel succès ? Malt repose sur un business model original. “Nous ne sommes pas un job board, assène Malik Azzouzi, general manager Benelux de Malt. Le freelance ne répond pas à une annonce et l’entreprise ne dépose aucune offre d’emploi. Une entreprise qui fait appel à nos services reçoit l’accès à notre outil de matching sophistiqué et basé sur l’IA pour trouver le profil qui correspond le mieux à sa recherche. Le freelance n’a donc rien à faire. Il sera contacté s’il est l’heureux élu. Rien à faire, en fait, ce n’est pas juste. Vu la finesse de l’outil, il est crucial qu’il renseigne exactement ses compétences, son expérience et les choses qu’il a accomplies. Notre outil est de plus en plus performant.”
Pourquoi la plateforme n’est-elle pas un job board ? “Parce que nous ne voulons pas de guerre des prix entre les freelances comme on le voit parfois ailleurs. Le coût d’un freelance ne doit pas être optimisé. Nous prenons son parti. Il n’a pas à baisser ses prix. D’un autre côté, nous veillons à ce qu’en fonction du budget qu’il a prévu, l’employeur reçoive le meilleur expert possible.”
Ni Smart, ni intérim
Le modèle de Malt est très simple : il se rémunère via une commission ajoutée au prix fixé par le freelance via un pourcentage précisé à l’avance. En Belgique, Malt s’est lancée en s’intéressant très majoritairement aux grands comptes avec lesquels elle signe des contrats-cadres pour des missions souvent de longue durée.
“Entre l’intérim traditionnel très axé sur la production et l’opérationnel et le conseil/audit, il y a une place pour Malt, confie Malik Azzouzi. Nous donnons accès aux grands comptes au freelancing pour répondre à leurs besoins. Malt est une banque pour les freelances. À la fin du mois, quand le client valide le timesheet, nous payons le prestataire sans traîner avant de récupérer l’argent chez le client. Le freelance est donc payé dans des délais rapides qui n’ont rien à voir avec les 30 ou 60 jours fin de mois. Logiquement, il y a donc incompatibilité entre le modèle de Smart et le nôtre. Un freelance inscrit chez eux ne peut pas venir chez nous. Et contrairement à l’intérim, nous ne sommes jamais l’employeur.”
Mais quels sont donc ces 24.000 freelances belges qui se sont inscrits sur Malt ? Sans surprise, près de 6.000 sont des experts de la tech (IA, data, SEO, etc.) et des développeurs. Ce sont eux qui permettent la folle croissance de la plateforme tant les besoins des entreprises en transformation digitale sont énormes. Un nombre quasi identique de personnes sont issues du marketing au sens large. Près de 4.000 sont des journalistes, des copywriters, des designers et des communicants. Les profils liés au conseil et l’audit sont quasi aussi nombreux.
Placer des intérim experts
On le voit, Malt est surtout active pour placer ce que le milieu RH appelle des intérim experts. Des profils qui acceptent des missions sur base du projet en monnayant leur talent au prix qu’ils entendent tout en gardant leur liberté. Un phénomène qui, de nos jours, intéresse des profils de plus en plus jeunes qui apprécient la variété des missions et des secteurs et la dimension bien-être qu’il apporte (on peut travailler à temps partiel ou faire des pauses entre les missions).
“Nous ne sommes en Belgique que depuis trois ans, conclut Malik Azzouzi. Nous ne faisons donc encore que gratter la surface. Le potentiel de croissance est énorme puisque, comme vous le signalez, le freelancing au sens large est en plein boom. Il y a une véritable appétence en Belgique pour des solutions agiles et flexibles dans un climat économique compliqué et un marché du travail tendu.
Dans un rapport récent, Goldman Sachs comparait le freelancing au cloud. Au début, le cloud n’était utilisé que temporairement ou pour certains projets. Aujourd’hui, il est incontournable et structurel. Il va arriver la même chose au freelancing. Aujourd’hui, il est encore géré par les achats et les RH s’occupent des employés. C’est une distinction qui, parfois, fait sens au niveau budgétaire. Je suis intimement persuadé que la solution agile et idéale est une gestion complète des talents par les RH. Mais avec un mix d’employés et de freelances au gré des besoins, des missions et des projets. Malt a aussi pour vocation d’accompagner les entreprises dans cette transformation-là.”
Division Strategy
Il y a une bonne dizaine d’années, les grandes entreprises ne savaient pas ce qu’était un freelance. Aujourd’hui, non seulement, ce n’est plus un sujet, mais le freelancing répond aux aspirations des jeunes générations. Des jeunes qui n’ont pas forcément envie de devenir manager.
Signalons encore que Malt dispose aussi d’une division Strategy. C’est la seule partie de la plateforme qui ne soit pas ouverte à tous. La candidature de ces freelances-là doit être validée. Et pour cause, il s’agit de profils de haut niveau destinés à des missions hautement stratégiques de consultance ou d’intérim managers. Ils sont au nombre de 20.000 environ sur les 850.000 freelances enregistrés sur Malt. On y trouve des anciens de chez McKinsey, de Bain ou EY ainsi que d’anciens membres de C-Suite.
Le freelancing répond aux aspirations des jeunes générations qui n’ont pas forcément envie de devenir manager.