L’amitié est-elle en passe de devenir un service comme un autre ? Après la France, où la plateforme Urfriendly propose de « louer un ami », la Belgique pourrait bientôt voir arriver ce concept atypique qui soulève autant d’espoirs que de critiques.
“Louer” un ami pour une balade, une sortie au musée, un restaurant, une soirée, ou simplement une conversation : le concept originaire du Japon est déjà bien installée outre-Atlantique, notamment via la plateforme RentAFriend. Il fait désormais son chemin en Europe.
En France, le site Urfriendly propose depuis 2023 ce service inédit, actuellement uniquement sur Paris et en région parisienne. La plateforme propose de « louer un ami » pour quelques heures, selon les affinités et les activités de loisir recherchées pour une dizaine d’euros. « Sans les contraintes de l’engagement à long terme », précise le site. Et « de façon strictement platonique, sans connotation romantique ou sexuelle » insiste son fondateur, Oliver Génicot.
Le poids de la solitude
La cible : les personnes qui ressentent de la solitude, et notamment les personnes âgées. La location de cette présence humaine « sur mesure » est fixée à 20 euros de l’heure. Autre service proposé : un ami de location qui peut aider à se sentir plus à l’aise et à s’intégrer plus facilement dans un groupe ou lors d’une soirée. La plateforme affiche comme ambition de vouloir « rendre l’amitié accessible à tous », en partant du constat que beaucoup de personnes traversent des périodes de solitude ou de déconnexion y compris dans nos sociétés hyperconnectées. D’après son fondateur interviewé par le magazine français Society, les utilisateurs ont entre 30 et 50 ans, majoritairement des profils socio-économiques élevés.
UrFriendly n’est actuellement disponible qu’en France. Mais, la Belgique présente un terrain propice à l’expansion de ce type de service. Selon le rapport BELHEALTH de Sciensano (juin 2024) : 55% des adultes belges ressentiraient une solitude modérée à sévère, dont 23% souffrant de solitude sévère. En outre, les données de Statbel pour le troisième trimestre 2024 montrent que 6,7% des Belges déclarent se sentir seuls “tout le temps ou la plupart du temps“, un taux en légère baisse mais toujours élevé, avec les personnes vivant seules comme les plus impactées (11,3%), rapporte la RTBF.
Pas encore de solution belge
Des utilisateurs belges sont actifs sur RentAFriend mais aucun service de « location d’amis » n’existe à ce jour dans le pays. Le cadre juridique reste flou, souligne SoSoir. Selon une psychothérapeute interrogée par le média francophone, si ce type de service se développait, il faudrait l’encadrer pour éviter les dérives, en incluant par exemple une formation des « amis loués » sur l’impact psychologique de leur rôle, tout en rappelant qu’il ne remplace pas de véritables relations.
La pratique soulève de nombreuses questions. Peut-on réellement appeler « amitié » une relation tarifée, ponctuelle, dénuée de réciprocité ? Certains psychologues y voient une « béquille sociale », permettant à des personnes isolées de maintenir un minimum de lien. D’autres dénoncent une perversion du concept même d’amitié, réduite à une prestation de service. Le risque est aussi d’encourager des dérives : absence de contrôle, sécurité insuffisante, faux profils…
Des solutions gratuites ou solidaires
Au-delà des réseaux sociaux classiques bien connus (Meetup, Facebook,…), d’autres alternatives moins contestées existent pour créer du lien et faire des rencontres. Parmi elles, Rent a Local Friend (RALF), fonctionne davantage comme un service de guide touristique, ou d’accompagnateur culturel à la manière des greeters mais payants.
L’application Weezem propose en Belgique des activités locales telles que des sorties au cinéma, des soirées, des randonnées ou des rencontres informelles, souvent organisées par des ambassadeurs ou des animateurs locaux. La plateforme Hoplr permet d’échanger avec ses voisins. Wooh, une appli bruxelloise pour expats et locaux propose chaque semaine une nouvelle rencontre basée sur les valeurs et passions communes. Ces plateformes, gratuites ou peu coûteuses, s’appuient sur une logique de communauté et de réciprocité, loin de la relation strictement contractuelle de « l’ami à louer».
Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.