En Wallonie, certaines provinces affichent les taux de pertes les plus élevés du pays. La moitié des PME belges ne disposent que de trois mois de trésorerie. Pourtant, 11% continuent de recruter malgré leurs résultats déficitaires. Analyse d’un paradoxe.
31,7% des PME du Brabant wallon sont en déficit, un record national. En Hainaut, près de trois entreprises sur dix sont exposées à un risque de liquidité. À l’échelle belge, 43,6% des PME ne disposent que de trois mois de trésorerie, mais 11% continuent pourtant d’embaucher malgré les pertes. Le nouveau KMOnitor de Teamleader, qui analyse les comptes de plus de 8.000 PME belges entre 2022 et 2024, révèle des écarts géographiques croissants et une fragilité financière généralisée.
La Wallonie dans le rouge
Les chiffres du KMOnitor 2025 placent les provinces wallonnes parmi les plus fragiles du pays. Le Brabant wallon détient le record national avec 31,7% d’entreprises en déficit, suivi de Bruxelles (28%). À titre de comparaison, la Flandre occidentale et orientale comptent environ 21% d’entreprises en perte, suivies d’Anvers (21,7%).
À l’échelle nationale, 23,44% des PME belges ont enregistré des pertes en 2024. Les indépendants sont les plus fragiles, avec 28% d’entre eux en perte. À l’inverse, les petites PME (11 à 50 employés) améliorent leurs résultats : leur bénéfice médian a augmenté de 24,6%.
Les entreprises du savoir s’en sortent également bien : la part des sociétés déficitaires y est passée de 15,3% à 13,5%.

Trois mois pour survivre
43,6% des PME belges disposent de moins de trois mois de trésorerie disponible, contre 36,2% en 2022. Près de la moitié des entreprises ont donc peu de marge de manœuvre pour absorber une baisse temporaire de leur chiffre d’affaires ou un retard de paiement.
La situation varie fortement selon les provinces. En Hainaut, près de trois entreprises sur dix sont exposées à un risque de liquidité, contre seulement une sur cinq dans le Brabant flamand.
Sans grande surprise, les travailleurs indépendants (35%) et les micro-entreprises (28%) sont particulièrement vulnérables en matière de trésorerie, tandis que les entreprises plus grandes bénéficient généralement de réserves plus stables.
Entreprendre en Belgique aujourd’hui, c’est un véritable sport de haut niveau
« Les chiffres montrent qu’entreprendre en Belgique aujourd’hui, c’est un véritable sport de haut niveau », déclare Jeroen De Wit, CEO de Teamleader. « Les entrepreneurs tiennent tout de même bon malgré la hausse des coûts et l’incertitude. »
La dette comme carburant
Dans ce contexte de trésorerie tendue, comment expliquer que tant d’entreprises continuent d’investir ? La réponse se trouve en partie dans l’endettement croissant. En 2022, 56% des entreprises pouvaient encore financer leur développement sur fonds propres. Deux ans plus tard, cette proportion tombe à 45%.
La majorité des PME dépendent désormais des banques ou de financements externes pour investir, ce qui les expose davantage aux aléas des hausses des taux d’intérêt et des retards de paiement. Les secteurs de l’Horeca et de la construction sont particulièrement dépendants du crédit, tandis que les entreprises du savoir parviennent plus souvent à financer leur expansion sur base de leurs bénéfices.
11% embauchent malgré les pertes
Le paradoxe est saisissant : 11% des PME belges embauchent du personnel alors qu’elles enregistrent des pertes. « Plus d’un entrepreneur sur dix choisit ainsi d’investir dans la croissance ou le personnel, même lorsque les résultats sont temporairement négatifs », constate le rapport de Teamleader.
Le phénomène varie selon la taille des entreprises. Dans les petites PME (11 à 50 employés), 14% recrutent malgré les pertes. À l’inverse, dans les grandes entreprises, cette proportion recule de 26% à 22%.
Le rapport ne ventile pas les données par région. Difficile donc de savoir si les PME wallonnes recrutent plus ou moins que la moyenne nationale en situation de déficit. Mais dans un contexte régional marqué par des taux de pertes plus élevés qu’en Flandre, ce pari sur l’avenir apparaît mécaniquement plus risqué.

Productivité : le grand écart Nord-Sud
Côté productivité, les écarts géographiques sont vertigineux : le Brabant flamand génère 320.000€ de chiffre d’affaires par équivalent temps plein, la Flandre occidentale 287.000€, tandis que Bruxelles plafonne à 140.000€.
Au niveau sectoriel, le secteur commercial se distingue avec une croissance de la productivité de 17% en deux ans. L’Horeca, malgré une légère amélioration (passant de 3.476€ à 5.758€ d’EBITDA par équivalent temps plein), reste très en deçà de la moyenne et demeure le secteur le plus durement touché avec 37% d’entreprises en déficit.
Petites structures, meilleures performances
Surprise du KMOnitor : les micro-entreprises (2 à 10 salariés) affichent un EBITDA moyen par salarié de 50.254€, contre seulement 15.287€ pour les entreprises de taille moyenne (51 à 250 salariés). Les petites structures génèrent donc plus de trois fois plus de revenu par employé.
Cette performance s’explique par une plus grande agilité, moins de bureaucratie et une meilleure réactivité face aux évolutions du marché. Les petites PME (11 à 50 employés) confirment cette tendance avec une amélioration de leur bénéfice médian de 24,6%.
À l’inverse, les indépendants restent les plus exposés, cumulant à la fois un taux de pertes élevé (28%) et une vulnérabilité accrue en matière de trésorerie (35% en risque de liquidité).

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