Les défis de Volkswagen face à l’offensive chinoise

Une Audi E5 Sportback a été conçue sur base de la technologie fournie par SAIC, un concurrent chinois. Elle apparaît sans les célèbres anneaux de la marque allemande. © PG
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Numéro deux mondial, Volkswagen doit apprendre de la concurrence chinoise et revoir sa stratégie. Sous peine de décrocher du peloton de tête.

Avec l’annonce au Salon de Munich de modèles des marques VW (ID.Polo et ID.Cross), Cupra et Skoda, commercialisés à un prix abordable qui avoisinera les 25.000 euros, le groupe Volkswagen cherche à anticiper l’offensive des voitures chinoises en Europe.

Parmi les nombreux défis qu’elle devra relever, l’entreprise allemande veut proposer une voiture à la fois populaire et rentable. Deuxième constructeur mondial, Volkswagen subit aussi la crise des taxes douanières imposées par Donald Trump, et doit constater son déclin en Chine, son principal marché, où il a perdu 10% en 2024.

Numéro 2 mondial

Avec neuf millions de voitures vendues en 2024, le groupe Volkswagen est le numéro 2 mondial de l’industrie automobile derrière Toyota.

Marques présentes dans le groupe VW : Volkswagen, Audi, Skoda, Seat, Porsche, Lamborghini, Bentley, Ducati, Traton (Scania, Man).
Chiffre d’affaires : 324,7 milliards d’euros (+ 0,7%).
Bénéfice net : 12,394 milliards d’euros.
Effectifs : 680.000 salariés.
Implantations : 115 usines dans le monde.

(Données pour 2024)

Les acteurs chinois s’imposent à Munich

Cependant, la position du groupe automobile reste solide en Europe, avec 28% de part de marché. Le lancement d’une série de voitures électriques à prix contenu pourrait l’aider à maintenir ce niveau, et même l’aider à le consolider l’avenir.

C’était une action indispensable car la pression chinoise n’a pas faibli avec l’arrivée d’une surtaxe sur les voitures électriques chinoises, pour subsides illicites. “En 2024, les modèles chinois ont atteint 394.600 nouvelles immatriculations, indique l’expert allemand Matthias Schmidt. Ce volume devrait être dépassé après seulement huit mois cette année.” Il estime aussi que MG (groupe SAIC) pourrait dépasser Fiat. Une voiture électrique “made in China” paie jusqu’à 47% de taxes pour entrer dans l’Union européenne. Cela explique la présence massive des marques chinoises au Salon de Munich.

Xpeng, qui produit des électriques premium, s’était installé en face du stand Volkswagen, et y annonçait une berline sportive, la Next P7, qui viendra chatouiller les Audi du groupe VW. Leapmotor a présenté une compacte électrique, la B05, concurrente de la Volkswagen ID.3, dont le prix pourrait se situer sous les 30.000 euros. Avec l’ambition de doubler les ventes en Europe de Leapmotor, soit 120.000 voitures l’an prochain, et 240.000 en 2027.

Le stand le plus spectaculaire était celui de BYD, aussi vaste que ceux des constructeurs allemands. La vice-présidente exécutive du groupe, Stella Li, en charge de l’international, y a parlé de la montée en puissance du constructeur en Europe. BYD va étendre son réseau à un millier de points de vente. Il multiplie les modèles vendus et en a annoncé un nouveau, la Seal 6 DM-i Touring, une hybride avec une autonomie de 1.350 kilomètres. L’annonce illustre une stratégie des constructeurs chinois pour contourner la surtaxe européenne en vigueur pour les électriques : multiplier les modèles hybrides, non concernés par cette mesure douanière.

La stratégie des constructeurs chinois pour contourner la surtaxe européenne sur les électriques : multiplier les hybrides, non concernés par cette mesure douanière.

