Le marché du vin bio, la poussée verte
Alors que les problématiques durables ont été exacerbées par la pandémie, il n’est pas étonnant de constater que la progression du vin bio soit fulgurante. C’est ce qui ressort de la note de conjoncture 2020 d’Agrifrance, un organisme aujourd’hui inclus dans le département Wealth Management de BNP Paribas.
Cela fait 20 ans qu’Agrifrance est tombée dans le giron de BNP Paribas. Cela fait 20 ans qu’elle produit, chaque année, une note de conjoncture sur le marché du foncier rural en France. Un rapport qui déborde fréquemment sur les pays voisins. “Que nous fassions partie du Wealth Management de BNP Paribas est logique, explique Benoît Léchenault, le directeur d’Agrifrance. Nous conseillons et accompagnons nos clients, de façon objective, dans leurs projets liés au foncier rural. D’autres collègues de la gestion de fortune font de même sur l’immobilier ou les tableaux. En France, nombreux sont ceux qui ont un membre de leur famille qui possède de la terre ou est agriculteur ou viticulteur. Vu l’air du temps, ce marché, très conservateur et classique, est revenu au premier plan. Avec des débats prégnants sur les pratiques plus respectueuses de l’environnement. Un jeune qui, aujourd’hui, s’installe ou reprend une exploitation doit en être conscient et s’adapter. Enfin, la législation, notamment sur les successions, implique des conseils clairs. Car dans le foncier rural, les cas d’indivision familiale sont fréquents.”
Quand un client est intéressé par investir dans une exploitation, je lui conseille toujours d’aller sur le terrain et de bien mesurer la réalité des choses.
Benoît Léchenault, directeur d’Agrifrance
Une percée spectaculaire
Pour son rapport 2020, Agrifrance a décidé de porter son attention sur la viticulture bio. Tant au niveau de la production que de la consommation. Une attention dictée par les clients. “Clairement, ce sont les consommateurs qui poussent les viticulteurs à se convertir, poursuit Benoît Léchenault. Dans mon métier, je suis frappé par l’importance que prennent les questions environnementales. Ce n’était pas comme ça il y a 10 ans. Dans tous les domaines agricoles, nos clients en parlent. Ceci dit, le vin bio occupe toutes les pensées mais le tapage médiatique n’a aucune mesure avec ce qu’il représente en termes de propriété foncière. Ceci dit encore, la percée est nette voire fulgurante : en France, les surfaces viticoles ont été multipliées par quatre en 10 ans et représentent aujourd’hui un hectare sur 10.”
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Selon le rapport, la vigne en bio représente, environ, 4,6% des surfaces viticoles mondiales. Cinquante pays disposent d’exploitations en bio mais 75% des surfaces ne sont le fait que de trois Etats : l’Espagne (89.600 ha en 2018), l’Italie (74.400) et la France (65.298). En 2023, ces trois pays devraient produire environ 2 milliards de bouteilles bios. L’Italie, dont les rendements à l’hectare sont meilleurs, est le premier producteur mondial avec 708 millions de bouteilles en 2018, devant la France (361) et l’Espagne (341). Pourquoi un tel déséquilibre géographique ? Typiquement, les vignobles du Nouveau Monde, tournés vers l’exportation, ont une démarche extensive. Cette stratégie freine la conversion en bio. Deux exceptions : la Nouvelle-Zélande (8% des surfaces sont en bio) et le Mexique (16%). La Chine régresse. Tout comme les Etats-Unis. Le problème y est technique : les sulfites ajoutés sont rigoureusement interdits dans la législation frappant les vins bios.
Et en Belgique ?
Les chiffres belges ne sont pas simples à collationner. En 2019, le SPF Economie recensait 441 hectares pour 154 vignerons. Tous types de viticulture confondus. Des chiffres en deçà de la réalité. “Nous sommes aujourd’hui au-delà des 500 hectares et on se rapproche d’une parité entre Flandre et Wallonie, confie Marc Vanel, journaliste et spécialiste de la viticulture belge. En Wallonie, les chiffres sont assez étonnants. J’ai recensé 100 hectares en bio ou en conversion vers le bio. Soit 40% du vignoble ! Et je n’ai pris en compte que les domaines qui dépassent l’hectare de production. C’est une véritable tendance de fond rendue possible par le recours à ces fameuses variétés résistantes ou cépages interspécifiques venus d’Allemagne. A part Hageling à Tirlemont, il y a peu de bio en Flandre. L’explication est intéressante : les vignerons du nord du pays sont très attachés aux cépages vitis vinefera. Soit les cépages classiques comme le chardonnay, le riesling, le sauvignon, le merlot, etc. Ils sont plus sensibles aux caprices de la météo belge et les exploiter en bio chez nous est un vrai défi.” En Wallonie, les domaines exploités en bio (voire en biodynamie) ou en conversion les plus importants sont : Vin de Liège (16,3 ha), Chenoy (14), Annevoie (11,5 ha plantés en 2020), Bioul (11), Bousval (8,5), Domaine W (8), Domaine XXV (7,5), Tour de Tilice (5,5), Portelette (4,7) et Marquise de Moulbaix (3).
Des coûts élevés de production
Le rapport Agrifrance se penche aussi sur l’aspect consommation du vin bio. Dans un contexte généralisé de baisse, les vins bios ne connaissent pas la crise. L’engouement est général et mondial avec l’Allemagne comme premier consommateur ( voir infographie). Le rapport confirme ce que tout le secteur sait déjà : les milléniaux ont une forte influence. Outre des envies plus marquées pour le blanc, les bulles ou le rosé, les jeunes de 20 à 40 ans ont une fibre environnementale très marquée. Boire, oui, mais avec une certaine conscience sociétale. Selon une étude comparative entre New York et Paris, les jeunes de 21 à 35 ans y sont plus nombreux (de 22 à 35%) à acheter ou consommer du vin bio que leurs aînés de 56-65 ans.
L’autre aspect très intéressant de la note de conjoncture concerne l’analyse comparative des coûts de production et des prix de revient. En France, le prix d’achat moyen d’une bouteille en bio s’élève à 6,14 euros contre 4,14 euros pour une bouteille conventionnelle. Il n’est donc pas étonnant de constater que les viticulteurs bios connaissent une hausse de leur chiffre d’affaires. De l’ordre de 46% selon l’Insee (Institut national des statistiques et des études économiques). Evidemment, les contraintes liées au bio ne sont pas neutres financièrement. En 2018, la chambre d’agriculture de Gironde a estimé l’augmentation des coûts de production de 15 à 20%. Grosso modo, la viticulture bio demande deux fois plus de main-d’oeuvre. C’est créateur d’emplois, certes, mais impactant pour le vigneron. Le surcoût annuel à l’hectare est compris, selon le rapport Agrifrance, entre 800 et 1.000 euros. Principalement en main-d’oeuvre. Il faut y ajouter 400 euros par an et par hectare pour le surcroît de mécanisation. Et l’on ne parle pas des chutes de rendement en raison d’années météorologiques compliquées. Autrement dit, se convertir au bio est un choix qui doit être mûrement réfléchi.
“Il ne fait aucun doute que le bio est plus respectueux pour la terre, l’environnement et le personnel viticole, conclut Benoît Léchenault. Le bio est une démarche complète. Il faut avoir les reins solides pour se convertir, mais aussi pour supporter les éventuelles années plus compliquées.”
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