Le réseau de François Blondel (portrait)

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Ne dites pas “investisseur” ou “business angel” mais “entrepreneur”. François Blondel tient à cette appellation pour la dimension d’implication personnelle qu’elle contient. Il s’implique non seulement dans “ses” entreprises mais aussi plus largement dans le tissu économique belge.

Des capitaines d’entreprise qui se proclament “entrepreneurs dans l’âme”, vous pouvez en croiser beaucoup. Mais bien rares sont ceux qui joignent l’action au discours de manière aussi frappante que François Blondel. A une carrière toute tracée chez Petrofina, à l’époque premier groupe industriel belge, il a en effet préféré, à la fin du siècle dernier, les aléas du pilotage d’une petite société basée à Seneffe et qui n’avait encore aucun produit sur le marché. “C’était peut-être un risque considérable (il était alors le père de quatre jeunes enfants, Ndlr), on m’a parfois pris pour un fou mais je n’ai jamais regretté cette décision, raconte-t-il. J’avais en moi, chevillée au corps, l’envie d’entreprendre.”

Dans la vie d’un entrepreneur, il y a tant d’embûches que si vous n’êtes pas profondément enthousiaste, vous n’avez aucune chance.

Après 10 ans passés chez Petrofina, où il avait notamment acquis une magnifique expérience de plusieurs années au Texas, François Blondel a donc remis sa démission pour rejoindre ce que l’on n’appelait pas encore une start-up. IBt employait alors une dizaine de personnes et ambitionnait de développer des implants radioactifs, utilisés dans le traitement du cancer de la prostate. C’est Philippe Janssens (expert de l’Awex) qui l’avait mis en contact avec les scientifiques à l’origine du projet IBt. “Sans s’en rendre compte, il m’a bien aidé à effectuer le grand saut”, confie François Blondel, qui a encore collaboré avec Philippe Janssens notamment chez Celyad (à l’époque Cardio 3) et Nanocyl.

“J’ai tout connu chez IBt, poursuit notre interlocuteur. La R&D, bien sûr, mais aussi, après le lancement du produit, la croissance de l’entreprise, le virage industriel, les ventes, la création de filiales, la cotation en Bourse, etc. Ce fut vraiment une période exceptionnelle.” De cette aventure, il conserve des liens avec des personnalités comme Jean Stéphenne, Jean-Pierre Delwart (ex-Eurogentec) ou Herman Wielfaert (Crea Fund) qui furent administrateurs d’IBt et sont toujours actifs dans le monde des sciences du vivant. L’histoire s’est terminée 10 ans plus tard par une tumultueuse prise de contrôle de l’entreprise par la société allemande Eckert & Ziegler. François Blondel aurait pu en ressortir marri. Mais l’homme préfère regarder de l’avant. “Cette prise de contrôle fut presqu’une bénédiction pour moi, concède-t-il. Sans cela, je n’aurais pas vécu ma troisième vie professionnelle. Dans le parcours d’un entrepreneur, il y a tellement d’embûches que si vous n’êtes pas profondément enthousiaste et optimiste – ce qui ne veut pas dire naïf – vous n’avez aucune chance.”

Son moteur: les rencontres

La troisième vie professionnelle de François Blondel aurait pu être celle d’un consultant et administrateur de sociétés, soucieux de partager largement son expérience des affaires. On le retrouve alors chez Bois Sauvage, Recticel et d’autres. “Très vite, je me rends compte que je me suis trompé, dit-il. Conseiller ne me convient pas, je veux être dans l’action, aux manettes et voir les résultats.” C’est ainsi qu’il reproduira en quelque sorte l’aventure IBt en réinvestissant la valeur créée par cette société dans d’autres projets entrepreneuriaux dans le domaine des sciences du vivant en Wallonie.

