Il y a près d’un an, Jaguar levait le voile sur sa nouvelle identité visuelle. Un rebranding audacieux censé offrir à la marque une trajectoire aussi élégante que résolument tournée vers l’avenir. Pourtant, cette opération de repositionnement s’est surtout traduite, jusqu’à présent, par un enchaînement de complications.
Bien avant même le lancement officiel de cette campagne de communication, le constructeur britannique de véhicules haut de gamme — autrefois considéré comme un rival sérieux de Mercedes-Benz et BMW — était déjà fragilisé par de multiples difficultés : instabilité managériale, recul des ventes dû à une gamme vieillissante, et pression accrue de la concurrence. Une concurrence venue non seulement des marques premium historiques, mais aussi de nouveaux acteurs comme Tesla, qui redéfinissent les standards du marché.
Aujourd’hui, deux nouvelles ombres viennent s’ajouter au tableau : des accusations de communication trompeuse sur les chiffres de vente, et une attaque frontale venue de la droite politique américaine, notamment de la part du président Donald Trump, qui s’en est pris directement à la marque dans l’un de ses récents discours.
Publicité honteuse
Il est vrai que, comme le décrivait Frédéric Brébant de Trends-Tendances, dans la vidéo (lunaire) de l’an passé, « huit personnes à l’esthétique non binaire déambulent pour ‘‘bousculer l’ordinaire’’ (sic), drapées de tenues flashy (du jaune, du rouge, du rose et de l’orange), comme si elles – pardon i.elles – étaient sorties d’un mauvais film de science-fiction. Cerise sur le gâteau de la nouvelle branchitude woke: pas une seule trace de voiture dans cette pub d’un genre nouveau! Seul le logo revisité de la marque apparaît au final, beaucoup plus rond que l’original et sans le fameux félin bondissant qui a pourtant fait la renommée de la marque.»

En début de semaine, Donald Trump s’en est pris à Jaguar, qu’il a accusé d’avoir lancé une campagne publicitaire « stupide » et « sérieusement WOKE » l’an dernier. « Qui a envie d’acheter une Jaguar après avoir vu cette publicité honteuse ? », a lancé Trump sur Truth Social. « La destruction de capitalisation boursière a été sans précédent, avec DES MILLIARDS DE DOLLARS SI STUPIDEMENT PERDUS. »
Mais la réalité est toute autre, selon CNN.
Faux sur toute la ligne
Jaguar Land Rover appartient à Tata Motors depuis 2008, date à laquelle le groupe indien l’a rachetée à Ford. Jaguar n’a donc pas de capitalisation boursière propre. Quant à Tata, il se porte bien : le conglomérat multinational est actif dans divers secteurs et sa valorisation avoisine les 28 milliards de dollars.
Les difficultés de Jaguar sont en réalité d’ordre structurel, souligne le média américain. Alors que la plupart des constructeurs historiques tentent d’opérer une transition progressive vers l’électrification, Jaguar a choisi une stratégie radicale : cesser entièrement la production de véhicules en 2024 et retirer tous ses modèles du marché, le temps de se réinventer comme fabricant de voitures électriques.
ll n’en a pas fallu davantage pour que l’opinion publique y voie un véritable naufrage. Le mois dernier, plusieurs médias ont rapporté une chute spectaculaire de 97,5 % des ventes européennes de Jaguar en avril, comparé à la même période l’année précédente, selon les données de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA).
Un effondrement qui, en réalité, s’explique aisément : la marque a tout simplement suspendu sa production, rendant la baisse parfaitement logique et conjoncturelle. Mais cette nuance n’a pas suffi à calmer les esprits. L’annonce a déclenché la fureur de Donald Trump et d’une frange du camp conservateur, prompts à y voir une nouvelle preuve de déclin industriel ou de mauvaise gestion.
Pour l’heure, Jaguar n’a fourni aucun calendrier officiel concernant la reprise de ses lignes de production, alimentant davantage encore les spéculations.