L’expo “Burn” retrace l’évolution des conditions de travail en Belgique
Dans l’étonnant Musée de l’Industrie à Gand, une expo originale vient de s’ouvrir: Burn. A l’aide de documents d’époque, elle retrace l’évolution au cours du temps des conditions de travail en Belgique. Un parcours utile pour se rappeler que certains avantages, aujourd’hui jugés tout à fait normaux, ne sont pas si vieux que cela et ont été acquis de haute lutte ou après des catastrophes.
Ala fin de l’exposition, chaque visiteur est invité à emporter un petit poster très explicite: “Ici, on travaille avec passion mais sans se consumer”. Les mots en néerlandais sont encore plus explicites: “Hier werken we met vuur maar branden we niet op”. Le feu est en effet au coeur de “Burn, du risque d’incendie au burn-out”, une expo originale qui vient de s’ouvrir au Musée de l’Industrie de Gand.
Installé dans une ancienne filature de coton, il propose de façon permanente de partir à la découverte de l’évolution des techniques utilisées dans l’industrie du textile et dans l’imprimerie. Avec, en clou du spectacle, quelques vieilles machines de l’ancien temps, comme une presse Heidelberg à cylindre avec caractères en bois et en plomb ou une mule-jenny, une machine à tisser du 19e siècle.
J’espère que l’exposition fera réfléchir les visiteurs sur leur propre situation professionnelle et sur l’image plus large des lieux de travail d’hier et d’aujourd’hui.”
Exposition temporaire, Burn raconte l’histoire des conditions de travail en Belgique. Depuis le risque d’incendie dans les industries métallurgiques, où les ouvriers travaillaient quasi nus sous un tablier pour lutter contre la chaleur, jusqu’au “feu mental” décrit pour la première fois en 1981 par le psychiatre américain Herbert J. Freudenberger, qui a découvert que certains de ses collaborateurs sont parfois victimes d’incendie comme le sont les immeubles.
Il définit alors le burn-out (brûler jusqu’au bout, en anglais) comme “un état de fatigue ou de frustration résultant du dévouement à une cause, un mode de vie ou à une relation qui n’a pas donné les résultats escomptés”.
Voilà longtemps que les responsables du musée désiraient montrer une partie cachée de leur collection: des affiches, des photographies et des objets qui illustrent notre relation au cours du temps avec le travail et son exécution. “Les journaux actuels débordent d’articles sur le stress et le burn-out, confie Hilde Langeraert, la conservatrice. La crise du coronavirus et le télétravail n’ont fait qu’accroître l’attention portée à cette question. Pourtant, ce sujet brûlant figurait depuis un certain temps déjà au planning de nos expositions. La collection du musée comprend une belle série d’affiches anciennes sur la sécurité et le bien-être au travail. On y constate avec étonnement que le langage utilisé change au fil des années et que le contenu reflète souvent l’esprit de l’époque. J’espère que l’exposition fera réfléchir les visiteurs sur leur propre situation professionnelle et sur l’image plus large des lieux de travail d’hier et d’aujourd’hui.”
En trois parties
L’exposition est divisée en trois parties, soit autant de couples: temps-travail, santé-maladie et sécurité-danger. Ils sont reliés par une ligne du temps qui, par moments, fait froid dans le dos. Elle rappelle quelques dates clés: le repos du dimanche en juillet 1906, les douches et lavabos obligatoires dans les mines en 1911, la création du service médical du travail en 1919 et des comités de prévention et d’hygiène en 1946, l’instauration d’un repos obligatoire de 11 heures entre deux prestations journalières en 1971 (! ), etc.
Il fallut les 256 morts du Bois du Cazier en 1956 pour que la Belgique interdise la présence de jeunes de moins de 18 ans dans les chantiers souterrains des mines.
