Le Fonds Prince Albert fête ses 40 ans: déjà 600 jeunes professionnels envoyés à l’étranger

Annelies Vanderwaeren (3e personne en partant de la gauche) s’est envolée en 2022 pour le Kenya et a relevé le pari de la start-up Hydrobox. Avec succès. Sa mission a même été prolongée d’un an.
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances  

Créé en 1984 pour doper le commerce extérieur de la Belgique, le Fonds Prince Albert a surtout permis à 600 jeunes diplômés de vivre l’expérience unique d’une année professionnelle à l’étranger. Gros plan sur une initiative méconnue du paysage économique belge.

Elle a 29 ans et des étoiles plein les yeux. Fraîchement revenue d’Afrique, Annelies Vanderwaeren est beaucoup trop modeste pour reconnaître qu’elle a changé la vie de milliers de Kenyans grâce à son enthousiasme et à son expertise. Là-bas, elle a œuvré au développement d’Hydrobox, une entreprise belge dont la mission consiste à “transformer les communautés par la force de l’eau courante” (sic). Concrètement : en installant des mini-centrales électriques dans les régions les plus reculées du pays.

En un an, cette ingénieure commerciale diplômée de la KULeuven a réussi le double exploit de développer ce projet pilote au Kenya et d’en élaborer toute la stratégie commerciale, non seulement pour aider les populations locales, mais surtout pour générer des revenus indispensables à la pérennité de cette start-up bruxelloise. À son arrivée à Nairobi en 2022, l’équipe locale était composée d’une dizaine de personnes. Aujourd’hui, ils sont plus de 70 collaborateurs à poursuivre la mission enclenchée par Annelies Vanderwaeren.

Pourtant, rien n’était acquis. À l’époque, la jeune femme sortait d’une expérience belge de quatre ans chez Microsoft et ne connaissait rien à l’hydroélectricité. Mais comment la future head of sales d’Hydrobox est-elle parvenue à négocier ce virage spectaculaire ? La réponse tient en trois mots : Prince Albert Fund ou Fonds Prince Albert en français.

Méconnue du grand public, cette association aide les jeunes professionnels à gérer, pendant un an, un projet pour une entreprise belge à l’étranger, plus précisément en dehors du continent européen. Le Fonds Prince Albert sert, en quelque sorte, de marchepied à la carrière internationale des candidats sélectionnés via une bourse précieuse, tout en jouant un rôle essentiel dans le développement du commerce extérieur belge.

Changer d’horizon

Comme une vingtaine d’autres lauréats cette année-là, Annelies Vanderwaeren a décroché la timbale en 2022 pour ensuite s’envoler au Kenya et relever le pari de la start-up Hydrobox. Un défi qu’elle a réussi haut la main puisque la jeune femme a vu sa mission prolongée d’une année, en raison des bons résultats engrangés. “Je garde un excellent souvenir de cette expérience car j’ai appris énormément, confie l’intéressée. C’était à la fois une expérience professionnelle et de vie puisque j’ai été confrontée à un nouveau pays, une culture différente et des challenges inédits.”

Mais pourquoi ce choix exotique ? “Après quatre ans passés chez Microsoft Belgium, il était temps pour moi de changer de carrière et de secteur, répond Annelies Vanderwaeren. Je cherchais un moyen de partir à l’étranger, plus précisément en Afrique, et je suis tombée sur Hydrobox grâce au Fonds Prince Albert, qui offre de nombreuses opportunités d’emplois hors Europe. J’ai donc quitté une multinationale pour une start-up, sans aucune expérience en people management, mais j’ai réussi à lancer un projet et, petit à petit, à gérer une équipe. C’était passionnant.”

À entendre la jeune femme, on pourrait croire que le parcours est simple. Il n’en est rien. La bourse du Fonds Prince Albert se mérite et seuls 30 élus sont désignés parmi 250, voire 300 candidats selon les années, au terme d’une sélection rigoureuse. Il y a d’abord quelques critères de base à respecter pour pouvoir introduire sa candidature :

  • avoir moins de 30 ans,
  • être Belge ou domicilié en Belgique depuis au moins cinq ans,
  • être titulaire d’un master et
  • faire valoir une expérience professionnelle d’au moins deux ans.

Il y a ensuite tout un dossier à remplir sur le site du Fonds Prince Albert qui permet au jury de faire une première sélection de 75 candidats. Et il y a enfin les interviews en présentiel devant ce même jury pour espérer décrocher le graal : une bourse de 27.500 euros par lauréat pour vivre et travailler 12 mois à l’étranger.

Un “MBA appliqué”

“À ce stade, les lauréats ne savent pas encore où ils partiront, ni avec quelle entreprise ils collaboreront, explique Kristel Van Den Berghe, directrice du Fonds Prince Albert. Une fois sélectionnés, il y a tout un processus d’accompagnement qui se met en place et qui dure en moyenne cinq mois durant lesquels ces jeunes professionnels peuvent rencontrer des coachs, des alumni et surtout bénéficier d’une marketplace où sont reprises toutes les offres des sociétés belges qui cherchent de bons profils pour l’étranger.”

Après avoir choisi eux-mêmes le projet, l’entreprise et le pays de destination selon leurs aspirations et les postes disponibles, les lauréats enclenchent alors la vitesse supérieure et s’installent un an à l’étranger pour des missions généralement stratégiques. “Le Fonds Prince Albert est une porte ouverte sur un nouveau futur, poursuit Kristel Van Den Berghe, une life-changing experience et surtout une opportunité pour transformer une carrière et acquérir de nouvelles compétences.”

