Legoland: “Il n’y a pas de place en Belgique pour un autre grand parc d’attractions”

Sebastien Marien Stagiair Data News 

Il n’y aura finalement pas de Legoland sur les terres abandonnées de Caterpillar à Gosselies, près de Charleroi. Merlin Entertainments a abandonné son projet. Ce n’est pas une surprise pour Jack Schoepen, consultant indépendant dans le domaine des parcs d’attractions.

Les fans de Lego auraient aimé se rendre à Charleroi pour passer une journée dans un monde de cubes de couleurs et des attractions. Mais le site de l’usine désaffectée de Caterpillar restera désert à Gosselies pendant encore un certain temps. L’investisseur potentiel, Merlin Entertainments, s’est retiré. Une décision douloureuse pour le gouvernement wallon, qui avait promis 100 millions d’euros pour le projet. La région est privée de près de 1 500 emplois potentiels. Cela fait mal. Un peu comme marcher pieds nus sur un Lego…

Avec le projet Legoland, le gouvernement wallon avait vu une occasion de stimuler l’économie de cette région. Au mois d’août dernier, dans la presse, les politiciens avaient réagi avec enthousiasme, lors de la signature par Merlin Entertainments d’une lettre d’intention non contraignante. Mais déjà à l’époque, de nombreux analystes avaient des doutes. Ils ont eu raison, puisque Merlin a retiré son projet.

“Le parc était condamné d’avance. Il s’agissait d’un investissement d’une ampleur inégalée pour un parc à thème dans notre pays. De 370 à 400 millions d’euros, et ce dans un endroit où un grand parc d’attractions ne fonctionnerait tout simplement pas”. C’est ce qu’affirme Jack Schoepen, fils de feu Bobbejaan. Il a été responsable des opérations quotidiennes de Bobbejaanland pendant de nombreuses années et est aujourd’hui consultant indépendant dans le domaine des parcs à thème.

Qu’est-ce qui ne va pas exactement dans cet emplacement?

JACK SCHOEPEN. “En Belgique, il n’y a plus de place pour un grand parc d’attractions. La concurrence est devenue trop forte, de sorte qu’un énorme investissement ne peut pas être rentabilisé. Legoland coûterait plus cher que ce qui a été investi dans un parc Plopsa. En ce sens, c’est une bonne chose que la Wallonie n’ait pas dépensé les 100 millions d’euros promis, car ce parc n’aurait jamais atteint ses objectifs.

“1,5 à 2 millions de visiteurs par an, où Merlin Entertainments trouve-t-il ces chiffres ? C’est autant que le nombre de personnes qui se rendent au parc Legoland près de Günzburg, en Bavière. N’oublions qu’en même pas que Legoland Charleroi serait en concurrence avec ce parc allemand. Le parc belge attirerait également beaucoup moins de visiteurs de la région. Cela s’explique en partie par le fait que les Bavarois sont prêts à dépenser plus d’argent pour ce type de loisirs. Après tout, l’économie fonctionne mieux dans cette région. En revanche, Legoland, en Belgique, se heurterait à Pairi Daiza, qui se trouve à proximité. Un zoo est évidemment un parc très différent, mais il faut s’attendre à ce qu’il soit un concurrent.

Studio 100 a des projets de nouveaux parcs, n’est-ce pas ?

SCHOEPEN. “C’est vrai, mais il y a une différence importante entre les petits parcs aquatiques ou intérieurs, d’une part, et les grands parcs d’attractions comme celui de La Panne, d’autre part. Un parc comme celui de La Panne, il n’y en aura pas de deuxième dans notre pays. Le marché est saturé, c’est pourquoi Studio 100 investit maintenant dans des parcs en Pologne et en République tchèque. Le groupe a d’ailleurs fait un excellent travail avec Majaland et est en train de prendre de l’ampleur au-delà des frontières belges et néerlandaises.

Merlin Entertainments déclare vouloir investir davantage dans ses parcs actuels et dans les autres projets en cours.

