Lutte contre le sexisme en entreprise: un outil innovant veut faire bouger les lignes

Dans un contexte où la féminisation des instances dirigeantes reste un défi majeur, une société française a développé un outil innovant. Ce test mesure les biais conscients et inconscients liés au genre. Il permet aux entreprises de prendre des décisions éclairées pour promouvoir plus de mixité dans leurs organisations.

Le sexisme en entreprise est toujours pregnant. Un nouvel outil, le LeadTogether Scoring, vise à faire évoluer les mentalités dans la lutte contre les stéréotypes de genre en entreprise. Développé par la société française LeadTogether, il repose sur des recherches scientifiques poussées. Parmi elles, le test d’association implicite développé par des scientifiques appartenant à plusieurs universités américaines, dont celle d’Harvard (lire aussi l’encadré ci-dessous). Ce test identifie des biais inconscients à travers des associations rapides entre des mots liés à la capacité de diriger et des noms masculins ou féminins.

Comprendre les biais pour mieux les surmonter

« Nous avons adapté ce test à la question du pouvoir et du leadership. Cela permet de mesurer l’adéquation entre femmes, hommes et leadership de manière inconsciente », explique à Trends Tendances Fabienne Alamelou Michaille, CEO de la société LeadTogether. Elle est aussi coauteure de l’ouvrage “Des Femmes et Hommes, et pouvoir en partage” (Actes Sud) avec Bertrand Badré, ex-directeur général de la Banque Mondiale.

En analysant les réponses des participants, l’outil mesure quatre indicateurs clés. L’association automatique des hommes au leadership, le sexisme bienveillant (qui suppose que les femmes ont besoin de protection ou d’accompagnement), le sexisme pro-masculin (les stéréotypes traditionnels associent aux femmes des qualités émotionnelles jugées incompatibles avec le leadership). Enfin, le sexisme moderne, qui minimise les inégalités en affirmant que les femmes disposent déjà des mêmes opportunités.

Une méthode « non culpabilisante »

L’approche se distingue par sa volonté de « sensibiliser sans culpabiliser », selon son initiatrice. « Il ne s’agit pas de pointer du doigt les individus, mais d’accompagner les équipes dans une prise de conscience collective », stipule Fabienne Alamelou Michaille. Les résultats, anonymes et confidentiels, sont ensuite présentés lors d’ateliers interactifs. “Ces sessions permettent de décrypter les biais révélés, de favoriser les prises de conscience et d’identifier des actions concrètes pour améliorer l’accès des femmes à des postes décisionnels”, commente la spécialiste. Elle vient de démarrer un doctorat sur les stéréotypes de genre et leur impact au sein des entreprises. Cette carrière mixte lui permet de s’appuyer sur ses recherches pour enrichir son accompagnement sur le terrain.

Des résultats concrets contre le sexisme

Des grandes entreprises comme Vinci Energies utilisent déjà le test en interne pour initier un changement profond. « Après les premiers ateliers, une dynamique s’est mise en place. Les niveaux de direction intermédiaires ont voulu eux aussi participer. Cela a déclenché une véritable transformation en cascade », observe Fabienne Alamelou Michaille. Ce qui montre que l’implication des dirigeants est cruciale pour faire évoluer les mentalités dans toutes les strates de l’organisation.

Un outil transposable à l’international

Actuellement principalement déployé en France, le LeadTogether Scoring s’adapte à divers contextes culturels. Des tests réalisés avec des participants d’Amérique du Sud et d’Afrique démontrent que les stéréotypes de genre sont universels dans les structures de pouvoir. « Que ce soit en Europe, en Amérique ou en Afrique, les mécanismes liés aux stéréotypes dans les sphères de pouvoir sont très similaires. Cela prouve que cet outil peut être utile à l’échelle internationale », précise sa fondatrice.

En identifiant les biais et en engageant les équipes dirigeantes dans une réflexion collective, LeadTogether ambitionne de contribuer à une culture d’entreprise plus inclusive. “Nous devons construire une entreprise pérenne et profitable ensemble, femmes et hommes, dans le respect de chaque histoire individuelle », plaide Fabienne Alamelou Michaille.

Encourager un changement durable

En Belgique, la loi du 28 juillet 2011 impose une présence d’au moins un tiers (33 %) de chaque sexe au sein des conseils d’administration des entreprises publiques autonomes, des sociétés cotées en bourse et de la Loterie Nationale. Cette législation vise à garantir une représentation équilibrée des genres dans les instances dirigeantes.

En France, la loi Copé-Zimmermann de 2011, va un peu plus loin. Elle impose aux entreprises cotées et à celles de plus de 250 salariés (ou réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros) un quota de 40 % de femmes dans leurs conseils d’administration et de surveillance. De plus, la loi du 24 décembre 2021, dite Loi Rixain, vise à accélérer l’égalité économique et professionnelle. Elle impose aux entreprises de plus de 1 000 salariés des quotas de 30 % de femmes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes d’ici 2027, puis 40 % en 2030. Ce cadre législatif pousse les organisations à agir rapidement. « Les quotas ont un effet indéniable : ils créent des rôles-modèles et accélèrent la transformation. Même si certains les perçoivent comme de l’habillage, ils restent essentiels pour changer les mentalités », insiste la CEO de LeadTogether.

Une méthode permettant d’étudier les associations d’idées automatiques

En psychologie sociale, le test d’association implicite ou TAI (ou implicit-association test abrégé IAT) est une méthode permettant d’étudier les associations d’idées automatiques, souvent inconscientes et présentes dans la mémoire implicite. Introduite par Greenwald, McGhee et Schwartz en 1998, elle est notamment utilisée pour mesurer les stéréotypes racistes ou sexistes d’un individu. Elle vise à expliquer et théoriser des phénomènes psychiques ou comportementaux causés tout ou partie par de telles associations.

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