A l’aide de coupures de journaux de l’époque, la ligne du temps nous rappelle que l’évolution des moeurs au travail fut souvent dictée par des catastrophes. Il fallut les 256 morts du Bois du Cazier en 1956 pour que la Belgique interdise la présence de jeunes de moins de 18 ans dans les chantiers souterrains des mines, minières et carrières. A l’époque, l’obligation scolaire s’arrêtait à 14 ans (elle ne sera portée à 18 ans qu’en 1983), et trois enfants de moins de 16 ans faisaient partie des victimes.
L’expo nous rappelle aussi que la règlementation du travail des femmes et des enfants (interdiction avant 12 ans) dans les établissements industriels en 1889 n’a pas été accompagnée d’une amélioration des conditions de travail des parents qui, longtemps encore, eurent besoin du supplément de rentrées venant de leurs enfants… L’incendie de l’Innovation en 1967, la catastrophe de Seveso en 1976 et le scandale de l’amiante (renforcement des normes en 1986) ont eux aussi fait évoluer notre législation.
Vie privée-vie professionnelle
De nos jours, l’équilibre vie privée-vie professionnelle est devenu un élément essentiel recherché par les collaborateurs. Une donnée exacerbée par le covid et qui pousse certains à changer d’employeur.
L’expo, avec moult documents, retrace l’évolution de cet équilibre et d’un combat qui ne date pas d’aujourd’hui. Comme cette affiche de 1920 éditée par la Fédération générale des syndicats de la province de Liège qui évoquait la journée de huit heures, finalement adoptée l’année suivante: huit heures par jour pendant six jours! Ou l’affiche d’Agalev (l’ancien nom de Groen) qui, au début des années 1990, évoquait cet équilibre avec un titre explosif: à propos d’un couple qui ne fait plus jamais l’amour car il ne trouve pas de trou…
Burn établit aussi un parallèle entre travail et productivité (il y a quelques jolis exemplaires de vieilles pointeuses), évoque les multiples emplois de la femme décrite dans une affiche comme un automate à huit bras et le combat pour l’égalité sexuelle des chances.
Rentrer sain et sauf
Enfin, la section santé est sans doute la plus impressionnante visuellement avec, entre autres, une coupe dans un poumon de mineur, des images d’un test de masques contre la silicose ou une machine inventée par un docteur suédois dans l’optique d’une revalidation musculaire après un accident de travail. L’expo rappelle que la syphillis fut, en son temps, aussi considérée comme une maladie professionnelle. Non sans humour, la commissaire de l’expo s’est demandée qui le contrôle médical des prostituées cherchait vraiment à protéger…
Le rôle de pionnier joué par les médecins et les ingénieurs dans la prévention des accidents de travail dans des conditions très spartiates est également bien documenté. Si les accidents mortels ont dramatiquement diminué depuis le début du 20e siècle (surtout à partir des années 1950), l’expo permet de constater que depuis la fin des années 1980, les ouvriers ne sont plus les victimes ultra- majoritaires des accidents de toute nature.
Il est par contre ironique de constater que la première cause d’accident en 2020 est la même qu’en 1905: le travailleur qui chute de hauteur ou de plain-pied. De nos jours, des mouvements inopportuns et la perte de contrôle, ainsi que le levage et le port des charges complètent le top 3. Au début du 20e siècle, c’était la chute d’objets et de matériaux et le contact avec des objets en mouvement ou pas. Avec, à la clef, quelques images chocs…
Voilà une expo intéressante et didactique qui s’avère une excellente destination pour un team-building, une session de coaching professionnel ou une opération de sensibilisation. Elle est principalement en néerlandais mais, outre des témoignages audios et des outils interactifs en trois langues, elle propose un livret qui permet aux moins doués dans la langue de Vondel de suivre. Enfin, les 23 questions posées par le Burnout Assessment Tool développé par la KULeuven, permettent au visiteur de rentrer à la maison en sachant si son expérience au travail est à risque ou pas.
Jusqu’au 3 septembre 2023, entrée: 8 euros.
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