“De nombreux alumni comparent cette année à un ‘MBA appliqué’, renchérit Emmanuel Caeymaex, chief commercial officer du géant UCB et président du Fonds Prince Albert. Une année de pratique durant laquelle ils ont vécu une expérience de développement personnel et professionnel, où ils ont pu forger leurs compétences en leadership et développer un nouveau réseau, tout en étant confrontés au choc culturel et à la prise de risque.”

“Les derniers lauréats portent beaucoup plus d’attention à l’impact sociétal et social des entreprises.”
Emmanuel Caeymaex

Emmanuel Caeymaex

Président du Fonds Prince Albert

L’homme sait de quoi il parle. En 1994, ce lauréat du Fonds Prince Albert est parti en mission sur le continent asiatique pour développer les filiales d’UCB aux Philippines et en Indonésie. Un challenge énorme “qui m’a permis de développer la patience et qui a changé ma vie, confie Emmanuel Caeymaex. Sans cette expérience, j’aurais sans doute eu une carrière beaucoup plus linéaire”.

Nouvelles aspirations

En 40 ans d’existence, le Fonds Prince Albert a soutenu près de 600 projets et probablement changé la vie d’autant de jeunes talents belges. Créé à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin, de la Fédération des Entreprises de Belgique et du cabinet du futur Roi Albert II, ce fonds s’est rapidement imposé dans le paysage économique, non seulement comme un précieux catalyseur de carrières, mais aussi comme un accélérateur du commerce extérieur belge en permettant à quelque 300 sociétés et start-up du pays d’étendre leurs activités à l’international.

Entièrement financé avec de l’argent privé, le Fonds Prince Albert tourne aujourd’hui avec un budget moyen d’un million d’euros par an dont 90% sont consacrés aux bourses des lauréats. L’association s’est dotée d’un bon capital de départ en 1984 qu’elle a joliment fait fructifier et, chaque année, les entreprises remettent la main au portefeuille pour accompagner ces jeunes professionnels à l’étranger.

Au fil des ans, le nombre de participants à l’aventure a évolué, passant progressivement de 15 lauréats à 30 aujourd’hui, avec également un équilibre hommes-femmes qui a fini par s’imposer durant la dernière décennie. Si la mission du Fonds Prince Albert est restée inchangée durant ses 40 années d’existence, l’association a toutefois été le témoin de l’évolution des entreprises belges face aux défis mondiaux et des aspirations des nouvelles générations, davantage en quête d’impact sociétal.

“Au début, le Fonds Prince Albert était très orienté vers les exportations, raconte son président Emmanuel Caeymaex. D’ailleurs, on ne trouvait presque exclusivement que des grands groupes comme Umicore, Barco, UCB, Solvay ou la Générale de Banque pour accueillir les lauréats à l’étranger. Aujourd’hui, ce sont surtout des PME, des start-up et des scale-up qui attirent les candidats vers des missions qui touchent principalement aux infrastructures durables, à la production responsable, à l’énergie renouvelable, à la santé et au bien-être. C’est un fait : les derniers lauréats portent beaucoup plus d’attention à l’impact sociétal et social des entreprises que les générations précédentes.”

En 40 ans d’existence, le Fonds Prince Albert a soutenu près de 600 projets. © FrankToussaint

L.A. Woman

Sur le plan géographique, les centres d’intérêt des candidats ont également évolué. Ces dernières années, la Chine a perdu en attractivité, au profit de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Océanie qui ont enregistré des demandes croissantes. Les États-Unis restent une valeur sûre et c’est précisément dans ce pays que la jeune Héloïse de Villenfagne, lauréate en 2022, a choisi de vivre son expérience d’une année à l’étranger. Grâce au Fonds Prince Albert, cette ingénieure de gestion formée à l’UCL a rejoint les bureaux californiens de Miron Violetglass USA, un fabricant de flacons en verre violet sombre dont le principal actionnaire est un holding belge.

“Je suis rentrée dans une aventure excitante à Los Angeles que je poursuis toujours aujourd’hui.”
Héloïse de Villenfagne

Héloïse de Villenfagne

Lauréate 2022 du Fonds Prince Albert

Durant sa mission, elle a eu l’opportunité de lancer la filiale sœur Calasco, spécialisée cette fois dans le verre transparent, dont elle est devenue la responsable des ventes et du marketing. “Je suis rentrée dans une aventure excitante que je poursuis toujours aujourd’hui puisqu’il est rapidement apparu que j’allais rester sur place après ma mission d’un an pour développer ce produit, explique Héloïse de Villenfagne depuis Los Angeles. Le Fonds Prince Albert m’a permis d’ouvrir énormément de portes, de manager une boîte qui grandit vite et de vivre une expérience à l’étranger qui est loin d’être terminée. C’est une opportunité assez unique, mais qui n’est cependant pas faite pour tout le monde car il ne faut pas avoir peur de se mouiller, ni de sauter dans l’inconnu, ni d’être confronté à une autre culture.”

Ce vendredi 11 octobre, le Fonds Prince Albert fêtera officiellement ses 40 ans au cours d’une soirée de prestige à Bruxelles, en présence de la princesse Astrid qui remet traditionnellement les diplômes aux lauréats depuis quelques années déjà. À cette occasion, Pieter Timmermans, CEO de la Fédération des entreprises de Belgique, décernera un tout nouveau FEB NextGen Leadership Award à un ancien lauréat pour lui offrir un coup de pouce supplémentaire dans sa carrière, avec un budget de formation de 5.000 euros.

Le prochain appel à candidatures du Fonds Prince Albert sera quant à lui lancé dans le courant du mois de novembre.

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