Distribution : les secrets d’un mariage réussi, ces marques qui n’ont jamais quitté les rayons

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De nos jours, des négociations très compliquées font parfois disparaître temporairement certaines marques des rayons de nos supermarchés. D’autres, en revanche, ont réussi à nouer des partenariats sans faille avec nos grands distributeurs. Décryptage de ces relations de confiance que rien n’ébranle.

En ce début d’année, ­Carrefour, en Belgique comme en France, a retiré des produits du groupe Pepsico de ses rayons (Pepsi, Doritos, Lay’s, etc.). Quelques semaines plus tôt, Colruyt avait procédé de la même manière avec des marques d’AB InBev ou d’Unilever (saucisses Zwan, produits Knorr, etc.). A chaque fois, des négociations compliquées sur fond de demandes d’augmentation des prix dans un contexte économique et inflationniste difficile.

Des événements toujours plus fréquents vu les marges de plus en plus étroites dans un secteur de la grande distribution extrêmement tendu et soumis, en outre, à la concurrence importante des concurrents situés juste derrière les frontières.

A l’inverse, il existe des marques qui, depuis des décennies, n’ont jamais disparu des rayons de nos distributeurs. Ce sont des relations commerciales particulières qui ont débouché sur un partenariat unique et des relations humaines basées sur la confiance et le respect mutuel. Tel est, par exemple, le cas des portos de Symington et des champagnes Vrancken chez Delhaize. Du ­Château Coufran, des vins d’Albert Bichot ou du domaine des Fines Roches à ­Châteauneuf-du-Pape chez Colruyt. Chez Carrefour, on peut citer les partenariats avec Lotus ou encore la collaboration avec la Ferme du ­Tambourin qui a déboucher sur une reconversion bio.

“Des exemples comme ceux-là, nous en avons beaucoup en réalité, souligne Alexandros Boussis, senior vice president commerce chez Delhaize Belgium. Symington, l’un de nos plus anciens fournisseurs, a suivi quasiment tout le développement de Delhaize. Pour Vrancken, c’est une autre histoire encore. Les Belges ont révolutionné le monde du champagne. Quand Paul-François Vrancken est venu nous voir au début des années 1970, l’idée était de proposer un champagne différent. Quelque chose qu’on boive à l’apéritif plutôt qu’au dessert. Ensemble, nous avons beaucoup testé le dosage de sucre avant d’arriver à quelque chose de remarquable. Tellement remarquable que toutes les maisons de champagne, même les plus prestigieuses, ont suivi le mouvement. Aujourd’hui, le demi-sec qui faisait fureur à l’époque ne se vend quasi plus.”

Comme un couple

En réalité, ces partenariats de longue durée fonctionnent comme un couple. “Dans un couple, il ne vient pas à l’idée de demander à son conjoint des choses impossibles ou irréalistes, explique Patrick Andriessen, acheteur vin chez Colruyt. C’est pareil avec ces partenariats uniques. J’ai été éduqué de cette manière chez Colruyt par mon prédécesseur Eric Van Rysselberghe qui suivait déjà la ligne de son propre prédécesseur. Dans le vin, avoir confiance est crucial. Comme le respect de la parole donnée. Parallèlement, le producteur doit assurer et faire évoluer la qualité de son produit. Cela permet la fidélité du client et la longévité du partenariat. C’est un vrai travail de collaboration et de soutien mutuel quand les choses peuvent devenir compliquées pour l’un comme pour l’autre.”

“Dans un couple, il ne vient pas à l’idée de demander à son conjoint des choses impossibles ou irréalistes. C’est pareil avec ces partenariats uniques.” – Patrick Andriessen (Colruyt)

“En fait, ces partenaires prennent autant de nous que nous prenons d’eux, renchérit Alexandros Boussis. Le but final, qu’ils partagent avec nous, c’est le plaisir et la satisfaction du client. Avec la réputation de qualité des produits que nous avons toujours eue, ­Delhaize fut souvent le partenaire idéal pour développer des produits en Belgique. Ce fut le cas de Bertagni. En Italie, le personnel connaît l’histoire de Delhaize. Quand je suis allé chez eux, j’ai été frappé de découvrir un lion gigantesque avec un slogan que je n’oublierai jamais : ‘nous avons beaucoup de clients mais un seul amour’. Cela m’a donné des ­frissons. Nous avons une relation similaire avec Rosa Dell Angelo qui a amené une véritable révolution avec sa charcuterie italienne artisanale. Avec la franchisation en cours, il est aussi important de faire rentrer nos affiliés dans ces histoires. Régulièrement, nous organisons des visites sur place. Aller chez Vrancken ou chez ­Bertagni, cela change leur vision des produits. J’aimerais aussi insister sur un aspect crucial en ces temps compliqués : ces fournisseurs historiques se sont battus contre l’inflation sans toucher à la qualité du produit et sans pénaliser le client et risquer de perdre sa relation.”

Alexandros Boussis
En fait, ces partenaires prennent autant de nous que nous prenons d’eux” – Alexandros Boussis (Delhaize Belgium)

Chez Delhaize, aujourd’hui, l’accent est plutôt mis sur le développement de tels partenariats uniques avec des producteurs et des artisans belges. A cet effet, la franchisation va devenir un atout.

“Je voudrais d’abord préciser quelque chose, confie Alexandros Boussis. Chaque magasin franchisé ou groupes de magasins franchisés dispose d’un assortiment qui a été préparé spécifiquement suivant une segmentation fine. Puisqu’on parlait de vins avec Symington et Vrancken, on ne vend pas la même chose d’une ville à l’autre ou d’une région à l’autre. L’affilié doit proposer à la vente 95 % de cet assortissement. Au-delà, il fait ce qu’il veut et a toute liberté de développer des initiatives locales. Les affiliés sont depuis toujours, et logiquement encore plus, une source inestimable pour découvrir des produits locaux. Des produits qui ont trouvé leur créneau chez un affilié peuvent rentrer en centrale et partir dans toute la Belgique. Il va de soi que ces partenariats doivent être basés sur des valeurs communes et le culte du bien manger. Nous sommes très sélectifs et ces fournisseurs, fiers de leurs produits, le sont tout autant.”

Pas que du commercial

La plupart du temps, ces collaborations sont commerciales mais elles peuvent aussi aboutir à des partenariats marketing comme ça a été le cas entre Lotus et Carrefour. Lors de la “scanmania”, une action promotionnelle sous la forme de QR code organisée par le distributeur, l’entreprise connue pour ses spéculoos s’est prêtée au jeu et a carrément rebrandé ses frangipanes en Frangiscan.

“De leur propre initiative”, explique Dave Froidcoeur, directeur media chez Carrefour. De mémoire de directeur une telle collaboration, ça n’était jamais arrivé. “Hors action sponsoring évidemment, précise-t-il. C’était assez particulier car la plupart des contacts entre les produits de consommation se font avec la marchandise et non l’équipe marketing.”

Lotus a alors eu le privilège d’être présenté en display dans les magasins. Une mise en évidence qui s’est traduit par une hausse de 0,5% de volume sur la période.

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