Quand il passe en revue ses différents projets, François Blondel ne s’attarde pas sur l’innovation scientifique, sur la découverte ou sur le produit. Mais sur les personnes. “J’investis au gré de mes rencontres, insiste-t-il. Une vie professionnelle vaut avant tout par ceux que nous rencontrons. Cette interaction humaine, c’est la découverte, le partage, la solidarité. L’équipe, c’est la clé d’une réussite entrepreneuriale. Il faut que la chimie humaine agisse. Si vous avez la bonne équipe, vous réussirez quelque chose, même avec un produit ou un service assez moyen. En revanche, sans la bonne équipe, même le meilleur des produits ne fonctionnera pas.” La rencontre avec Jean-Pol Detiffe a donné OncoDNA ; celle avec Carl Mestdagh, Kitozyme, celle avec Houtaï Choumane, KiOmed ; celle avec Cédric Szpirer, Delphi Genetics.

François Blondel est un passionné de jeu d'échecs.
François Blondel est un passionné de jeu d’échecs. “Ils sont la conjonction de la créativité et de la rigueur, deux choses que l’on considère intuitivement comme antinomiques, dit-il. Qu’il ait fallu tant d’années pour qu’un ordinateur batte l’homme à ce jeu est fascinant. Car la mécanique ne suffit pas, il faut de la créativité et c’est ce qui fait la différence de l’être humain.” François Blondel est par ailleurs un grand amateur de bandes dessinées. Il collectionne les planches originales, d’auteurs belges évidemment.© JULIEN POHL-RED22

Les rencontres débordent même du cadre strict de la santé puisque François Blondel a investi dans la protection incendie (Incendin et Ubiteq) avec Saïd Rachidi, un jeune chimiste croisé au centre de recherche Certech ou plus récemment dans le site d’e-commerce de produits sains Kazidomi avec Emna Everard. “Ne dites pas que je suis un business angel, je n’aime pas trop cet angélisme, précise François Blondel. Je suis un entrepreneur. Investir dans des PME requiert une forte implication, au quotidien ou presque.” L’histoire ne devrait pas s’arrêter de sitôt puisque la plus-value générée par la vente de Delphi Genetics au groupe Catalent (en février 2021 pour 55 millions de dollars) devrait être réinvestie, enclenchant ainsi “une spirale vertueuse pour le tissu économique régional”. La volonté de rendre à son pays et à sa région est manifeste chez François Blondel.

Sa mission: le partage

Sa passion entrepreneuriale, il essaie de la partager en s’impliquant aussi dans des instances comme YPO (Young President Organisation) ou “40 under 40”. “Je retrouve chez ces jeunes entrepreneurs l’enthousiasme et la curiosité qui m’ont toujours animé, dit-il. La place de l’esprit d’entreprendre est incomparable avec ce que nous connaissions il y a 20 ans. Aujourd’hui, développer une start-up, cela fait partie du rêve de beaucoup et c’est une excellente chose.” Dans ces cénacles, il côtoie des gens comme Pierre Marcolini, Christophe Gilain (TPF), Paul Haelterman (Carlsberg imports), Dominique Leroy (Deutsche Telekom), François Mairlot (Magetra), José Zurstrassen (M80), Philippe Van Damme (Argifral), Laurent Levaux (Aviapartner, Sogepa), Julien Compère (FN Herstal) ou Eric Everard (Easyfairs). Il conseille par ailleurs Hors Norme, le réseau de (jeunes) entrepreneuses lancé par Clémence Braun. Il s’implique aussi dans les organismes plus classiques comme l’Union wallonne des entreprises, Essencia, Biowin ou l’Awex. N’a-t-il jamais été tenté d’aller un cran plus loin et de mettre un pied dans le monde politique? “J’ai des contacts, et parfois vraiment très bons, avec des personnalités de tous bords, répond-il. Je les utilise pour faire passer des messages, rien ne remplace le contact direct. Mais la politique, ce n’est pas pour moi. J’ai un profil rassembleur.” Nous n’aurons donc pas le détail de ses contacts politiques, afin de ne froisser personne…

