Les chaussures belges Maniet se développent au pas de course
Le groupe wallon, qui exploite les enseignes Maniet et Luxus, va augmenter d’un tiers son parc de magasins. De sérieux investissements dans un secteur qui connaît pourtant une augmentation des achats en ligne. Mais l’entreprise croit en sa stratégie omnicanal. Un nouveau “webshop” est prévu pour avril.
C’est un endroit stratégique. Le centre névralgique de la maison Maniet. Chaque jour partent de là des centaines et des centaines de paires de chaussures en direction des 33 magasins du groupe. 6.500 m2 pour un entrepôt flambant neuf situé à Nivelles, au nouveau siège de l’entreprise. C’est ici également que sont préparées les commandes passées en ligne. ” Cela devenait compliqué avec notre ancien entrepôt de Wavre qui était trop petit, assure George Vanderplancke, le CEO. Nous devions louer d’autres dépôts de stockage, ce qui n’était pas du tout pratique. ” Voilà donc le groupe à nouveau à l’aise dans ses chaussures. Prêt à s’étendre.
Et ce ne sont pas les projets qui manquent. Rien que cette année, l’entreprise souhaite ouvrir neuf à 11 points de vente, soit une augmentation d’un tiers du nombre de ses magasins. ” C’est une prise de risque, reconnaît le patron. Mais des opportunités se sont présentées et nous avons décidé de les saisir. ” Maniet va ainsi reprendre cinq magasins Avance au groupe flamand Euro Shoe qui a décidé d’abandonner le moyen-haut de gamme pour se concentrer sur son enseigne Shoe Discount (qui deviendra Bristol). La famille est par ailleurs en train de construire trois Luxus, et elle va ouvrir un Maniet dans le centre commercial carolo Rive Gauche. Elle est en attente d’un permis pour deux autres points de vente.
Si l’entreprise a décidé d’investir pour s’étendre, c’est en raison de sa bonne santé. Elle parvient en effet à augmenter son chiffre d’affaires chaque année en maintenant son stock au même niveau et gagne ainsi en efficacité. En 2016, son chiffre d’affaires hors TVA s’élevait à 59,8 millions d’euros. Et la rentabilité est aussi au rendez-vous avec un bénéfice net sur chiffre d’affaires de 2,79 % en 2015. Si on regarde le cash-flow net de l’année, on arrive même à 6,79 %. Les bénéfices restant dans l’entreprise, la solvabilité ne fait qu’augmenter et a atteint plus de 51 % en 2015. Moins de la moitié des moyens de financement sont donc empruntés. Du coup, les disponibilités financières sont confortables, dépassant les 5,5 millions d’euros. L’entreprise est donc mûre pour investir. Avec des taux d’intérêt encore historiquement bas et à rentabilité constante, il a toute la capacité voulue pour croître.
Une sélection minutieuse
Mais quelle est la recette du succès, dans un secteur qui est pourtant sous pression avec un recul du marché de l’équipement de la personne et une augmentation des achats en ligne sur des pure players étrangers tels Zalando, Sarenza, etc. ? ” Je pense que nous avons le bon produit, lance George Vanderplancke. Avec une politique de choix, de qualité et de service. ” Et Pascale Maniet, son épouse qui s’occupe notamment des achats, d’embrayer : ” Les Belges sont très sensibles à la qualité. ” Mais n’est-ce pas tout de même un peu compliqué d’occuper le créneau du milieu de gamme ? ” Quand on est dans ce segment, il faut savoir naviguer, indique Pascale Maniet. Tout réside dans le travail de sélection, qui dure trois mois par saison. On ne va pas uniquement chez nos fournisseurs habituels. Et puis on récolte tous les échantillons et on les essaie tous pendant une semaine avant de choisir. ”
L’importance du travail de nuit
Torfs sature en Flandre, et va venir en Wallonie. Et nous, nous allons bientôt saturer en Wallonie, et nous allons donc tester le marché flamand.” George Vanderplancke, CEO de Maniet
Autre ” avantage ” pour le groupe : son double positionnement avec deux enseignes, Maniet et Luxus. Les produits sont les mêmes dans les deux chapelles, c’est plutôt dans l’approche client et la localisation que réside la différence. Les magasins Maniet sont situés en centre-ville, dans les department stores Galeria Inno et dans les centres commerciaux ; tandis que les Luxus sont localisés en périphérie. Disposant d’un parking, il s’étendent sur des surfaces plus vastes. Au niveau de l’approche commerciale, les magasins Maniet se centrent sur le service au client, avec les vendeurs qui vous font essayer les chaussures, vont vous chercher une autre pointure, etc. ; et les Luxus mettent en avant le libre- service. ” Au niveau marketing, c’est peut-être embêtant d’avoir deux enseignes car cela coûte plus cher si on veut faire une campagne publicitaire, reconnaît Pascale Maniet. Mais d’un point de vue consommateur, c’est beaucoup mieux ! ” George Vanderplancke est lui aussi entièrement partisan de ce double concept. ” Mais il faudrait peut-être donner le même nom aux deux enseignes, ou envisager un ‘Luxus by Maniet’ “, relève-t-il.
Face à des acteurs natifs du Web comme Zalando ou Sarenza, qui proposent des chaussures à des prix très compétitifs, comment faire la différence en tant que chaîne de magasins physiques ? Grâce à une stratégie omnicanal bien pensée. ” Je pense que le magasin physique restera, assure George Vanderplancke. Mais il devra être branché. Si votre pointure n’est plus disponible en magasin, vous devez pouvoir la commander en ligne dans le point de vente et décider de vous faire livrer vos chaussures en magasin ou chez vous. ” L’essentiel est donc de placer le client au centre de sa stratégie. Maniet est d’ailleurs en train d’investir massivement dans l’e-commerce. Un nouveau webshop devrait d’ailleurs être actif dès le mois d’avril avec de nouvelles fonctionnalités et plus d’efficacité. Autre défi en matière d’e-commerce : assurer la rapidité de la livraison. ” C’est là que l’importance du travail de nuit intervient, explique George Vanderplancke. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore de gros volumes, donc cela ne pose pas de gros problème. Mais la rapidité de la livraison est un point important. Et puis à l’avenir, nous devrons avoir un stock spécifique dédié à l’e-commerce, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. ”
Les centres-villes en difficulté
Outre l’e-commerce, la chaîne de chaussures est confrontée à d’autres défis aujourd’hui. Il y a notamment le défi de la localisation. Si, on l’a dit, le fait d’être située à la fois dans les centres-villes et en périphérie constitue sans conteste un atout, il n’en reste pas moins que beaucoup de centres-villes connaissent des difficultés. En raison de leur (semi-)piétonnisation, des centres commerciaux qui s’implantent en périphérie… ” Les attentats ont également eu pas mal de conséquences sur la fréquentation des shopping centers, souligne George Vanderplancke. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne met pas la priorité sur les centres-villes et les shoppings. ”
Il est en revanche une aire de jeu sur laquelle Maniet pourrait bien mettre la priorité à l’avenir : la Flandre. Le groupe wallon est pour le moment surtout présent en Wallonie, tandis que le nord du pays est plutôt couvert par son concurrent Torfs, qui occupe le même segment moyen-haut de gamme. Mais les deux enseignes pourraient nourrir des ambitions nationales. ” Torfs sature en Flandre, et va venir en Wallonie, assure George Vanderplancke. Et nous, nous allons bientôt saturer en Wallonie, et nous allons donc tester le marché flamand. ”
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