Le monde pas si vert des trottinettes électriques
Les trottinettes partagées en libre-service envahissent les capitales européennes. Si elles sont écologiques, leur courte durée de vie, de 1 à 6 mois selon un acteur du secteur, pose cependant la question de leur durabilité.
On les voit à tous les coins de rue, envahir les routes et les trottoirs de Bruxelles. Les trottinettes électriques sont LE moyen de transport tendance du moment. Les acteurs présents à Bruxelles se bousculent: Lime venu des Etats-Unis, Dott (France), Tier et Flash (Allemagne). Les précurseurs Troty et Bird ont eux disparu ou sont, du moins, en pause, sans plus d’explications.
Vantés comme la solution idéale des déplacements en ville en terme d’écologie, ces engins motorisés sont-ils vraiment si respectueux de l’environnement ? L’Echo a réalisé une petite enquête à ce propos.
En achetant des trottinettes en très grandes quantités pour composer leur flotte, les acteurs du secteur peuvent diminuer le prix d’achat. Certains y voit un incitant à rapidement remplacer les trottinettes plutôt que de les réparer. Les opérateurs sont en effet soupçonnés de jeter purement et simplement ces trottinettes au moindre petit souci technique. Ce qui est difficilement vérifiable, rapporte le journal économique belge.
Selon un rapport de McKinsey sur la rentabilité des trottinettes partagées, il ressort que ce genre d’engin au prix d’achat moyen de 400 euros est rentabilisé après seulement 114 jours, à raison de 5 trajets par jour. Le bureau d’étude s’est basé sur les données publiques de la ville américaine de Louisville, dans le Kentucky. Le problème, c’est qu’en Belgique, la durée de vie d’une trottinette électrique moyenne n’est que de…28 jours, à peine un mois donc.
Benjamin Barnathan, patron de Lime au Benelux, soit le plus gros acteur du secteur à Bruxelles avec déjà plus de 100.000 utilisateurs autoproclamés explique à L’Echo: “La durabilité est un élément clé de notre modèle. On ne pourra être rentable que si la durée de vie est extrêmement longue“. Lime en est à la douzième version de sa trottinette et à chacune de celle-ci, la société tente de l’améliorer et d’augmenter son espérance de vie. “À Bruxelles, la durée de vie est d’ailleurs plus longue que dans d’autres villes européennes”, ajoute Benjamin Barnathan. “L’essentiel de ce que l’on retrouve sur le marché est construit en Chine. En quelques mois, les modèles sont déjà bien meilleurs. À Bruxelles, Dott a par exemple un produit bien plus résistant“, indique de son côté, Valentin Haarscher, le CEO de Poppy, une société de voitures et scooters partagés qui compte également se lancer dans le business des trottinettes partagées.
Cette durée de vie semble être un sujet délicat, voire tabou dans le secteur. Un acteur de la mobilité belge confirme que la durée de vie de ces trottinettes oscille entre 1 et 6 mois. Une durée beaucoup trop courte pour qu’elles soient véritablement écologiques.
28 jours
Car une fois retirée de la flotte, qu’advient-il de ces trottinettes ? Sont-elles réparées ? Recyclées ? Revendues en seconde main ? “95% de la trottinette sont recyclés. Lime est une entreprise zéro carbone et nous avons une filière de recyclage en Europe“, insiste son patron dans les colonnes de L’Echo.
Reste à savoir si un trajet en trottinette électrique est réellement beaucoup plus écologique. Selon le site de comparaison trottinette-lab.fr, une voiture émet environ 141gr de CO2 dans notre atmosphère selon le type de carburant utilisé. Un trajet en trottinette motorisée “pollue”, lui, environ 97% de moins qu’un voyage en voiture, estime le site français. À Paris, le métro et le RER parviennent à rivaliser avec la trottinette électrique en terme de rejet de CO2. En cause, la production d’électricité via l’énergie nucléaire.
Le site s’est aussi penché sur l’impact environnemental des productions des batteries de ces engins motorisés. Il en a déduit que la production d’une batterie au lithium d’un modèle courant de trottinette électrique rejette entre 150 et 200 kilos de CO2 par KwH de batterie. La fabrication de cette batterie rejetterait donc entre 28,05 et 37,4kg de CO2. Ce qui n’est pas rien. Cependant, cette production est contrebalancée par le fait que dès sa mise en circulation, la trottinette ne produit presque plus de C02, sauf quelques grammes lors de la charge de sa batterie. Par ailleurs, 50% à 75% du poids des batteries doivent être obligatoirement recyclés comme l’impose la législation européenne.
Des “Juicers” en 4×4
Tout n’est pourtant pas si vert dans le monde des trottinettes électriques. RTL France relayait récemment le travail des “Juicers”, les rechargeurs nocturnes de trottinettes. Ces travailleurs de l’ombre, souvent auto-entrepreneurs, partent chaque nuit à la chasse aux trottinettes abandonnées sur les trottoirs ou dans des coins reculés de certains quartiers afin qu’elles soint rechargées dès potron-minet. Si certains font ce travail à pieds, d’autres utilisent le plus souvent le véhicule de leur choix, généralement assez polluant, comme des camions ou des camionnettes roulant au diesel pour y charger les trottinettes récupérées et les amener dans un local dédié ou à leur domicile afin de les recharger. Selon les constatations du magazine Lyon Capitale, Lime invite même ses “Juicers” à utiliser des véhicules dont certains seront prochainement interdits dans les rues de Lyon et Villeurbanne. Sur la page destinée au recrutement, on peut lire comme description du job de “Juicer”: “Récupérer les trottinettes dont la batterie est faible ou à plat. Les ramener sur votre lieu de chargement en utilisant votre propre véhicule. Nous aimons particulièrement les camions, camionnettes, les 4×4 et les grandes berlines”. Pour l’aspect écologique, on repassera…
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