Les voitures de société, toutes électriques à partir de 2026?
Le nouveau gouvernement entend imposer les voitures zéro carbone dans les entreprises d’ici cinq ans. Il évoque surtout un objectif de neutralité d’émissions, ce qui laisse la porte ouverte à d’autres motorisations que l’électrique.
La voiture de société a survécu à la formation du gouvernement d’Alexander De Croo. Le démontage de son statut fiscal, demandé par le PS et Ecolo durant la campagne ayant mené aux élections de 2019, n’a pas été annoncé. Mais l’exigence environnementale vers le zéro carbone est, elle, bien sur la table.
Le document des formateurs ne comporte qu’une petite ligne sur le sujet (en p. 60) : “Tous les nouveaux véhicules de société devront être neutres en carbone d’ici à 2026.” Certains y voient l’obligation de ne plus utiliser, d’ici cinq ans, que des voitures électriques (à batterie ou à pile à combustible alimentée par hydrogène), les seules à assurer une émission de zéro gramme de CO2 au kilomètre.
En fait, rien n’est vraiment fixé. La phrase ne parle pas spécifiquement de véhicules zéro carbone mais, nuance, de neutralité. “Etre neutre en carbone signifie compenser les émissions de CO2 par la captation de carbone, par exemple avec des arbres, ou des technologies de CCS (captage et stockage de carbone)”, espère Michel Martens, directeur research & public policy chez Febiac, qui voit une porte ouverte avec “le moteur à combustion interne, à carburants synthétiques propres, produits par du renouvelable ou non.”
Un sujet à discuter
Le cabinet du vice-Premier ministre Georges Gilkinet, en charge de la mobilité, laisse entendre que la ligne de l’accord de gouvernement citée plus haut ne limite pas la voiture de société aux modèles électriques. “Je peux vous dire que pour nous, la direction est claire : les voitures de société devront émettre moins de CO2 et si possible plus du tout, avec une échéance en 2026, affirme Benoît Ramacker, porte- parole du vice-Premier Ecolo. Les modalités doivent être déterminées le plus rapidement possible, de façon à permettre aux entreprises et aux fournisseurs de s’adapter à cette nouvelle donne.”
La porte reste ouverte à d’autres types de motorisation, selon des critères qui restent à établir. Par exemple, le gaz naturel. Les voitures qui en sont équipées émettent du CO2, même si c’est en quantité moindre qu’une voiture à carburant (environ 10% de moins). “Elles peuvent rouler au bio CNG, un gaz naturel produit avec des déchets organiques”, approuve Didier Hendrickx, public affair manager de Gas.be, qui cite notamment Total, fournisseur de bio CNG dans plusieurs stations en Belgique. “Que les formateurs aient évoqué la neutralité est un bon point de départ. Si l’on fait le calcul des émissions du puits à la roue, sur tout le cycle de production et d’utilisation du carburant, ce type de motorisation peut répondre à l’objectif de neutralité carbone. Le biogaz est alors neutre ou presque, de 80% à 100%, en émissions carbone”, raisonne notre interlocuteur, qui ajoute avoir exposé cela aux équipes des formateurs, avant la mise en place du gouvernement.
Le cadre fiscal est essentiel pour arriver à un bon résultat.” – Eric Swerts (Alphabet)
“C’est jouable”
La discussion, dans les semaines qui viennent, à propos du périmètre des motorisations acceptées à partir de 2026, risque d’être chaude. “Bon, l’échéance est située à cinq ans, on a un peu de temps; mais ça risque d’être difficile pour ceux qui ne peuvent pas charger une voiture électrique près de leur domicile, commente Frank Van Gool, directeur général de Renta, la fédération des entreprises de leasing auto. Mais j’ai l’impression qu’en moyenne, c’est jouable, à condition d’envisager toutes les situations.”
En fait, il n’existe pas de blocage pour un passage au tout électrique en 2026, pourvu que certaines situations particulières soient réglées. “Il n’y a pas de raison pour que ça ne marche pas, confirme Eric Swerts, CEO d’Alphabet, un acteur important du leasing auto en Belgique. Pour nous, peu importe que les véhicules soient au diesel, à essence, hybrides ou électriques : nous sommes des fournisseurs de mobilité. La grande inconnue est l’offre qui sera disponible en 2026. Aujourd’hui, les voitures électriques restent plus chères que leurs équivalentes à carburant, à l’achat comme à la location, et l’offre est encore modeste. Mais les informations fournies et les plans annoncés par Volkswagen, BMW, Hyundai, Kia ou Renault, notamment, montrent que l’offre à l’intention de monsieur Tout-le-Monde va se développer.” La principale objection porte sur les bornes de recharge publiques, toujours peu nombreuses, en particulier dans la capitale.
“Je n’ai pas peur de ce changement”
“Je n’ai pas peur de ce changement, pourvu que le processus soit clair”, continue Eric Swerts, à propos de l’évolution de la fiscalité, qui sera le moteur de cet objectif 2026. ” Le cadre fiscal est essentiel pour arriver à un bon résultat : il faudrait avoir un plan phasé sur les paramètres fiscaux pour gérer la transition en douceur. Ces paramètres fiscaux sont le niveau de déductibilité pour l’entreprise, le montant de l’avantage en nature taxable dans le chef du bénéficiaire, plus une cotisation à la sécurité sociale versée par l’employeur. Cela fait plusieurs années qu’ils sont influencés par le niveau d’émission de CO2.”
La transition sera un défi pour le secteur du leasing. “Le principal souci technique est, pour nous, la valeur résiduelle des véhicules”, affirme Eric Swerts. Pour les loueurs, le prix de revente de la voiture en fin de contrat est le plus grand élément d’incertitude, qui fait qu’il y a bénéfice ou perte. Il est moins prévisible que les frais d’entretien, l’assurance, le prix d’achat, le financement, la fiscalité. “Nous verrons sans doute la valeur résiduelle des modèles diesel diminuer car la demande en seconde main devrait reculer, ce qui rendrait le prix mensuel plus élevé pour les clients, alors que la valeur résiduelle des voitures électriques devrait augmenter.” Une augmentation qui pourrait contribuer à faire baisser les mensualités de ces véhicules en leasing.
La principale objection porte sur les bornes de recharge publiques, toujours peu nombreuses.
Offre croissante
L’offre électrique devrait fortement augmenter d’ici cinq ans, à des tarifs plus compétitifs ou avec des autonomies plus importantes. Les constructeurs évoquent des sorties en rafale à moyen terme. Renault vient d’annoncer la commercialisation, fin 2021, d’une Mégane, son modèle moyen grand public, basée sur une nouvelle plateforme purement électrique, ainsi que d’une Dacia électrique bon marché, la Spring, une citadine à une quinzaine de milliers d’euros. Le groupe Volkswagen, qui vient de lancer l’ID. 3, une voiture au format de la Golf sur une plateforme purement électrique, promet une dizaine de modèles électriques d’ici à 2025 dans les segments des voitures petites et moyennes. BMW annonce au moins 13 modèles électriques pour 2023. Tesla parle d’un futur modèle à 25.000 dollars grâce à une réduction du coût des batteries. Même Foxconn, un géant qui produit des appareils électroniques pour de grandes marques comme Apple, affirme développer une plateforme de voiture électrique destinée aux entreprises qui souhaitent concevoir des véhicules à batterie et profiter des économies d’échelle d’une plateforme ouverte, partagée, une sorte d’Android de l’électrique. Foxconn collabore avec Yulon, un constructeur taiwanais, et pourrait créer une joint-venture avec Fiat Chrysler (FCA).
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