Les réseaux hospitaliers, une solution pour éviter les crises?
La revalorisation du métier d’infirmier/ère est indispensable. Un refinancement de la santé aussi? “D’un point de vue macro, la Belgique dépense autant que les pays voisins, souligne Renaud Mazy, (Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles). Dépense-t-on donc trop peu? La réponse est non.
“Mais la question, c’est de savoir si l’on dépense bien, martèle Renaud Mazy, CEO des Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles. Premièrement, nous ne faisons pas assez de prévention en Belgique: c’est historique et cela a un impact sur le nombre de patients. Deuxièmement, nous avons une offre trop large, on dilue trop les moyens. Je ne dis pas qu’il faut des méga-hôpitaux de 2.000 lits: on sait que la taille idéale d’un hôpital, c’est environ 500 lits. Mais il faut réguler. Il faut des soins de base partout, mais cela peut être dans une polytechnique dans une ville de province. Les soins critiques et les pathologies lourdes doivent être concentrées dans des centres de référence de manière à ce que l’on puisse prendre en charge les patients de la façon la plus efficace et la moins coûteuse.”
Le patron de Saint-Luc illustre son propos par un exemple fort: “Aujourd’hui, certains cancers du sein extrêmement invasifs sont pris en charge par des hôpitaux qui n’ont jamais personne souffrant de ce type de cancer. Or, le patient ne le sait pas. Quand il passe la porte de cet établissement, il est virtuellement décédé. Est-ce normal? Non, il faut concentrer, avoir des centres de référence bénéficiant de financements adéquats pour les pathologies lourdes.”
Les réseaux hospitaliers, en gestation, sont-ils l’option pour y arriver? Il est essentiel, selon le patron des Cliniques Saint-Luc, de définir plus précisément le rôle des différents hôpitaux. “Avec Maggie De Block (ancienne ministre de la Santé, Open Vld, Ndlr), il avait été décidé que les 80 hôpitaux du pays allaient se concentrer en 25 réseaux, dit-il. Je suis pour cette réforme: elle fait sens. Le problème, c’est qu’on ne parle que des soins de base. La Belgique est par ailleurs un eldorado pour la recherche médicale et les hôpitaux académiques font 85% de cette recherche. Mais quel rôle leur donne-t-on? Maggie De Block n’a rien décidé. Nous sommes dans un réseau à quatre – on s’entend bien avec Saint-Pierre Ottignies, Saint-Jean, les Cliniques de l’Europe – mais nous n’avons pas un rôle particulier. Or, dans les autres pays, ces hôpitaux académiques sont choyés parce qu’ils ont l’expertise, on concentre leur activité sur les pathologies les plus lourdes. En Belgique, on ne sait pas quoi en faire. Cela ne va pas.”
“Les réseaux hospitaliers, est-ce une bonne option? Oui et non, nuance encore Philippe Leroy, directeur général du CHU Saint-Pierre à Bruxelles. Oui, absolument, parce que nous devons nous entendre entre hôpitaux et organiser une offre de soins sur des bassins plus larges. La crise du covid l’a encore démontré. Mais non, car le problème, c’est que ces réseaux ont surtout pour objectif aujourd’hui de faire des économies. On peut encore en faire, je n’en disconviens pas. De là à en faire en objectif en soi, ce n’est pas la bonne approche.”
“Les réseaux représentent une évolution importante à moyen terme, prolonge Gauthier Saelens, directeur général du Grand Hôpital de Charleroi. Mais cela n’a pas aidé en quoi que ce soit pendant la crise elle-même. Les réseaux hospitaliers, c’est une histoire qui débute. Elle est prometteuse, elle va permettre de mieux structurer un certain nombre d’offres de soins mais ce n’est que le tout début. C’est un outil intéressant mais si l’hôpital de demain n’est qu’une réflexion à ce sujet, on sera passé à côté du problème.”
Aux yeux de Sylvianne Portugaels, directrice générale du CHR Citadelle à Liège, et de Fabienne De Zorzi, directrice Stratégie & Développement, à la Citadelle liégeoise, c’est un chemin à suivre: “L’idée en soi est sûrement bonne. Il s’agit de ne pas investir dans tous les hôpitaux pour du matériel très coûteux, pour des maladies rares… et de les spécialiser. En province de Liège, cela prendra du temps pour arriver à faire ces répartitions médicales. Le mode de financement actuel ne favorise pas la collaboration. Certaines activités sont plus rémunératrices que d’autres. Si on lâche une activité et que l’on ne reçoit plus de financement, cela peut causer des difficultés. Un réseau, c’est un début pour arriver à une fusion. Tant qu’il n’y aura pas cette volonté d’aller vers la fusion, il y aura des tiraillements”. La crise du covid pourrait, toutefois, débloquer la situation: “La situation économique va peut-être accélérer le mouvement”.
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