Sa passion: son pays

A la lecture de ce parcours, on constate que François Blondel n’est clairement pas l’homme d’un seul projet. “Il y a tant de choses à faire et comme je suis curieux de nature…”, sourit-il. C’est déjà ce besoin de diversité qui, à l’université (UCLouvain), l’avait conduit à étudier les sciences économiques en parallèle de son cursus de droit. De cette époque, il conserve des liens étroits avec André-Xavier Cooreman (membre du comité de direction d’AvH) et Patrick van Ypersele (collaborateur parlementaire des Engagés, ex-cdH), avec lesquels il effectue chaque année une randonnée pédestre de plusieurs jours. Généralement en Belgique car, on ne vous l’a pas encore dit, mais François Blondel adore son pays. Il ne parle pas d’ancrage mais carrément “d’amour”. “J’ai voyagé dans plus de 80 pays, j’ai fait le tour du monde sac au dos à la fin de mes études et si je dois retenir une chose, c’est l’incroyable bonheur de vivre en Belgique, conclut-il. Il faut peut-être aller loin pour en prendre conscience, mais nous vivons vraiment dans un pays de cocagne.” Et s’il y avait un peu plus d’entrepreneurs en série, cela aiderait sans doute ce pays à rester aussi agréable à vivre.

Le resto plutôt que les réseaux

François Blondel est peu présent sur les réseaux sociaux. Il trouve Facebook trop impersonnel et Twitter trop dans l’immédiateté. “Je me limite à LinkedIn, dit-il. Je l’utilise pour faire passer des messages, partager des points de vue, tenter d’amplifier des opinions.”

Il sera plus disert quand on lui demande ses cantines favorites. Si vous êtes en région liégeoise, il vous conseille La Maison de Maitre (Herstal). “L’accueil est chaleureux comme il peut l’être à Liège et le contenu de l’assiette est tout aussi chaleureux”, dit-il. L’argumentaire est le même pour son adresse bruxelloise: Le Mess à Etterbeek. “Il y a de la variété, de la recherche, des produits locaux. C’est hautement recommandé. Enfin, pas trop car je tiens à y trouver encore de la place.”

Rodolphe Collinet (CEO de Carmeuse)

Le réseau de François Blondel (portrait)
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“Je connais François grâce au YPO, un club qui permet à des chefs d’entreprise belge d’échanger par petits groupes et en tout confidentialité. Nous sommes souvent assez seuls au moment de décider, c’est précieux de pouvoir ainsi échanger avec des confrères et des consoeurs. François a l’intelligence d’ouvrir les sujets, de prendre des avis et d’être à l’écoute. Après, in fine, c’est lui qui assume ses décisions, bien entendu. C’est un grand voyageur, cela ouvre l’esprit à d’autres cultures, à d’autres idées. On retrouve cela chez lui.

Même s’il ne le montre pas beaucoup, François est un compétiteur dans l’âme, il aime les défis. Mais il a aussi un grand sens de l’intérêt général. Son aventure industrielle est motivée par l’envie d’apporter une contribution à la région qui l’a vu naître. Il réinvestit beaucoup de ce qu’il a gagné dans des projets pour sa région.”

Bernard Delvaux (CEO d’Etex)

Le réseau de François Blondel (portrait)
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“Nous n’avons jamais travaillé ensemble mais nous nous croisons souvent, notamment à travers l’association de chefs d’entreprise YPO. François est très soucieux de l’intérêt général, de toutes ces matières qui font que nous pouvons bien vivre en société. Nous parlons de la précarité, de l’enseignement, du redressement de la Wallonie, de la promotion de l’esprit d’entreprendre. Dans nos discussions, il apporte une certaine fraîcheur et un bel équilibre. Il défend ses opinions mais jamais de façon agressive, avec de la nuance, de la distance. Il y a chez lui un grande compréhension de tous les tenants et aboutissants d’une situation.

Nous nous retrouvons aussi volontiers en dehors du boulot. Il adore l’opéra – moi un peu moins -, je l’invite donc à Liège, à l’Opéra royal de Wallonie. Mais nous allons aussi à des concerts de rock ou de folk. Nous sommes de la même génération, nos enfants ont le même âge, cela génère pas mal d’affinités. Nous avons effectué des voyages formidables ensemble en Birmanie, au Tibet, en Colombie, au Bhoutan, au Rwanda.”

Jean Stéphenne (ancien patron de GSK et président de BioWin)

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“François est un investisseur de la première heure dans les biotechs wallonnes, c’est par là que nous nous connaissons. Nous sommes par exemple ensemble chez OncoDNA depuis le début. Mais nous avons aussi investi chez Nanocyl.