SCHOEPEN. Seuls les chiffres comptent. Le projet de Legoland Charleroi a été lancé en 2020, en pleine pandémie. Je ne connais pas leur « cuisine interne », mais on peut supposer que le projet n’était pas encore très concrétisé. Ils pariaient sur plusieurs chevaux à la fois. Parallèlement à Charleroi, des projets de parcs aussi coûteux ont été lancés en Chine. C’est un marché plein d’opportunités de croissance où le concept de Legoland peut tout à fait fonctionner.

Êtes-vous en train de dire que le gouvernement wallon a été naïf ?

SCHOEPEN. “Oui, d’y avoir cru. L’année dernière, le gouvernement wallon n’avait sur papier qu’une déclaration d’intention… et pourtant, les politiciens s’étonnent aujourd’hui que ce géant fasse machine arrière. Merlin mise sur plusieurs chevaux, alors que la Wallonie a tout misé sur Legoland.

“Il est également frappant que le gouvernement wallon ait voulu investir 100 millions d’euros : un véritable cadeau que peu d’autres entrepreneurs ont reçu. Merlin obtiendrait facilement les autorisations, alors que ce n’est normalement elles sont difficiles à obtenir. Le géant britannique des parcs à thème s’est vu accorder tous ces privilèges comme ça. En réalité, la Wallonie a été crédule dès le départ. Les chiffres de fréquentation attendus étaient irréalistes, de plus je doute aussi de cette histoire de création d’emplois”.

Merlin a parlé de 800 nouveaux employés et de 640 emplois indirects.

SCHOEPEN. “Cela semble bien, surtout si l’on considère les problèmes auxquels la région est confrontée, mais ce n’était pas réaliste. Prenons l’exemple de Bobbejaanland, qui est plus petit que Legoland – 30 hectares contre 70 – mais qui compte moins de 200 employés permanents. Efteling est à peu près de la même taille que le site de Charleroi et compte quelque 2 500 employés permanents, mais Efteling attire 5 millions de visiteurs par an. Pourquoi Legoland voulait-il employer ces 800 personnes ? Et ces personnes continueront-elles à travailler en hiver ? C’est très difficile pour un parc en Belgique”.

Les 100 millions d’euros de la Wallonie ne vont-ils pas convaincre d’autres constructeurs de parcs à thème ? Avez-vous aussi des ambitions dans ce domaine ?

SCHOEPEN. “Je n’installerai jamais un parc d’attractions en plein air ici, car ce marché est saturé. Il n’attirera pas non plus d’autres investisseurs du secteur des parcs d’attractions. Le gouvernement wallon ferait donc mieux d’élaborer un nouveau plan pour ce site. Même si on me donnait gratuitement le site de Caterpillar, je n’y construirais pas de parc d’attractions. Je crois que c’est clair.

Un géant britannique

Merlin Entertainments est une société privée britannique qui possède 16 parcs à thème. Onze de ces parcs portent le nom de Legoland, dont quatre sont situés en Europe. Ces dernières années, les Britanniques se sont fortement concentrés sur l’expansion : cinq nouveaux parcs étaient prévus jusqu’à la mauvaise nouvelle concernant le parc belge. Trois complexes chinois devraient ouvrir en 2024, un quatrième un an plus tard et l’ouverture à Charleroi qui était prévue pour 2027.

Depuis novembre 2022, Merlin Entertainments a un nouveau PDG : Scott O’Neil, un homme qui a de l’expérience dans l’industrie du divertissement sportif. Selon les chiffres de Statista, Merlin Entertainments a réalisé un chiffre d’affaires de 1,26 milliard de livres sterling en 2021. C’est plus que lors de l’année catastrophique de 2020, où elle avait récolté 0,63 milliard, mais en 2019, l’entreprise avait encore réalisé un chiffre d’affaires de 1,74 milliard de livres sterling et jusqu’en 2019, Merlin a vu ses revenus augmenter chaque année.

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