Musk touchera le pactole même sans réaliser ses 12 travaux d’Hercule : un danger pour Tesla ?

Elon Musk. REUTERS/Daniel Cole © REUTERS
Charly Pohu

Le plan de rémunération d’Elon Musk chez Tesla a fait couler beaucoup d’encre. Il ne pourrait obtenir ces centaines de milliards de dollars que s’il atteignait des objectifs incroyablement ambitieux, promet le CA. Mais une nouvelle analyse montre qu’une partie de ces objectifs ne sont finalement pas si durs à atteindre et que Musk pourrait donc déjà gagner énormément d’argent.

878 milliards de dollars. Voilà la somme totale du plan de rémunération, sous forme d’actions, que Tesla a annoncé pour son CEO Elon Musk, en septembre. Un record en termes de rémunération, dans l’histoire des entreprises. Un chiffre qui posait question par sa démesure. Mais le conseil d’administration (CA) de Tesla a assuré que Musk ne recevrait cette rémunération que par tranches, sur les dix ans à venir, si et seulement si il atteignait certains objectifs hyper ambitieux.

Musk devrait “complètement transformer Tesla et la société comme nous la connaissons aujourd’hui“, indiquait le conseil d’administration. Cela compte pour la robotique et la conduite autonome. Tesla y est active avec ses systèmes d’aides à la conduite avancés et Robotaxis qui roulent sans chauffeur (mais non sans couacs). Tout comme son robot humanoïde Optimus dont la sortie a été maintes fois repoussée. L’entreprise doit ainsi en vendre des millions, sous la direction de Musk.

Mais cela vaut aussi concernant les bénéfices et la valorisation de l’entreprise, que Musk doit décupler. Et s’il n’atteint pas ces douze objectifs “incroyablement ambitieux”, selon le CA, il sera payé “zéro”.

En résumé : les douze travaux d’Hercule. Si durs à réaliser qu’ils méritent bien une rémunération en conséquence.

Objectifs faciles ?

Mais en réalité, il risque néanmoins d’être très bien payé. Même sans atteindre tous les objectifs. C’est ce que montre une enquête de Reuters auprès d’experts des plans de rémunération des dirigeants et de la robotique et conduite autonome. Certains des objectifs ne seraient pas si difficiles à atteindre. Musk pourrait facilement gagner des dizaines de milliards de dollars. Or, une rémunération trop élevée par rapport à la performance peut être un danger pour le cours de l’action, et donc les actionnaires. Chez Stellantis, le salaire de Carlos Tavares avait fait polémique chez les actionnaires.

Rien qu’en atteignant les deux premiers objectifs, Musk obtiendrait l’équivalent de 26,4 milliards de dollars. Tesla doit atteindre le cap de 20 millions de véhicules vendus et livrés et avoir dix millions d’abonnés actifs à son programme appelé Full Self Drive (assistants de conduite avancés). En bourse, Tesla doit aussi valoir 2.500 milliards de dollars (le double d’aujourd’hui).

Cette paie serait alors déjà plus qu’ont reçu comme plan de rémunération les huit CEO les mieux payés après lui – ensemble – sur toute leur vie. Ils comprennent par exemple Mark Zuckerberg de Meta, Larry Ellison d’Oracle, Tim Cook d’Apple ou encore Jensen Huang de Nvidia.

Le premier objectif (20 millions de véhicules vendus et une valorisation de 2.000 milliards en bourse) serait même exceptionnellement facile à atteindre, selon les experts. Tesla doit vendre à peine 1,2 million de voitures par an pour y arriver, pendant dix ans… En 2023 et 2024, Tesla avaient déjà vendu 1,8 million de véhicules environ.

Ensuite : le cours en bourse doit augmenter de 60% en dix ans… soit moins que la hausse du cours depuis avril à aujourd’hui. S’il coche les deux cases, Musk empoche 8 milliards de dollars. Puis pour le deuxième objectif, le Full Self Drive, il y a déjà environ trois millions d’utilisateurs aujourd’hui, rien qu’aux États-Unis.

Révolution, vraiment ?

Et c’est juste un objectif de ventes, même pas un objectif de développement d’une voiture réellement capable de conduire toute seule (cela reste des assistants de conduite aujourd’hui). Pareil pour le million de robots et taxis autonomes que Tesla doit vendre ou avoir en opération d’ici 2035. L’objectif est vague, selon les experts. “Bots vendus”, cela ne précise pas qu’il doive s’agir d’un robot humanoïde. Il peut s’agir de n’importe quel “produit physique mobile utilisant l’intelligence artificielle”. Alors que les investisseurs s’attendent justement à Optimus. Pour les taxis, il est indiqué qu’il ne peut pas y avoir de conducteur humain dans le véhicule. Mais cela n’empêche pas une manipulation à distance ou par une personne présente ailleurs dans le véhicule, comme c’est le cas aujourd’hui à Austin au Texas.

On serait alors loin de la révolution de Tesla et de la société promise par le conseil d’administration. Et néanmoins, si l’entreprise vend ce million de robots et exploite ce million de taxis dans dix ans, et qu’elle vaut 3,5 milliards de dollars en bourse, Musk met la main sur un total 92,8 milliards de dollars.

Le reste des objectifs concerne l’ebidta : par paliers, de 50 milliards à 400 milliards. Et la valeur boursière, par paliers de 500 milliards de dollars. Donc si Tesla gagne 400 milliards de dollars par an d’ici 2035 (16,6 milliards gagnés en 2024) et que le constructeur vaut 8.500 milliards de dollars en bourse, Musk gagne un total de 878 milliards de dollars. Affaire à suivre.

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