Les premiers magasins Shein débarquent en Europe : bientôt en Belgique ?

Shein © Getty Images
Caroline Lallemand

Shein, le géant chinois de l’ultra fast fashion, annonce l’ouverture de ses premiers magasins physiques permanents en France. L’enseigne n’a pas encore confirmé son implantation en Belgique, mais cette expansion suscite déjà des débats sur son impact potentiel sur le commerce local.

La plateforme d’e-commerce Shein a annoncé l’ouverture de ses premiers magasins physiques permanents en France dès novembre 2025. Notamment au BHV Marais à Paris et dans d’autres villes via des Galeries Lafayette. Chez nos voisins, cette annonce suscite une vague de réactions négatives de la part des élus locaux, des associations de commerçants et des acteurs du secteur de la mode. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a également exprimé son opposition. Elle souligne que cette implantation est incompatible avec les objectifs écologiques de la ville, rapporte euronews.

Du côté des commerçants, la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH) a exprimé sa profonde désapprobation. Elle estime que Shein “porte atteinte à l’image de nos grands magasins français” en proposant des produits à bas prix, souvent perçus comme de mauvaise qualité et à l’origine de la surconsommation, rapporte le site The Business of Fashion. Cette controverse intervient alors que la France envisage de légiférer pour limiter l’impact environnemental de la fast fashion, avec des propositions de loi visant à interdire la publicité pour des marques comme Shein et à instaurer des taxes écologiques, rappelle The Guardian.

La Belgique, prochaine sur la liste ?

Le géant de l’ultra fast fashion à bas prix devrait continuer sur sa lancée et implanter des enseignes en Belgique. Lora Nivesse, directrice des Affaires Publiques chez Comeos, la fédération belge du commerce et des services exprime ses préoccupations. «Nous ne nous opposons pas à la concurrence, c’est normal que de nouveaux acteurs entrent sur le marché. Le principal problème avec ces acteurs-là, c’est leur absolu non-respect des normes environnementales et de sécurité des produits. »

Pour elle, l’ouverture de magasins physiques ne changera pas fondamentalement le modèle économique de Shein, qui reste celui d’une plateforme en ligne. Elle estime que cette démarche vise davantage à “adoucir son image” et “la rendre plus sympathique”. “C’est une opération marketing par rapport à leurs parties prenantes et aux autorités publiques”. Elle n’y voit pas de concurrence directe avec le commerce local. « La concurrence est de toute façon présente avec le commerce en ligne. Ce n’est pas une boutique physique qui va vraiment changer fondamentalement les choses », estime Lora Nivesse. Elle considère que l’ouverture de magasins physiques en Belgique n’entraînera probablement pas une création d’emplois significative, mais servira davantage à renforcer sa visibilité.

Une taxe de 2 euros par colis, la solution ?

Face à l’abondance de colis chinois qui inondent le marché européen, une taxe de 2 euros par colis de moins de 150 euros expédiés depuis l’extérieur de l’Union européenne est envisagée par le gouvernement belge. Elle a pour but de rééquilibrer les coûts entre les magasins belges et les produits importés. Comeos soutient cette initiative : « La Commission européenne a initialement présenté cette proposition en février dernier, on est absolument partisan. On parle d’un montant de 2 euros par colis, mais ça pourrait être un peu plus, pour être réellement dissuasif. C’est une des façons pour un peu ralentir l’essor de ce type de plateformes. Ce n’est certainement pas une solution miracle, mais elle pourrait aussi ramener un peu d’argent dans les caisses de l’État. On pourrait par exemple réinvestir dans de meilleurs contrôles en matière de conformité pour les douanes. »

Analyser les risques

Les autorités rencontrent en effet des difficultés pour contrôler les quelque 4 millions de colis entrants par jour, souvent non conformes et parfois même dangereux. Fin 2025, l’aéroport de Bierset devrait avoir vu transiter par les services de douane quelque 1,4 milliard de produits achetés en ligne, soit plus d’un tiers de plus que l’an dernier, lorsque le cap du milliard avait été franchi pour la première fois. À Bierset, 180 douaniers sont à l’œuvre, dont 80 contrôlent physiquement les marchandises, provenant le plus souvent de sites chinois. Avec ces moyens, ils parviennent à contrôler 0,006% de ce qui entre à l’aéroport, expliquait récemment l’administrateur général des douanes belges Kristian Vanderwaeren, à nos confrères de L’Echo. 40% de ces colis sont en infraction : contrefaçon, prix de dumping, mauvais étiquetage ou produits dangereux.

Déréférencer Shein?

 « Il faut travailler sur des analyses de risques, avec de l’intelligence artificielle, comme on fait d’ailleurs maintenant pour les contrôles de drogue”, avance Lora Nivesse.

Autre idée plus radicale: le déréférencement simple et pure des plateformes problématiques comme proposé en France.”L’État belge pourrait aussi choisir de déréférencer une plateforme, à condition d’adapter la législation. Actuellement, le cadre légal existant – notamment le droit économique – s’applique surtout aux opérations criminelles ou frauduleuses, ce qui ne correspond pas exactement à ce cas de figure. Reste à savoir si une mesure nationale isolée serait suffisante. C’est pourquoi nous favorisons une action coordonnée au niveau européen : nous renforçons notre impact lorsque nous agissons à l’échelle de l’Europe plutôt que seuls.” Un précédent existe. En novembre 2021, la plateforme Wish a été déréférencée des moteurs de recherche et des boutiques d’applications en France suite à une enquête de la DGCCRF révélant que de nombreux produits vendus étaient non conformes, voire dangereux.

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