L’industrie automobile prévoit un rebond de 5% du marché européen en 2023
Le marché automobile européen pourrait rebondir de 5% en 2023, à 9,8 millions de véhicules vendus, mais restera loin de ses niveaux d’avant-crise, a indiqué mardi l’Association des constructeurs (ACEA).
Ralenti par les pénuries de puces électroniques, le marché était revenu en 2022 à son niveau de 1993, avec seulement 9,3 millions de véhicules neufs écoulés (-4,6% sur un an). “Malgré de nombreuses incertitudes, le marché devrait commencer à se reprendre en 2023”, a estimé la directrice générale de l’ACEA, Sigrid De Vries, lors d’une conférence de presse à Bruxelles.
“Nous restons cependant à 25% en dessous des niveaux de 2019, la situation reste fragile”, a-t-elle poursuivi. 2022 a été une troisième année compliquée pour l’industrie automobile, après une année 2020 marquée par des fermetures d’usines et des restrictions sanitaires, et une année 2021 affectée par des pénuries de puces électroniques (indispensables à l’assemblage des voitures), et des problèmes de logistique qui ont douché les espoirs de reprise durable.
La guerre en Ukraine et la poussée inflationniste qu’elle a engendrée ont pu aussi pousser des consommateurs à reporter leur achat, mais cet effet est difficile à évaluer et la plupart des constructeurs affichent des carnets de commandes pleins.
Un cadre compétitif
Les constructeurs automobiles en Europe (Acea) demandent aux autorités européennes de mettre en place un cadre compétitif afin que leur industrie ne soit pas larguée à l’avenir, face aux avancées observées actuellement aux Etats-Unis et en Chine. Ces deux nations soutiennent massivement leur propre secteur automobile et l’Acea redoute une certaine inertie sur le Vieux Continent, voire même que les constructeurs soient amenés à faire marche arrière en poursuivant des investissements dans la norme Euro 7 alors qu’ils ont tous largement amorcé le virage vers l’électrique.
“Nous pourrions réaliser un bien meilleur ratio coûts-bénéfices si nous redirigeons les lourds investissements que demande la norme Euro 7 vers l’électrification. Nous rendrions alors les véhicules électriques plus abordables et développerions des technologies zéro émission pour améliorer le parc automobile”, a indiqué le nouveau président de l’Acea, Luca de Meo.
L’Italien, par ailleurs CEO du groupe Renault, et la directrice générale de l’Acea, Sigrid de Vries, estiment que la récente proposition européenne autour de la norme Euro 7 va contraindre les constructeurs à investir des milliards d’euros dans la recherche et l’ingénierie pour un minimum de bénéfices environnementaux. “Toutes ces ressources financières s’éloigneront donc de la technologie totalement électrique pour retourner vers la motorisation thermique“, pointent-ils.
L’Acea a adressé une lettre ouverte aux responsables européens dans laquelle elle fait part de ses inquiétudes si une politique industrielle ambitieuse et structurée fait défaut. “Il est temps de mener une action décisive si nous voulons éviter le risque de désindustrialisation de notre continent.” Les autorités européennes doivent dévoiler prochainement les grandes lignes du Pacte vert pour l’Europe.
Les infrastructures de recharge pas assez nombreuses
Alors que les constructeurs ont passé la seconde, proposant désormais 25 modèles électriques différents contre 10 il y a une décennie, le manque d’infrastructure de recharge constitue un autre problème majeur. Aujourd’hui, 2.000 bornes de recharge publiques sont installées chaque semaine à l’échelle continentale alors que la moyenne hebdomadaire devrait être de 14.000 pour assurer la transition de l’Europe vers la mobilité électrique. Actuellement, 1,5% des 250 millions de voitures en Europe sont complètement électriques.
Si le coût de ce type de véhicule reste élevé, l’Acea se dédouane en affirmant qu’elle n’est pas maitresse de la situation. Quarante pour cent du prix d’un véhicule électrique proviennent de la batterie. Et concernant cette batterie, 80% du coût est dû aux matières premières. “On ne contrôle pas le cours des matières telles que le cobalt ou le nickel”, se défend le président des constructeurs.
Sur ce point également, l’Europe accuse le coup par rapport à la Chine. D’ici 2030, seuls 5% des matières premières nécessaires à la conception d’une batterie proviendront d’Europe.
L’Acea défend les intérêts des constructeurs de voitures, de bus et de poids lourds implantés en Europe. Il peut s’agir aussi bien d’entreprises européennes (BMW, Renault, Volkswagen…) que de filiales de grands groupes étrangers (Honda, Hyundai…)
Les voitures deviendraient plus chères avec la norme Euro 7
Le directeur général de Renault a mené une charge mardi contre la norme Euro 7, en cours de discussion après sa présentation par la Commission européenne en novembre 2022, pourtant déjà jugée très favorable au secteur par les défenseurs de l’environnement. Bruxelles propose notamment de rendre les tests d’émissions des véhicules plus conformes aux conditions réelles de conduite et de fixer des limites à l’émission de particules provoquée par l’usure des freins et des pneus.
La norme Euro 7, applicable à partir de 2025, réduirait de 35% les émissions d’oxydes d’azote (NOx) des voitures particulières et des utilitaires légers par rapport à la norme précédente Euro 6, selon la Commission.
Les constructeurs, déjà secoués par la révolution électrique, veulent une norme a minima pour ces motorisations thermiques amenées à disparaître en 2035. Une norme actée selon le plan de la Commission renchérirait les voitures de 2.000 euros en moyenne pour les acheteurs, et pourrait réduire le marché européen, déjà mal en point, d’encore 7 à 10%, selon M. De Meo, qui effectuait lors d’une conférence de presse à Bruxelles. “Les gens garderont leur voiture plus longtemps et achèteront des voitures d’occasion au lieu de voitures neuves“, a décrit le président de l’ACEA. Selon le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, ce surcoût serait seulement de “100 à 150 euros par véhicule”.
L’industrie automobile pourrait enregistrer un bien meilleur rapport coût/bénéfices en “réorientant l’énorme investissement demandé par Euro 7 vers une accélération de l’électrification, des voitures électriques moins chères, ou des carburants moins polluants”, selon le président de l’ACEA. “Les délais sont trop courts, les conditions sont trop larges: chez Renault, elles pourraient conduire à la fermeture de quatre usines à court terme”, a menacé M. De Meo.
L’ACEA a en revanche apporté son soutien au “pacte vert” européen pour l’industrie, vu comme une “réponse à l’IRA”, le plan de subventions massives des États-Unis à leur industrie. Le texte sur les matières premières critiques (des terres rares au lithium) est également très attendu par l’industrie.
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