Malgré le conflit en Ukraine, très peu d’entreprises européennes ont quitté la Russie (infographies)
Au début du conflit en Ukraine, plusieurs firmes occidentales ont annoncé vouloir rompre tous liens commerciaux avec la Russie. Un an plus tard, moins de 9% des entreprises occidentales se sont effectivement retirées de la Russie.
Acte de protestation ou simple moyen d’échapper au revers des sanctions, plusieurs entreprises occidentales avaient annoncé début de l’année dernière leur volonté de fermer leurs commerces et d’arrêter leurs centres de production en Russie. En mars 2022, The Coca-Cola Company annonçait notamment suspendre ses opérations en Russie. Après plus de 10 ans de présence dans le pays, IKEA avait lui aussi décidé de liquider sa filiale russe, IKEA Dom, et de fermer ses magasins. Une tendance qui a rapidement pris de l’ampleur parmi les grandes marques telles que H&M, Renault ou encore McDo…
Une fuite massive? Pas si sûr… Selon une étude réalisée par deux économistes suisses, moins de 9% des entreprises occidentales ont cédé leurs filiales russes et quitté le pays. En poursuivant leurs activités en Russie, ces entreprises se heurtent pourtant à deux problèmes de taille:
- Les sanctions européennes prises contre la Russie pourraient se retourner contre elles. Les entreprises exportatrices vers la Russie risquent en effet de ne pas être payées puisque l’argent ne peut pas sortir du pays, aujourd’hui coupé du système bancaire international.
- Les entreprises prennent un risque réputationnel: outre leur image, c’est aussi leur survie en bourse qui pourrait être impacté.
Mais comment expliquer l’origine de ce pourcentage, qui semble si faible, alors que de grands noms du monde des affaires semblent s’être bel et bien retirés de Russie?
120 entreprises en moins
Avant toute chose, petit retour en arrière pour faire l’État des lieux du nombre d’entreprises occidentales présentes en Russie au moment de l’invasion de l’Ukraine. En février 2022, un total de 2405 filiales détenues par 1404 entreprises de l’UE et du G7 étaient actives en Russie. L’équipe de chercheurs, menée par Simon Evenett (Université de Saint-Gall) et Niccolo Pisani (école de commerce IMD), a ensuite vérifié combien de ces entreprises avaient entièrement cédé au moins une de leurs filiales russes à la fin novembre 2022.
Pour ce faire, ils ont utilisé la base de données ORBIS, qui rassemble des informations détaillées sur plus de 400 millions d’entreprises (publiques et privées) à travers le monde. De cette base de données, 36.000 entreprises ayant des activités en Russie ont été extraites. Une fois les entreprises appartenant à la Russie éliminées, il restait 3444 filiales de sociétés étrangères, dont 2405 appartenaient à des sociétés situées dans des pays membres du G7 ou de l’UE.
Leur constat: à la fin du mois de novembre 2022, un total de 120 entreprises sur les 1404 présentes au départ avaient effectivement quitté le pays, soit 8,5%. En terme de valeur, on pourrait croire que ces 8,5% constituent la part du lion des investissements occidentaux en Russie. “C’est loin d’être le cas”, précisent les chercheurs. Il ne s’agit que de
- 6,5% du bénéfice total avant impôt de toutes les entreprises de l’UE et du G7 présentes en Russie,
- 8,6% des immobilisations corporelles (terrains, constructions, matériels, mobilier… détenus par une entreprise),
- 8,6% du total des actifs,
- 10,4% des recettes d’exploitation (l’ensemble des revenus générés par une activité industrielle, commerciale ou de service),
- et 15,3% du total des employés.
Les entreprises qui ont cessé leurs activités en Russie ne constituent donc qu’une faible part de l’empreinte des entreprises occidentales en Russie. En d’autres termes, l’écrasante majorité des entreprises de l’UE et du G7 présentes en Russie continuent d’y exercer leurs activités et d’investir de l’argent.
Une majorité d’entreprises américaines ont quitté la Russie
Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, ce sont majoritairement des entreprises américaines et, dans une moindre mesure, finlandaises qui ont participé à cet “exode”. Une donnée à relativiser cependant, puisque les recherches ont montré que moins de 18% des filiales américaines de ces entreprises ont effectivement quitté le territoire. En d’autres termes, moins d’une entreprise sur cinq a arrêté ou cédé la totalité de ses activités.
Et en Europe? Outre la Finlande, la Grande-Bretagne et la France figurent en tête du classement des entreprises qui ont quitté la Russie. Là encore, ces résultats sont à prendre avec des pincettes puisque ces États possèdent encore un certains nombres d’entreprises actives en Russie. Du côté des mauvais élèves, l’Italie et l’Allemagne se démarquent tout particulièrement. Des résultats qui remettent donc en question le récit selon lequel il existe un vaste exode des entreprises occidentales quittant le marché russe.
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