Outre l’intérêt pour les biotechnologies et plus largement pour les progrès techniques qui vont contribuer au bien-être, nous nous rejoignons sur la conviction que les investisseurs privés doivent se mobiliser pour développer un nouveau tissu industriel en Wallonie. Nous n’avons pas un réseau d’investisseurs et d’entreprises familiales comme en Allemagne ou en Flandre, et nous essayons d’y remédier. François fait vraiment très attention à cela, il veut contribuer à faire émerger un entrepreneuriat wallon dynamique. C’est dans cette optique qu’il est très actif auprès des jeunes entrepreneurs.

Comme tout bon investisseur, François veille bien entendu aussi au retour financier. Et il a bien conscience des risques, en particulier dans ce secteur des biotechs. C’est l’une des forces de François: sa capacité à juger les projets, éventuellement en sollicitant quelques avis. Et quand il y croit, il fonce. Il y a des investisseurs frileux, ce n’est pas son cas. Il y a chez lui une grande détermination dans l’action.”

Pierre Gurdjian (président du CA de l’ULB)

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“François est l’un des premiers et l’un des principaux mentors de la plateforme d’incubation de projets sociétaux “40 under 40”, dont je suis le cofondateur. C’est quelqu’un d’extrêmement avisé dans les affaires, il a bâti un impressionnant portefeuille d’investissements, toujours très cohérents, dans le secteur des biotechs. Mais surtout, il a conscience que sa responsabilité sociétale est beaucoup plus large que ‘simplement’ faire du business. En ce sens, il est pour moi l’une des figures marquantes d’une nouvelle génération d’entrepreneurs dans le paysage francophone. Avec lui, ce n’est pas des ‘yaka’, il agit avec détermination, avec conviction mais toujours aussi avec humilité. Cette combinaison-là est assez rare.

François est un homme d’une très grande finesse et qui a une compréhension intégrative de toutes les situations. Il a cette capacité à percevoir toutes les facettes d’un problème et à agir en conséquence. C’est de l’intelligence, mais aussi une grande capacité d’écoute. Il sait s’entourer des bons conseils.”

Dominique Leroy (membre du comité de direction de Deutsche Telekom)

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“J’ai connu François à travers le YPO, club de managers et entrepreneurs, il y a un peu plus de 10 ans. J’apprécie ses valeurs, son côté entrepreneur et surtout son esprit vif, toujours prêt à entrer dans une jouxte intellectuelle et questionnant le monde. Nous parlons souvent du monde de l’entreprise, des enjeux économiques mais aussi de géo politique et de ce que nous pourrions faire pour améliorer le monde autour de nous.

Les enfants et leur avenir sont un sujet de conversation important. Nous essayons aussi de leur donner une plateforme de débats et de discussions en échangeant avec eux.

François est curieux et critique. Il adore la discussion mais cherche toujours à apporter des solutions.

Il aime les défis, la nature (promeneur, hiker), la découverte de nouvelles cultures et la science.”

Olivier Vanderijst (SRIW)

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“J’ai connu François Blondel dans le cadre de la gestion de participations communes où il est investisseur aux côtés de la SRIW. Depuis sept ou huit ans, nous déjeunons ensemble chaque année, au milieu de l’été. A l’ordre du jour, le développement de la Wallonie mais aussi des sujets plus personnels, liés à nos carrières respectives, à nos vacances (c’est un grand voyageur…).

Je qualifierais François Blondel d’encyclopédiste. Je suis toujours bluffé par la connaissance étendue qu’il a de tous les domaines du savoir. Il a bien entendu une expertise en biotech mais sa réflexion va bien plus loin. Il a une capacité d’analyse stratégique très forte, et très rapide, mais il combine l’analyse et l’action. C’est un vrai entrepreneur qui sait aussi être opportuniste, dans le bon sens du terme: celui qui saisit les opportunités. François fait partie de ces serial entrepreneurs qui n’hésitent pas à réinvestir l’argent qu’ils gagnent, à prendre de nouveaux risques. Il est l’un de ceux qui ont contribué à forger l’écosystème wallon des biotechs et a aujourd’hui un effet d’entraînement sur d’autres investisseurs. Il est devenu un role model.

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