Rudy Aernoudt
“Les entreprises dirigées par des hommes, moins rentables?”
Dans le cadre de la Journée internationale de la femme, le 8 mars dernier, on a abondamment parlé et écrit sur les différences de salaire selon le genre. Et les conclusions restent sans appel : les femmes gagneraient jusqu’à 30 % de moins que les hommes.
Cela étant, il serait peut-être judicieux de s’intéresser également à celles qui ne sont pas employées mais génèrent leurs revenus grâce à la création d’entreprise. Les sociétés dirigées par des femmes sont-elles moins rentables que celles dirigées par des hommes ? Et les investisseurs ont-ils plutôt tendance à faire confiance à ces derniers ?
Commençons par la dernière question. On le sait, les gestionnaires de fonds qui investissent dans du capital-risque sont animés par le rendement. Pour cette raison, ils recherchent les meilleures opportunités sur le marché. Or, ces opportunités semblent se trouver du côté des entreprises dirigées par des hommes. D’après les statistiques, 97,3 % de toutes les sociétés européennes qui obtiennent des capitaux à risque sont en effet gérées par des hommes. Sous l’angle des montants investis, la tendance est encore plus marquée : 98,7 % des financements européens par capital-risque vont à des entités ayant un homme à leur tête. Rien de vraiment étonnant lorsque l’on sait que 94 % des gestionnaires de fonds sont aussi des hommes.
La leçon à retenir ? Le monde des investissements reste un univers d’hommes, gérés par des hommes, qui font davantage confiance à des hommes. Voilà pourquoi une initiative telle que ” We are Jane “, qui vise à la création d’un fonds d’investissement par et pour des femmes, paraît plutôt la bienvenue. D’autant que le monde bancaire semble accablé du même mal. Le pourcentage de refus de crédit aux entreprises dirigées par des femmes y est plus élevé de 5 à 6 %. Le taux d’intérêt attribué est, lui, plus élevé en moyenne de 0,5 %. Et les montants consentis sont inférieurs en moyenne de 28 %. Des enquêtes ont par ailleurs permis de démontrer que lorsqu’une CEO était remplacée par un homologue masculin, les conditions de crédit s’amélioraient.
Pour chaque dollar investi, les entreprises féminines ont généré 78 cents sur cinq ans, contre moins de la moitié pour leurs homologues masculins.
Sur la base d’un échantillon représentatif, le Boston Consulting Group a également calculé que, dans les entreprises fondées par des femmes, le montant d’investissement moyen était de 935.000 dollars. Soit un montant plus de moitié inférieur à celui investi dans les entreprises fondées par des hommes, à savoir 2,1 millions de dollars. Là encore, la préférence est manifeste, bien que la question de la demande puisse également influer sur ce résultat.
Pourtant, il apparaît aussi dans cette étude que les entreprises qui ont été fondées par des femmes ont généré au fil du temps, et malgré un montant d’investissement plus faible, 10 % de revenus supplémentaires : 730.000 dollars contre 662.000 dollars cumulés sur une période de cinq ans. Pour chaque dollar investi, les entreprises ” féminines ” ont ainsi généré 78 cents sur cinq ans, contre moins de la moitié pour leurs homologues masculins, à 31 cents. Quant au rendement moyen, il s’est élevé à 11,4 % pour les entités dirigées par des femmes, contre seulement 4,4 % pour celles dirigées par des hommes. En d’autres termes, investir dans une société avec une femme à sa tête se révèle bien plus rentable que si elle était dirigée par un homme.
Les banques aussi ont donc tout faux. Surtout quand on sait que les femmes remboursent également mieux leurs crédits que les hommes. Une étude sur le peer-to-peer lending, menée sur la base de 50.000 crédits, a montré que le taux de défaut s’élevait à 4,9 % chez les emprunteurs, contre 3,4 % pour les emprunteuses. Selon la réglementation de Bâle, les femmes devraient dès lors bénéficier de meilleures conditions de crédit que les hommes.
D’ailleurs, ce que les financiers semblent avoir du mal à intégrer, le grand public, lui, le comprend bien. En effet, aujourd’hui, la plupart des financements participatifs vont à des entreprises dirigées par des femmes. Preuve que les modèles financiers avancés et l’intelligence masculine sont parfois bien à côté de la plaque…
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