“L’écocide dans le Code pénal, c’est bien plus qu’un toilettage de texte”
Nathalie Colette-Basecqz, professeure de droit pénal à l’UNamur, souligne l’impact important de l’inscription du crime d’écocide dans le Code pénal belge.
Le gouvernement fédéral a validé récemment un avant-projet de réforme du Code pénal, déposé par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD). Ce texte, qui sera débattu au parlement au début de l’année prochaine pour une entrée en vigueur en 2025, prévoit l’inscription du crime d’écocide dans le Code pénal. Nathalie Colette-Basecqz, professeure de droit pénal à l’UNamur et directrice du centre de recherche Vulnérabilités et Sociétés, commente l’impact de cette décision.
Les dommages environnementaux sont déjà punissables. Que va donc apporter la qualification de crime d’écocide à notre arsenal juridique ?
Cette nouvelle qualification permettra d’agir dans un spectre à la fois plus large et plus spécifique. Actuellement, pour poursuivre pénalement, il faut se couler dans des qualifications parfois très différentes, l’empoisonnement par exemple, et être bien dans les clous des éléments constitutifs de ces qualifications. La réforme permettra de poursuivre une grande variété de comportements qui peuvent mener à des catastrophes écologiques. C’est beaucoup plus qu’un simple toilettage de texte ou une reconnaissance symbolique.
Quels sont les contours de ce spectre plus large dont vous parlez ?
Les actes ayant causé des dommages environnementaux graves, étendus et à long terme pourront être poursuivis. Cela inclut les répercussions sur la santé humaine, la biodiversité ainsi que sur les ressources naturelles, culturelles ou économiques, c’est donc effectivement très large. Ces éléments ne pourront toutefois être retenus que si les actes ont été commis intentionnellement, avec une conscience du risque de provoquer un désastre écologique.
On retient souvent la fonction punitive du droit pénal. Mais il y a aussi les fonctions préventives et éducatives. En l’occurrence, à l’heure où toute la planète se mobilise sur les enjeux écologiques, le droit pénal vient prêter main-forte à ce mouvement. Le risque de sanction pénale, avec des peines pouvait aller jusqu’à 20 ans de prison, doit dissuader les personnes de commettre de tels actes, c’est un outil préventif qui peut très bien fonctionner.
Les dégâts écologiques étant souvent, par nature, transnationaux, une législation nationale a-t-elle vraiment du sens ?
L’option d’attendre une extension des compétences de la cour pénale internationale aux crimes d’écocide a été évoquée. Les experts sollicités par le gouvernement ont toutefois préconisé d’aller de l’avant et le politique les a suivis. La Belgique sera ainsi le deuxième pays européen après la France (qui range toutefois l’écocide parmi les délits et non les crimes, nous allons plus loin dans les échelles de peine) et le onzième au niveau mondial à introduire le crime d’écocide dans son droit interne.
Le crime d’écocide sera inscrit dans notre code pénal sous le titre portant sur “les violations graves du droit international humanitaire”. En faisant ainsi de l’écocide un crime de droit international, on indique clairement que cela ne dépend pas des compétences des entités fédérées et on évite sans doute des foires d’empoigne pour déterminer quel niveau de pouvoir est compétent dans quelles circonstances. Au vu de notre contexte institutionnel, et des compétences des Régions notamment en matière de protection de l’environnement, cela me semble la voie la plus appropriée.
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