Arrêter la tendance à la baisse

Malgré ces vents contraires, les experts restent optimistes. “Les constructeurs allemands ont appris l’importance des véhicules électriques. Ils ont beaucoup appris de la Chine, relève Ferdinand Dudenhoeffer, directeur du CAR (Center Automotive Research). Ils essaient de concurrencer la vitesse chinoise sur la qualité des voitures. Ce que l’on voit chez Volkswagen est très encourageant, chez BMW et Mercedes aussi. Cela donne l’espoir de voir s’arrêter, d’ici un ou deux ans, la tendance à la baisse sur le marché chinois.” Une nécessité vitale car les ennuis en Chine se répercuteront en Europe.

Affronter tous ces défis ne se fait pas sans peine pour le groupe Volkswagen. La première tâche consiste à freiner le recul de la rentabilité globale. La marge opérationnelle a baissé de 7,9%, en 2022, à 5,9%, en 2024. Il n’est plus possible, comme après le covid, de monter les prix.

Fin 2024, un plan de réduction des effectifs en Allemagne a été négocié. Établi sur cinq ans jusqu’en 2030, il concernera 35.000 personnes. De son côté, la capacité de production sera réduite de 734.000 unités, pour faire face au recul du marché européen. La fermeture de l’usine Audi de Forest est incluse dans cette restructuration globale du groupe qui doit permettre, selon les estimations internes, un gain annuel de 4 milliards d’euros.

Migraine américaine

Les États-Unis, où Volkswagen possède plusieurs usines employant 20.000 personnes, provoquent aussi des migraines à Oliver Blume, le CEO du groupe. Il n’est pas ravi des taxes de 25% imposées depuis peu à l’importation par Donald Trump, et qui affectent non seulement une partie des ventes, mais aussi certains modèles que VW doit importer outre-Atlantique pour les commercialiser. Pour obtenir des droits de douanes plus favorables, Oliver Blume serait prêt à investir dans des usines américaines pour y assembler des Audi.

Sur le marché chinois, qui représente un tiers des ventes du groupe, le constructeur allemand tente de contrer son déclin, qui touche aussi ses concurrents compatriotes BMW et Mercedes.

Le Salon de Munich a d’ailleurs été l’occasion, pour BMW et Mercedes, d’annoncer une riposte. Tous les deux ont présenté une nouvelle génération de voitures électriques. Avec des performances améliorées, une autonomie allant jusqu’à 800 kilomètres et une architecture software avancée. Mercedes a aussi présenté sa plateforme MB.EA, qui a servi au SUV GLC EV, lancé au salon munichois. Du côté de BMW, la plateforme “Neue Klasse” fera ses débuts avec le SUV iX3. Ces deux modèles visent non seulement le marché européen, où ils veulent grappiller des parts de marché aux modèles Tesla, mais encore plus le marché chinois.

Changement de paradigme

Chez Volkswagen, le CEO a donné plus d’autonomie à ses implantations en Chine, afin d’y retrouver des couleurs. Une plateforme électrique locale y est développée, bien moins chère que celle conçue en Europe utilisée actuellement. Une alliance a été signée avec un jeune concurrent, Xpeng, très innovant dans les électriques, pour accéder à une architecture à la fois dans des modèles électriques que des hybrides et thermiques. Elle a été scellée par une prise de participation de 4,99%, soit 700 millions d’euros.

C’est donc un changement de paradigme. Alors que le groupe VW s’était imposé en Chine grâce à sa compétence technologique “made in Germany“, il va maintenant chercher des technologies chez ses concurrents et partenaires, comme SAIC Motors, avec qui il construit des voitures en joint-venture depuis des décennies. Une Audi E5 Sportback a été conçue en 18 mois, basée sur la technologie fournie par SAIC, du moteur aux systèmes multimédia. Un modèle taillé pour la Chine, avec un logo spécifique, sans les fameux anneaux de la marque.

Les accords ne prévoient pas d’utiliser ces partenariats avec des entreprises chinoises en Europe, mais qui sait ?

D’autres constructeurs européens ont franchi le Rubicon. Renault est allé en Chine pour développer de manière accélérée sa Twingo électrique, dont le lancement est prévu l’an prochain.

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