Les abris belges Maggie peuvent servir de classe de cours
Des centaines d’enfants vivant dans des camps de réfugiés à travers le monde sont scolarisés dans des bâtiments scolaires temporaires et innovants qui ont vu le jour à Louvain. Les “Maggie Shelters” du bureau d’architectes DMOA ont même eu droit à une exposition au MoMa de New York.
Benjamin Denef et Matthias Mattelaer sont les deux associés de DMOA, un bureau d’architectes fondé en 2009 et comptant une quinzaine d’employés. Sa spécalité est l’architecture complexe sur mesure. Les associés aiment aussi développer des projets plus classiques mais aussi expérimenter de nouveaux concepts à vocation sociale. C’est ainsi qu’est né, parmi tous ces projets, l’abri Maggie. On pourrait définir ce dernier comme une tente qui peut être montée rapidement mais avec la solidité d’un bâtiment permanent.
L’histoire du nom est en revanche plus cocasse puisqu’il est venu à l’esprit des deux associés lorsqu’ils écoutaient la radio dans leur voiture et qu’un reportage était consacré à Maggie De Block, l’ancienne ministre de la Santé. “Maggie sonnait tellement solide, robuste et sûr qu’il ne pouvait s’agir que de cela, se souvient Benjamin Denef. Avec un clin d’œil bien sûr puisque je l’ai rencontrée une fois et je lui ai offert un modèle de Maggie. Elle l’a trouvé charmant.”
“La tente est constituée d’un polyester tissé recouvert d’une couche de PVC. Il s’agit en fait de voiles qui peuvent être recyclées ultérieurement, comme toutes les pièces de la tente, décrit Benjamin Denef. Cette voile, mais aussi l’aluminium et d’autres pièces, sont produites par des entreprises belges (la voile est fait par Sioen). Elle peut surtout supporter de très grandes différences de température et il y a, à chaque fois, une bâche intérieure et extérieure. En fonction du climat, nous remplissons différemment l’espace entre les toiles intérieure et extérieure. Nous faisons de même avec le toit. Dans un pays chaud comme le Cameroun, la tente est équipée d’un double toit à travers lequel l’air chaud circule, afin que cette chaleur ne se ressente pas à l’intérieur. En Belgique, nous remplissons l’espace entre les toits intérieur et extérieur avec de la laine minérale. Dans un autre pays, cette laine peut être enlevée. A l’étranger, les murs sont souvent remplis d’argile ou de sable, voire de déchets plastiques que l’on peut trouver localement.”
Cette tente peut être fabriquée en petite ou en grande quantité.
De la Belgique vers le Sud
Innover dans le secteur du développement n’est pas évident, selon Benjamin Denef, parce que les budgets sont consommés à court terme et que le gouvernement interdit généralement la construction de bâtiments permanents dans un camp de réfugiés temporaire.
“Il n’est pas permis d’utiliser de la brique ou du béton dans le cadre de l’aide humanitaire. Seules les solutions temporaires comme les tentes et les conteneurs sont autorisées. Mais quand on sait que les gens sont là pour 14 ans ou plus, dans des régions où les conditions climatiques sont difficiles, on a vraiment besoin de bâtiments plus solides. Maggie ressemble à une tente et peut être montée aussi rapidement, mais elle a la qualité d’un véritable bâtiment. Nous avons innové en créant une tente que les bénévoles peuvent monter et remplir de matériaux locaux pour lui permettre d’affronter tous les types de tempêtes. Cette tente peut s’adapter aussi bien aux pays chauds qu’à ceux possédant un climat hivernal, en Irak par exemple. Grâce à l’isolation, Maggie est utilisable dans la neige et à des températures glaciales”, affirme Benjamin Denef.
Pour financer les premiers refuges Maggie – l’activité est organisée en ASBL, les deux associés ont sollicité l’aide de grandes entreprises. C’était nécessaire pour démarrer, mais à long terme, un modèle économique plus durable s’imposait. “Les écoles en Belgique, ou dans d’autres pays du Nord, qui ont besoin d’un hébergement temporaire en raison d’une rénovation paient un loyer au prix du marché pour disposer d’un abri Maggie. Après trois ou quatre ans, la tente est remboursée, l’école n’en a plus besoin et nous pouvons faire don de l’abri Maggie à un projet de développement dans le Sud, explique Benjamin Denef. Les réfugiés peuvent participer à la construction de la tente, ce qui leur permet de gagner un petit revenu.”
“Notre innovation consiste à créer une tente qui peut être remplie de matériaux locaux jusqu’à ce qu’elle soit à l’épreuve des tempêtes.” – Benjamin Denef, DMOA
L’abri Maggie, construit en 2020 pour servir de salle de cours pour l’école primaire libre Sint-Nobertus à Heverlee, a pris la direction du Congo après quatre années d’utilisation. Les Maggie qui ont servi pour De Kraal Schaffelkant, à Herent, datent de 2021 et 2023 et serviront ensuite à des projets en Gambie.
Une école à Kakuma
Ce n’est pas seulement la technologie innovante qui rend l’abri Maggie si spécial, c’est surtout l’impact qu’il a sur la vie de ses utilisateurs. On peut trouver des abris Maggie en Belgique, en Irak et au Kenya. Dans ce dernier pays, il s’agit d’un projet pour le camp de réfugiés de Kakuma. Benjamin Denef a entendu parler à la radio des projets de Koen Timmers, un professeur de technologie qui mettait en place un réseau mondial d’enseignants pour enseigner l’informatique et le développement numérique à Kakuma. Le fondateur de Maggie l’a alors appelé pour une collaboration. Pendant que Koen Timmers s’occupe de l’offre de cours, DMOA construit l’école qui les accueillera.
“Notre rapidité d’exécution et nos faibles frais généraux nous permettent de nous démarquer dans le secteur, affirme Benjamin Denef. En tant que petit partenaire, vous pouvez générer un effet boule de neige. L’école pour les réfugiés yézidis au Kurdistan irakien existe depuis sept ans. Ces personnes sont hébergées sur le territoire kurde, mais elles n’ont pas pu construire une école primaire permanente. Pendant la journée, Maggie s’occupe de l’éducation des enfants traumatisés. Le soir, des cours destinés aux adultes sont dispensés ; le week-end, des fêtes sont organisées. Il s’y passe énormément de choses.”
L’abri Maggie a reçu de nombreux honneurs. Une exposition lui a été consacré au prestigieux musée MoMa de New York et il a remporté le Henry Van de Velde Award, le prix de design le plus réputé de Belgique. Depuis, DMOA a ajouté un autre atout à son abri. “Nous constatons que les entreprises veulent participer à plus d’actions caritatives, en les associant à des expériences pour leur personnel. Si une entreprise finance un abri Maggie dans un pays en voie de développement, une équipe de collaborateurs peut également se rendre sur place pour aider à construire la tente.”
Le “Maggie Shelter” illustre à merveille comment une petite organisation peut apporter de l’innovation dans un milieu aussi difficile que l’aide au développement, grâce à une idée intelligente et à une pensée systémique. Grâce aux Louvanistes, des enfants du monde entier pourront ainsi apprendre et se développer dans une salle de cours agréable et de qualité.
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